Dans cette tribune, Mikaïlou Cissé, professeur de philosophie au secondaire, signe un plaidoyer pour un Mali debout, maître de son destin et fidèle à son essence. Entre mémoire et modernité, il célèbre la diversité du pays, l’engagement de sa jeunesse et la loyauté de son armée, deux forces jumelles d’un même idéal : celui d’un Mali libre, multiple et souverain, résolu à inventer son avenir sans renier ses racines.
Sans littoral au sens propre, mais ouvert à tous les souffles du monde, le pays s’étend, vaste comme une promesse, dense comme une histoire. Les pères fondateurs l’ont voulu grand, digne et souverain — non pas comme un mot gravé sur un drapeau, mais comme une résolution intime.
Sa terre et son sous-sol regorgent de richesses, mais sa vraie fortune réside ailleurs : dans le peuple, patient, laborieux, résilient. Dans la dignité têtue du quotidien.
Un pays tissé de diversités
Du Sahel poussiéreux aux artères surchauffées de Bamako, du chef coutumier au responsable d’État, le fil de l’autorité tisse une responsabilité commune. La liberté de l’individu s’y conjugue avec la puissance du collectif — non en opposition, mais en équilibre. Dans les marchés et sur les routes, au cœur des foyers, se mêlent échanges et récits : le commerce des biens devient commerce des âmes.
Le Mali est multiple. Et cette multiplicité, loin d’être une dispersion, est respiration. Elle est le pouls du pays. Chaque langue, chaque coutume, chaque croyance, chaque manière d’être y devient visage de la même patrie. Ce pays n’a jamais craint la diversité. Il en a fait sa force. C’est de cette mosaïque que naît la cohésion nationale, vivante et têtue, tenace parce qu’humaine.
L’armée, incarnation du peuple
Dans ce tissu de différences, l’armée se dresse comme un miroir.
Elle n’est pas un corps étranger greffé à la société. Elle est la chair du peuple. Fils de cultivateurs, de bergers, d’artisans ou d’enseignants, les soldats sont le visage même du pays — la République en uniforme.
Dans ses rangs se fondent la mémoire et la rigueur, la diversité et la discipline. L’armée n’est pas un simple rempart. Elle est une conscience.
À chaque crise, elle s’avance pour rétablir l’équilibre d’où jaillit la paix. Ses chefs imposent cette paix non comme un trophée, mais comme un devoir. Car ici, la paix ne se décrète pas : elle s’arrache au prix du courage et se conserve par la fidélité.
L’armée ne défend pas seulement un territoire. Elle protège une mémoire, une idée : celle d’un Mali debout.
La jeunesse, souffle et promesse
Cette unité vécue dans l’armée trouve son écho dans la jeunesse.
Elle aussi est multiple. Elle est la main de l’artisan et la voix de l’étudiant, la force des champs et le souffle des cités. Partout présente, partout inventive, elle relie les générations comme un fil de sève.
Parce qu’elle est diverse, elle sait unir ; parce qu’elle est vigoureuse, elle bâtit.
La paix véritable ne naît pas d’un seul geste : elle est l’œuvre lente et obstinée de la jeunesse.
La liberté, au Mali, n’est pas un luxe. Elle est une culture.
Elle se partage, s’exerce avec responsabilité.
La guerre éprouve la jeunesse et l’armée ; le commerce révèle l’ingéniosité du peuple. Sur les routes, dans les ateliers, au bord des rivières, s’écrivent chaque jour des récits d’endurance et de création. Ce pays ne se plaint pas. Il persiste.
Les fractures et l’espérance
Mais le Mali n’est pas qu’espérance. Il est aussi traversé de contradictions.
La vie urbaine, hyperconnectée, bouscule la sérénité ; la vie rurale, isolée, freine la circulation des idées. Ces tensions creusent parfois des fractures — entre jeunes et anciens, entre héritage et modernité.
L’éducation, imparfaite et inégale, est au cœur de ces tensions.
Les écoles déconnectées parfois des réalités locales forment des esprits déracinés ; les talibés et les élèves déscolarisés peinent à trouver leur place. L’influence étrangère — européenne ou arabe — façonne parfois des imaginaires en rupture avec le vécu local. L’école, censée unir, devient alors fracture. Et pourtant, c’est par elle que la paix peut se reconstruire.
La paix, un art collectif
Ici, la paix n’est pas un état figé. Elle est discipline et apprentissage.
Quand la société vacille, c’est vers le terrain commun — le commerce, la parole, le respect des institutions — que revient l’espoir. La paix se cultive dans l’effort partagé.
L’armée et la jeunesse, deux forces, deux symboles : la stabilité et le renouveau. L’une protège, l’autre bâtit. Ensemble, elles assurent la continuité du pays. Car le Mali, riche de sa diversité et fort de sa jeunesse engagée, se tient debout.
Souverain, indomptable, libre — non pas par hasard, mais par choix.
Le choix de la persévérance. Le choix de la responsabilité. Le choix d’un avenir qui se conquiert autant qu’il se rêve.
Mikaïlou Cissé
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