Home A la Une Soutien à l’Ukraine : un levier pour la présence française en Afrique de l’Ouest

Soutien à l’Ukraine : un levier pour la présence française en Afrique de l’Ouest

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La France continue de jouer un rôle majeur sur la scène internationale. Le soutien qu’elle apporte à l’Ukraine vise des ambitions stratégiques et démesurées pour l’Afrique qu’elle ne veut point perdre. 

Il est indéniable que la France semble savoir ce qu’elle veut et qu’elle se donne les moyens de l’obtenir. En apportant son soutien à l’Ukraine, qui vient d’être accusée de soutenir les groupes armés terroristes ayant attaqué l’armée malienne à Tinzaouatène, au nord du Mali, la France pourrait être en train de préparer son retour sur le sol sahélien. Il faut voir derrière cette implication de l’Ukraine dans le conflit malien une main invisible du partenaire déchu du Mali. 

Avec ce transfert du conflit russo-ukrainien sur le sol africain, la France espère ainsi laver l’affront qu’elle a subi dans ces pays de la confédération des États du Sahel (Mali, Burkina Faso et Niger). Ce mercredi 7 août 2024, la Russie a accusé l’Ukraine d’ouvrir « un deuxième front » en Afrique en soutenant « des groupes terroristes ». Cette accusation intervient quelques jours après l’attaque terroriste contre l’armée malienne et les formateurs russes à Tinzaouatène, à la frontière algérienne, qui a occasionné de lourdes pertes. 

Les autorités maliennes de la transition ont condamné l’implication ukrainienne auprès des terroristes et ont rompu leurs liens diplomatiques avec le pays de Zelensky. Le Niger aussi a emprunté la voie du Mali en rompant avec l’Ukraine. Plusieurs autres pays ont condamné cette ingérence. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, citée par l’agence Ria Novosti, a expliqué que « incapable de vaincre la Russie sur le champ de bataille, le régime criminel de Zelensky a décidé d’ouvrir un “deuxième front” en Afrique et soutient des groupes terroristes dans des États du continent favorables à Moscou ».

La France contrainte de retirer ses forces militaires du sahel 

Depuis le 24 février 2022, la France et ses partenaires européens soutiennent activement l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. Livraisons d’armes et de matériels, formation des militaires ukrainiens, mise en place de mécanismes financiers spéciaux — tout est mis en œuvre pour renforcer la résistance ukrainienne. Sébastien Lecornu, ministre français des Armées, affirmait en novembre 2023 que « la guerre en Ukraine est un conflit dont nous ne devons pas nous détourner. Nous avons une grande industrie de défense, qui peut aider les Ukrainiens à être endurants pour assurer des livraisons dans la durée. ».

Emmanuel Macron, Président de la République française, dans son allocution de clôture du Sommet de Versailles le 11 mars 2022, déclarait : « Nous avons décidé un soutien inédit à l’Ukraine en livrant ensemble des équipements, du matériel humanitaire, mais aussi des armes. ». Cette intervention auprès de l’Ukraine ne relève pas seulement d’une solidarité de façade ; elle est le reflet d’une stratégie bien pensée.

En intervenant massivement en Ukraine, la France vise des objectifs à long terme, au-delà du simple soutien militaire et humanitaire. Il s’agit aussi de trouver des voies et moyens pour revenir en force en Afrique de l’Ouest, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger, par des moyens détournés, comme le transfert du conflit russo-ukrainien sur le sol africain à travers le soutien à des groupes armés, comme le cas récent au Mali avec le soutien de l’Ukraine à des terroristes à Tinzaouatène. Une bataille qui a bénéficié d’une indignation internationale.

Un contexte de redéploiement stratégique

Il convient de rappeler que la France a été contrainte de retirer ses forces militaires des pays du Sahel, où elles étaient présentes depuis des années pour lutter contre le terrorisme. Le départ des forces françaises a marqué la fin d’une présence militaire considérée par beaucoup comme néocoloniale.

Le redéploiement des forces françaises et l’installation de bases militaires étrangères en Afrique de l’Ouest ne sont pas des phénomènes isolés. Ils s’inscrivent dans un contexte plus large de reconfiguration géopolitique. Avec la montée en puissance de nouvelles menaces et la reconfiguration des alliances internationales, la présence militaire devient un enjeu crucial. La France, bien consciente de cela, utilise son soutien à l’Ukraine comme un levier pour maintenir et étendre son influence.

Les bases militaires françaises au Mali, au Niger et au Burkina Faso ont longtemps été des symboles de l’engagement de la France dans la lutte contre le terrorisme en Afrique. Toutefois, ces bases ont également été perçues comme des vestiges de la domination coloniale, suscitant des sentiments mitigés parmi les populations locales. Le retrait de ces forces a été salué par certains comme une victoire contre le néocolonialisme.

Une nouvelle stratégie d’influence

En soutenant l’Ukraine, la France ne se contente pas de répondre à une crise immédiate. Elle se positionne pour renforcer ses alliances et ses capacités de projection de puissance. Le soutien militaire à l’Ukraine permet à la France de montrer sa capacité à intervenir et à influencer des conflits loin de ses frontières. Cela renforce sa position au sein de l’OTAN et de l’Union européenne, tout en lui permettant de maintenir une présence active sur la scène internationale.

Cependant, cette stratégie comporte des risques. En cherchant à réaffirmer son influence en Afrique de l’Ouest, la France pourrait se heurter à une résistance accrue de la part des populations locales et des gouvernements. La perception de l’ingérence étrangère est un facteur puissant de mobilisation.

Pour maintenir son influence, la France devra non seulement s’adapter aux nouvelles réalités géopolitiques, mais aussi répondre aux aspirations des populations locales. Le soutien à l’Ukraine est un élément d’une stratégie plus large visant à réaffirmer son rôle sur la scène internationale. Cependant, ce soutien doit être accompagné d’un engagement à respecter la souveraineté et les aspirations des nations africaines.

La France sait ce qu’elle veut et comment l’atteindre, mais elle doit également tenir compte des nouvelles dynamiques de pouvoir et des attentes croissantes en matière de souveraineté et d’indépendance réelle des pays africains. Le défi sera de trouver un équilibre entre influence stratégique et respect des droits et aspirations des peuples, pour éviter de répéter les erreurs du passé.

Chiencoro Diarra 


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