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Vacances scolaires au Mali : l’école buissonnière permanente ?

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À l’heure où les vacances scolaires débutent au Mali, se pose la question cruciale de leur impact sur la scolarité des enfants, notamment dans les régions vulnérables. Entre petits boulots, fréquentation des « grins » et exposition aux risques sécuritaires, cette pause estivale pourrait bien se transformer en facteur silencieux de décrochage scolaire.

Au Mali, quand la cloche sonne la fin des cours en juin, elle n’annonce pas seulement l’entrée dans une parenthèse estivale. Elle ouvre surtout, dans bien des cas, la porte vers l’inconnu, ou pire, vers une rupture silencieuse avec l’école. Pendant que les classes ferment leurs portes, c’est toute une société qui oublie qu’entre juillet et septembre, voire octobre, des milliers d’enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes, à la merci des réalités de leur environnement : pauvreté, désœuvrement, tentations d’adultes. Ce qui, dans les cercles feutrés, s’appelle « vacance scolaire », prend dans les régions fragiles l’allure d’un sas vers le décrochage.

Douter de l’utilité de conjuguer le verbe « apprendre » au présent

À Bamako comme à Bankass, les vacances n’ont pas la même saveur. D’un côté, quelques chanceux s’initient à la robotique ou lisent Amadou Hampâté Bâ dans des bibliothèques climatisées. De l’autre, la majorité bascule dans les travaux champêtres, la soudure informelle ou la coiffure de trottoir – non pas pour se divertir ou acquérir un savoir-faire, mais pour mettre du riz dans l’assiette ou s’acheter un trousseau pour la rentrée. Qui osera reprocher à ces enfants d’avoir le pragmatisme chevillé au corps dans un pays où même l’école semble parfois une promesse incertaine ?

Mais là réside le danger. À force de gagner leur pitance par des petits boulots, nombre de jeunes découvrent très tôt ce que certains adultes appellent cyniquement « l’indépendance financière ». À peine ont-ils touché quelques billets qu’ils commencent à douter de l’utilité de conjuguer le verbe « apprendre » au présent. L’école devient un luxe, une option parmi d’autres, parfois la moins rentable. D’autant que les grins – ces groupes informels d’adolescents bavards et désœuvrés – pullulent à l’ombre des quartiers, distillant leur propre pédagogie : celle du paraître, de la frime, du raccourci facile. Une école parallèle, sans tableau noir, mais avec ses rites, ses maîtres à penser et son rejet de l’effort scolaire.

Éviter que les vacances deviennent l’antichambre de l’échec scolaire

Dans les régions en proie à l’insécurité, le tableau est encore plus inquiétant. Entre les recruteurs de groupes armés, les trafics en tous genres et l’effondrement des structures éducatives, les vacances ne sont plus une pause, mais un risque. Celui que l’enfant bascule vers une trajectoire sans retour, happé par les sirènes d’un discours radical qui lui promet reconnaissance, appartenance, parfois même un salaire. Le chaos ne prend pas toujours les armes. Il s’insinue d’abord dans les consciences oisives.

Il serait temps que l’État, les collectivités, les parents – et pourquoi pas les associations religieuses – prennent la mesure de cette dérive saisonnière. Car les vacances, si elles sont mal encadrées, deviennent l’antichambre de l’échec scolaire. Ce que l’on doit éviter à tout prix. L’apprentissage peut être ludique, flexible, mobile. Il peut coexister avec l’aide familiale ou l’initiation à un métier. À condition qu’il ne soit pas totalement évacué. Une heure de lecture quotidienne, une révision hebdomadaire, un suivi parental renforcé – voilà des mesures simples, mais qui peuvent faire la différence entre un retour en classe réussi et un abandon définitif.

Dans un Mali où l’école reste l’un des rares espoirs de justice sociale, il ne faut pas que juillet, août et septembre soient les mois de tous les dangers. Car si l’on ne fait rien, les vacances d’aujourd’hui seront les fractures de demain. Et alors, le décrochage ne sera plus un phénomène, mais une norme.

Chiencoro Diarra 


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