Depuis le coup de force au Mali, le 24 mai 2021, ayant conduit à la démission du président et du Premier ministre de Transition, le 26 mai, le président français, Emmanuel Macron multiplie les sorties sur la situation politico-sécuritaire dans ce pays. Il va jusqu’à menacer de se retirer de ce territoire si jamais les nouvelles autorités doivent céder face à « l’islamisme radical ».
Juste après l’arrestation de Bah N’daw et Moctar Ouane par le colonel Assimi Goïta et ses hommes, la France a convoqué une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) sur le Mali. Une réunion qui s’est tenue à huis clos, le mercredi 26 mai. Une rencontre à la suite de laquelle le Conseil de sécurité a condamné l’arrestation du président et du Premier ministre de Transition et a appelé à leur libération tout en demandant le retour des militaires dans leurs casernes et la reprise immédiate de la transition menée par des civils.
« Au Tchad, les choses sont claires »
La même semaine, dimanche 30 mai, les chefs d’État des pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont réunis à Accra, au Ghana, sur la même situation politique. À part la suspension du Mali des institutions de l’organisation, aucune autre sanction n’a été prise contre le Mali par cette organisation régionale.
A s’en tenir à la France, la communauté internationale ainsi que la Cédéao iront au-delà des simples condamnations. L’ex-colonisateur n’arriverait pas à digérer ce nouveau coup de force qu’elle a appelé « un coup d’État dans un coup d’État ». Chose qu’elle a jugée « inacceptable ». Elle menaçait même de prendre des sanctions ciblées et de se retirer du Mali.
Au Journal de dimanche (JDD), le 31 mai dernier, le locataire de l’Élysée confiait : « [ndlr] Je ne resterais pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition ». Et d’être on ne peut plus clair quant à la tentation à l’islamisme radical : « L’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place ? Jamais de la vie ! Il y a aujourd’hui cette tentation au Mali. Mais si cela va dans ce sens, je me retirerai ». Selon ses précisions dans les colonnes du JDD, s’il soutient la transition militaire au Tchad, c’est parce que les cas sont différents. « Au Tchad, les choses sont claires. Nous venons au secours et en soutien d’un État souverain pour qu’il ne soit pas déstabilisé ou envahi par des groupements rebelles et armés. Mais nous demandons la transition et l’inclusivité politique », a-t-il précisé.
Cette situation tchadienne est-elle vraiment différente du cas malien ? Pourquoi autant d’inquiétudes du côté de la France pour cette transition dirigée par un militaire au Mali ? La France voit-elle des intérêts menacés ?
Une peur justifiable ?
Depuis ce coup de force du 24 mai, des regroupements ont eu lieu dans la capitale malienne ainsi que dans certaines régions pour appeler la Russie au secours et demander le départ des troupes françaises du Mali. Des mouvements qui viennent donner plus de force aux mouvements de protestation, déjà existants, contre la politique de la France au Mali, notamment le mouvement « Yèrèwolo debout sur les remparts », qui demande depuis un certain temps une coopération avec la Russie. Un mouvement auquel appartient Adama Diarra alias Ben le cerveau, membre du Conseil National de Transition (CNT). Les putschistes, actuellement au pouvoir, sont également considérés comme des hommes très proches de la Russie.
La montée en puissance de ces mouvements opposés à la présence militaire française sur le sol malien pourrait bien servir de justificatif aux réactions du président Emmanuel Macron. À ce titre, il conviendrait de se demander pourquoi ce pays a si peur de perdre le Mali. En menaçant de quitter ce pays de son gré, le locataire de l’Élysée oublierait-il que c’est le Mali qui lui a fait appel ? N’avait-il pas fait comprendre que le départ de la France se ferait à la demande des autorités maliennes qui lui ont fait appel ? D’ailleurs, le sommet de clarification de Pau, en janvier 2020, n’avait d’autres objectifs que de consulter les dirigeants des pays du sahel sur la poursuite de cette opération militaire française dans la région.
À travers ces réactions émotives, la France risque de fortifier les plus récalcitrants contre sa politique au Mali voire au sahel. En un mot, la France aurait des intérêts sur le sol malien dont elle a peur de perdre.
Fousseni Togola
Source: maliweb.net
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