Home InvestigationsAnalyses [Tribune] À la recherche du réel dans les démocraties africaines !

[Tribune] À la recherche du réel dans les démocraties africaines !

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En Afrique, la stabilité politique et institutionnelle devient un rêve insatiable. Dans ces démocraties du continent, l’on découvre tout le sens de l’imperfection des œuvres humaines. La réalité n’est réelle que de façon éphémère. 

Les Centrafricains se préparent pour un référendum constitutionnel annoncé pour le 30 juillet prochain. Le projet de constitution a été remis à la direction nationale de la campagne référendaire par le président Faustin-Archange Touadéra. « Il y a deux éléments dans une constitution : l’histoire d’un peuple et la géographie d’un peuple. Or, nous avons toujours eu des constitutions qui nous ont été imposées par des contingences historiques. En d’autres termes, elles viennent de l’extérieur, elles nous sont imposées, y compris les régimes », déclare le gouvernement centrafricain pour justifier le bien-fondé de cette révision de la constitution.

L’expression de la propagande politique

Les démocraties africaines sont généralement victimes de cette instabilité de la loi fondamentale, manipulée selon l’humeur et la volonté du prince du jour. Les échéances électorales, les révisions de la constitution, les grandes mobilisations dites citoyennes, mais politiques pour dénoncer des hausses des prix, de meilleures conditions de vie et de travail, pour réclamer plus de stabilité et de sécurité, sont des lieux d’expression par excellence de la propagande politique, dans le sens négatif du terme.

Ce que l’on fait voir au peuple comme réalité n’est que l’envers du décor. Derrière toutes ces actions ou instabilités politiques et institutionnelles se cachent des intérêts égoïstes d’hommes politiques en quête de popularité ou de légitimité auprès du peuple qui constituent leur caisse de résonnance. 

C’est la raison pour laquelle, d’ores et déjà, l’on commence à se méfier du projet de révision constitutionnelle en Centrafrique puisque l’on pense qu’il s’agit d’un mécanisme pour donner plus de pouvoir au président en exercice. C’est les mêmes accusations que l’on entendait lors de la rédaction d’une nouvelle constitution au Mali, dont le référendum a eu lieu le 18 juin 2023. « Avec ce projet, le chef de l’État n’est plus le chef de l’exécutif, il est l’exécutif lui-même. Or, la démocratie nécessite une déconcentration du pouvoir. Avec cette révision constitutionnelle, l’instabilité institutionnelle deviendra la règle », dénonçait l’opposition sénégalaise en 2019 lors de l’adoption d’un projet de révision constitutionnelle.

La volonté de puissance 

L’opposition ou encore les partis en quête de légitimité veillent au grin et emploient tous les moyens pour attirer le peuple dans leur hameçon. Pour leurs intérêts personnels, les hommes politiques déstabilisent leur pays et pire envoient souvent leurs citoyens à l’abattoir pour la défense de leurs versions ou leur vision tronquées de l’histoire qu’ils présentent au peuple comme réelles.

On est donc en droit de se demander si le principe de la majorité, pris comme critère de choix en démocratie, est encore valable. Puisqu’il n’y de volonté qu’un choix librement consenti. Or, nous savons déjà que dans les démocraties africaines, la propagande à outrance dévie le peuple de sa trajectoire.  

Le peuple est généralement victime de son ignorance. Dans leur « volonté de puissance », les politiques dans les démocraties africaines se plaisent à maintenir leur peuple dans cet état d’abrutissement en vue de mieux l’exploiter. N’eût été l’intervention des classes révolutionnaires, les prolétaires n’auraient jamais su qu’ils étaient exploités par les bourgeois. Ils se plaisaient d’ailleurs dans leur misère. 

Le mensonge érigé en règle 

Faut-il pour autant en vouloir aux hommes politiques, notamment aux éternels dénonciateurs ? Dans nos démocraties, difficile de trouver un roc solide pour s’arrêter sans craindre de glisser ou de tomber. Le mensonge est devenu un principe de gouvernance et une clé de réussite. La confiance étant brisée, même les bonnes intentions sont autrement interprétées. Preuve que le réel a disparu dans les démocraties africaines, sous leur forme actuelle. 

Les révisons constitutionnelles sont généralement justifiées par la nécessité de perfectionnement à travers la correction de certaines erreurs contenues dans lesconstitutions en vigueur. Des erreurs émanant de la majorité qui avait voté en faveur de cette loi fondamentale soumise à son tour à référendum. Rien ne rassure que la nouvelle constitution ne sera pas, elle aussi, rapidement révisée pour les mêmes motifs de volonté de perfectionnement. Oui, les hommes au pouvoir font également recours parfois à la propagande pour s’imposer ou imposer leur vision. 

La volonté de perfectionnement

Le projet caché derrière ces révisions constitutionnelles est généralement le maintien au pouvoir de l’initiateur du projet, qui a pour caisse de résonnance, la volonté du peuple. C’est pourquoi il est important de noter que la majorité, dans les démocraties, représente l’ensemble des citoyens pris dans les mailles de la démagogie des politiciens véreux, à la langue d’Ésope. Dès lors, doit-on encore se fier à cette majorité prise pour repère de choix ? Car la majorité peut toujours se tromper, disait Karl Popper. 

En mars 2020, la Côte d’Ivoire a adopté une nouvelle constitution. Une loi fondamentale qui a ouvert la voie au 3e mandat pour le président Alassane Ouattara. La volonté de perfectionnement a donc porté au pouvoir pour la 3e fois consécutive le président sortant. Le scénario que l’on voit généralement dans nos démocraties. Le 1er juillet dernier, au Burkina Faso, les citoyens ont manifesté pour demander la rédaction d’une nouvelle constitution pour leur pays. Parmi ces manifestants, nombreux pourraient n’avoir jamais lu la constitution en vigueur. Alors, comment justifier cette réclamation. 

La version du prince, la réalité 

Tous les problèmes, les dysfonctionnements dans nos démocraties sont attribués à des failles que contiendrait la constitution. On n’oublie ou fait semblant d’oublier que le bon fonctionnement des institutions ainsi que leur stabilité incombent plutôt aux hommes. 

Le peuple, cette masse ignorante dans la gestion des affaires publiques, se croit libre en empruntant telle ou telle voie ou en prenant telle ou telle décision. Alors qu’en réalité, leur idéologie est façonnée par le pouvoir en place qui les maintient dans un carcan de telle sorte qu’ils deviennent incapables d’utiliser leur esprit critique. La réalité ou la vérité en démocratie se limite à la version du prince du jour ou des hommes en quête de pouvoir ou de légitimité. 

L’on rejoint du coup la conception platonicienne du réel qui souligne que le réel n’est présent que dans le monde intelligible tandis que dans le monde ici-bas nous n’avons que des copies imparfaites de la réalité. Ce qui expliquerait pourquoi toutes les œuvres visant à instaurer une instabilité politique et propulser le développement de la nation se heurtent à des résistances à travers lesquelles l’on découvre les faiblesses de nos systèmes. 

Oumarou  

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