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[Tribune] Analyse pessimiste des crises sociales et politiques en Afrique de l’Ouest à partir de la « dialectique des problèmes » 

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Les démocraties africaines, notamment celles d’Afrique de l’Ouest, traversent depuis leur naissance les mêmes problèmes, à savoir les coups d’État. Depuis, des experts se planent sur la question sans réussir à trouver des solutions définitives, justement parce qu’il ne saurait en avoir. Toute œuvre humaine ne peut qu’être éphémère, donc limitée dans le temps. 

Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023 au Niger, la région ouest-africaine court le risque d’un affrontement interarmées par la faute des chefs d’État de la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Une menace qui, dit-on, viserait à rétablir l’ordre constitutionnel en restaurant le président déchu Mohamed Bazoum dans ses fonctions. Cette situation a vu déjà se former deux blocs dans cette région en proie à une crise multidimensionnelle due au terrorisme, au petit banditisme et aux narcotrafiquants. 

En quête d’un État modèle

Cette position dure de la Cédéao est une première dans cette région où les coups d’État sont devenus monnaie courante depuis le renversement d’Ibrahim Boubacar Kéïta au Mali, en 2020 et de Roch Mac Christian Kaboré au Burkina Faso, en 2021. Deux pays toujours en transition en dépit de toutes les menaces que les militaires au pouvoir ont reçues de la part de la Cédéao. Malgré les négociations, des sanctions ont pesé sur ces États mettant à rude épreuve leurs économies sans que les hommes en kakis capitulent. 

Le terrorisme, la crise économique et financière, les conflits sociaux et politiques, les coups d’État, la région ouest-africaine, et plus spécifiquement les pays du Sahel sont en quête d’un État modèle dans lequel tous ces fléaux ne seront que tristes souvenirs. Des problèmes qui persistent malheureusement depuis leur accession aux indépendances qu’ils avaient pourtant considérée comme le début d’une nouvelle ère après la domination coloniale et la traite négrière. Mais les problèmes semblent avoir la carapace dure dans cette région où chaque espoir semble se transformer rapidement en désespoir. 

Les deux Guerres mondiales 

Le perfectionnement et la recherche d’une paix durable ont toujours marqué la vie des hommes de façon générale. L’être humain a cette tendance à permanemment vouloir ce dont il ne dispose pas, il rêve d’un avenir meilleur, d’une vie meilleure. Un désir qui l’a toujours amené à améliorer voire perfectionner ses outils de travail et par ricochet de guerre. 

Selon les partisans d’un « état de nature » violent de l’humanité, notamment avec l’anglais Thomas Hobbes, les hommes demeuraient des loups les uns pour les autres dans l’état primitif de la société. 

L’agressivité était ce qui les caractérisait. Mais le plus intéressant à savoir à ce stade, cela, avec Jean-Jacques Rousseau, c’est que l’homme ne demandait à la nature plus que ce qu’il n’en fallait pour vivre. Même pour les guerres, il se servait des branches d’arbres pour se défendre. 

Le perfectionnement et avec elle l’instauration de la propriété privée, fondement de l’inégalité et de l’injustice sociale, les guerres, au lieu de finir à travers le contrat social ou la force des mots et des lettres, se sont accentuées pour devenir plus meurtrières. 

Sans aucune prétention de vouloir faire un historique de l’avènement des armes dans le monde, il convient tout de même d’indiquer que l’humanité a toujours évolué dans des tensions, bien que souvent moins meurtrières au début. Car les armes utilisées étaient moins puissantes, du moins jusqu’aux deux guerres mondiales. 

Pas de paix perpétuelle 

Cette extrapolation de la situation que vit l’Afrique de l’Ouest et plus particulièrement le sahel est assez pessimiste bien vrai que ce soit une vision qui colle parfaitement à la réalité. Cette « dialectique des problèmes » faisant que la solution à chaque problème devienne un nouveau problème, souvent plus complexe que la matrice nous amène à la compréhension selon laquelle, quelle que soit l’option choisie par les chefs d’État ouest-africain dans la résolution de cette problématique des coups d’État, des dérives persisteront. C’est la preuve de l’imperfection humaine. Tout ce qui est humain est limité dans le temps. 

Dans cette région, comme dans le reste du monde, il ne pourrait nullement être question de « paix perpétuelle ». L’homme vit pour résoudre des problèmes. Dans l’ordre naturel des choses, il y a également l’interdépendance alimentaire. Cela reste de même pour les sociétés humaines. Les grands se nourrissent des petits. Les grandes puissances se nourrissent des pays dits pauvres. L’esclave fait nourrir son maitre. Mais la roue de l’histoire ne cessant de tourner et l’existence se traduisant par l’effort de sortir de soi-même pour se réaliser, les rôles peuvent s’inverser. C’est l’œuvre du courage et de la détermination. 

Se rapprocher de la et de la quiétude 

Les marxistes ont donc raison d’avoir remarquablement souligné que la lutte des classes a traversé toutes les sociétés depuis l’antiquité. Elle se poursuit encore aujourd’hui. Car elle est le moteur de l’histoire. Elle a lieu en vue de trouver des solutions à des problèmes bien déterminés dans une société donnée ou encore en vue d’imposer une vision ou simplement étendre sa domination. 

Toutes les crises que traverse la région sahélienne d’Afrique de l’ouest n’auront en fin de compte que des solutions éphémères provenant d’êtres humains limités et imparfaits. De même que l’homme ne peut que se rapprocher de la perfection, de même nos États ne peuvent que se rapprocher de la paix, de la quiétude. 

Tant que l’homme demeure corruptible, dans le sens de la dégénérescence, il ne faut pas espérer vivre dans un eldorado sur terre. Plus la population va s’accroitre, plus les problèmes vont se multiplier dans nos sociétés. Nul ne veut reconnaitre son faillibilisme et chacun se croit plus dans le vrai que les autres. Comme des politiques, chacun se pense avoir la bonne politique pour transformer des misères en opportunité. Pourtant, agissant de la sorte, chacun démontre inconsciemment ses limites aux yeux du monde et met ses semblables dans des situations encore plus inconfortables. 

En attendant que les chefs d’État de la Cédéao trouvent des solutions quasi pérennes aux problèmes qui subsistent dans la sous-région, il serait important d’adopter la politique du « coup par coup » dans la résolution du monticule de problèmes dont cette région est confrontée.  

F. Togola 

Fousseni TOGOLA
Fousseni TOGOLAhttps://saheltribune.com
Né à Fana, dans la région de Dioïla, Fousseni TOGOLA est professeur de philosophie de formation, journaliste-blogueur et écrivain. Après un Master obtenu à l’Ecole normale supérieure (ENSUP) de Bamako sur la théorie de la « falsifiabilité » de Karl Popper, il se tourne vers l’écriture, à travers le blogging et ensuite le journalisme. D’abord membre de la Communauté des blogueurs du Mali (DONIBLOG), ensuite contributeur à Benbere, plateforme des blogueurs maliens. Il est également membre du Réseau des journalistes africains spécialisé sur le développement durable et le changement climatique (Africa 21). M. TOGOLA servira ensuite au quotidien malien Le Pays comme rédacteur en chef adjoint et éditeur. Il a également servi, comme pigiste, au premier site d’informations au Mali, Maliweb. Fousseni est aujourd’hui fondateur du site indépendant d’informations, d’analyses et d’enquêtes saheltribune.com. En 2020, il a été nominé au prix Mali Média Award (MAMA). La même année, il est lauréat du « Prix de Reconnaissance des Médias « Restez à la Maison », de la fondation Merck, dans la catégorie presse en ligne au Mali. Comme centre d’intérêt, M. TOGOLA s’intéresse au sujet touchant le climat, l’environnement et la biodiversité. Il a un intérêt assez particulier pour les questions sécuritaires et éducatives au sahel. Ouvrages publiés Féminitude, Innov Editions, 2018 (Essai) La société close et ses militants, 2019 (Essai politique) L’homme sirène, Prostyle Editions, 2020 (Fiction) Bintou, une fille singulière, 2020 (Roman philosophique)

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