Le Conseil supérieur de défense du Mali a décidé de la fermeture des écoles depuis fin mars 2020. Elles n’ouvriront que le 2 juin prochain, pour les classes d’examen. Pendant tout ce temps, les enseignants des écoles privées sont sans salaires. Le Syndicat libre des enseignants des écoles privées du Mali (SYLEEPMA) doit tenir un sit-in ce mercredi 27 mai 2020 afin de réclamer des mesures d’accompagnement. Nous nous sommes entretenus sur la question avec Adama Sidibé, 1er secrétaire général adjoint du SYLEEPMA.
Phileingora : vous organisez un sit-in le mercredi prochain. Quelles en sont les raisons ?
Adama Sidibé : les raisons sont connues d’avance. Avec la pandémie de coronavirus, les pouvoirs publics ont décidé la fermeture des écoles privées comme publiques. Depuis cette fermeture au mois de mars 2020, les enseignants en grande majorité n’ont pas de salaire. La reprise est prévue pour le 2 juin. Mais celle-ci ne concernera que les classes d’examen. Ce qui exclut la grande partie des enseignants de ces écoles qui ne dispensent pas de cours dans des classes d’examens.
Ce qui montre que la course continue. Après avoir passé la période de mars à juin sans salaire, ils doivent encore passer la période de juin à octobre dans la même situation. On a du pain sur la planche. Nous sommes dans une situation très difficile, voire catastrophique. Déjà, les gens n’arrivent même plus à payer les locations. Ils n’arrivent même plus à joindre les deux bouts.
Dans ces écoles privées, les enseignants en grande majorité sont lésés de tous leurs droits. Les enfants ne mangent pas bien, les femmes ne mangent pas bien. C’est une humiliation totale.
Ce sit-in est une manière pour nous d’interpeler les autorités pour qu’ils sachent que la fermeture des classes a des conséquences que l’État ignore sûrement. Nous souhaitons que l’État honore ses engagements par rapport aux mesures d’accompagnements. Même si nous n’avons pas la totalité de nos salaires, si nous avons une proportion, cela peut nous réjouir.
Dans ces écoles privées, depuis au mois de décembre 2019, il y a des promoteurs qui ne donnent plus de salaire à leurs enseignants. Ils ne leur paient que lorsque les subventions tombent, soit durant les vacances scolaires.
Le gouverneur peut refuser d’accorder l’autorisation. Dans ce cas, que feriez-vous ?
Nous sommes des syndicats. Nous sommes républicains. Mais je pense que le sit-in, la marche pacifique, la grève sont des droits. En tant que syndicat, nous avons pour devoir de revendiquer des droits. Nous utiliserons toutes les voies légales pour y arriver. Je pense que le gouverneur ne doit pas refuser cela.
Qu’est-ce qui vous assure que les promoteurs ont la possibilité de vous payer vos salaires, mais refuseraient de le faire ?
Les sources de revenus des promoteurs sont de deux niveaux. D’abord ils reçoivent de l’argent en provenance des parents d’élèves qu’on appelle les frais de scolarité qu’ils utilisent pour honorer les salaires des enseignants. La deuxième source de revenu se situe au niveau des écoles privées où l’Etat envoie des enseignants. Pour ce faire, l’État se rassure d’abord, si je ne m’abuse, que les promoteurs seront en mesure de payer à temps ces enseignants.
Dans la majeure partie des cas, les promoteurs ne respectent pas leurs engagements. Ils attendent toujours les subventions pour régler le salaire des enseignants. Or, le salaire d’un enseignant ne doit jamais être lié à la subvention.
Demander s’ils sont en mesure de nous payer nos salaires en cette période ne se pose pas. Puisque c’est l’État qui a fermé les écoles et promis des mesures d’accompagnement, c’est aux promoteurs de bousculer l’État afin d’obtenir des aides qui pourront servir à nous aider. Mais jusque-là, nous n’avons pas encore entendu la réaction des promoteurs.
Prévoyez-vous des actions pour la prise en charge des enseignants durant les douze mois de l’année ?
Pour gérer cette situation, nous avons pour premier objectif la mise en place d’une convention collective entre les promoteurs et les enseignants. Cela est notre objectif ultime. Dans cette convention, l’État jouera un rôle d’arbitre. C’est cette convention qui s’occupera de la question de la permanence, des salaires, de l’inscription à l’AMO ainsi qu’à l’INPS, du taux horaire, etc.
Tout sera défini dans cette convention. C’est ce combat qui nous a poussés à créer ce syndicat. Nous n’allons jamais baisser les bras tant que nous n’aurons pas la convention.
Tous ces problèmes ne sont-ils pas liés au manque d’organisation des enseignants des écoles privées ?
Effectivement, les enseignants des écoles privées ne sont pas du tout organisés. Dans un pays voisin du Mali, les enseignants des écoles privées et ceux des écoles publiques sont régis par la même convention. Ils ont presque les mêmes salaires. Ils sont mis dans les mêmes conditions que leurs collègues des écoles publiques. Mais comme on le dit souvent, « mieux vaut tard que jamais. » Nous avons compris qu’il est temps qu’on organise ce secteur.
Plus de 80 % des élèves sont dans les écoles privées à Bamako. Mais ceux qui s’occupent de l’encadrement de ces élèves ne sont pas dans de bonnes conditions. Ce qui aura des répercussions directes sur le niveau des élèves.
Ce milieu a besoin de tout le monde (promoteurs, État, enseignants) pour mieux l’organiser. Il revient tout de même en premier lieu aux enseignants de s’organiser.
Il faut aussi reconnaitre que ce manque d’organisation a aussi ses raisons. Car tous ceux qui ont essayé d’organiser ce milieu ont été radiés sans droits. C’est ce qui a fait qu’il y avait la peur. Aujourd’hui, il faut organiser ce secteur pour l’intérêt de l’école malienne.
Comment comptez-vous procéder pour atteindre vos objectifs ?
Un syndicat fait recourt à des moyens légaux. Avant ce sit-in, nous avons tenu un point de presse à la Maison de l’enseignant de Bamako. On n’a pas été entendu. C’est après que nous avons jugé nécessaire de mener d’autres actions. C’est ce qui nous a amenés à aller vers ce sit-in. Si ce sit-in n’a pas les résultats escomptés, nous consulterons la base pour évaluer ensemble les prochaines actions à mener afin de se faire entendre. Toutefois, nous espérons qu’après ce sit-in, les lignes vont commencer à bouger.
Nous vous remercions pour votre attention à notre action à venir.
Propos recueillis par F. Togola
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