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Tribune. Mali : le carburant, nouvel enjeu de souveraineté nationale et régionale

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Au Mali, la chaîne du carburant devient un enjeu vital de souveraineté. Entre sécurité, logistique et dignité nationale, un combat pour la survie économique.

Il est des guerres silencieuses qui décident du sort des nations. Au Mali, la guerre du carburant ne se mène pas dans les casernes, mais sur les routes brûlantes. Là où chaque camion-citerne, chargé de diesel et d’espérance, devient un symbole d’endurance et de souveraineté.

Sur les routes du courage

Sur les pistes de poussière reliant Bamako aux capitales portières de la sous-région, jusque dans les villages reculés de Nioro, se joue aujourd’hui la continuité de notre souveraineté.

Chaque convoi, escorté ou solitaire, transporte bien plus qu’un liquide inflammable : il transporte la dignité d’un peuple et la promesse d’un lendemain possible.

L’attaque meurtrière du 14 septembre 2025 dans la région de Kayes a rappelé, avec brutalité, que la souveraineté n’est jamais donnée. Elle se conquiert jour après jour, contre le désordre et la peur.

Les groupes armés ne visent pas seulement l’État : ils s’en prennent à la chaîne invisible qui relie les villes aux villages, le centre aux marges, la capitale au monde rural. Lorsque le moulin s’arrête à Koutiala, ce n’est pas seulement une panne : c’est la nation entière qui vacille.  Dans le Mali rural, souvent oublié, se mesure la vitalité réelle de notre indépendance.

Le devoir d’un État en mouvement

Le Premier ministre Abdoulaye Maïga, dans son Plan d’Action Gouvernemental 2025-2026, l’a rappelé : la responsabilité d’un État moderne ne consiste plus seulement à gouverner, mais à maintenir en mouvement la vie collective.

Sécuriser les routes, recruter de nouveaux agents, coordonner les forces armées : ces mesures ne sont pas de simples actes administratifs. Elles incarnent la volonté de faire circuler la vie, d’assurer que le dernier litre de carburant atteigne même les confins du pays, à un prix fixé par l’État. Car un État ne se juge pas à la lumière de sa capitale, mais à la vigueur de ses périphéries.

Au-delà des frontières

Mais la lutte du Mali dépasse désormais ses frontières. Pays enclavé, il dépend des veines régionales qui le relient aux ports du Sénégal, de la Guinée et du Togo. Chaque route, chaque corridor devient un signe d’unité.Dans cette interconnexion, la souveraineté malienne se fond dans une souveraineté régionale naissante, où la solidarité devient une nécessité vitale.

La chaîne du carburant n’est pas seulement un enjeu économique : elle est le miroir de notre condition collective. Elle révèle la tension entre dépendance et autonomie, entre nécessité et liberté.

La souveraineté vécue

Mais la véritable question est ailleurs : les peuples africains peuvent-ils redevenir les maîtres du mouvement qui les nourrit ? Peuvent-ils transformer leur dépendance en levier de souveraineté partagée ? La souveraineté ne doit pas rester un concept réservé aux diplomates : elle doit devenir une expérience vécue. Elle se perçoit dans le geste du cultivateur, dans le travail de l’enseignant, dans la reprise du moulin par les femmes.

Ainsi, le Mali rural est le cœur battant de la nation : un lieu où la dignité se construit dans la lutte quotidienne contre la disparition. Chaque litre acheminé est une victoire sur l’inertie. Chaque moteur qui redémarre dans un village prolonge la respiration du pays. Le Mali rural est, à n’en pas douter, le véritable gardien de la nation.

Mikailou Cissé 


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