Une gestion chaotique et des irrégularités financières massives plombent l’INPS et l’AMO, deux piliers essentiels de la protection sociale au Mali. Entre retards de paiement des pensions, abus administratifs et dysfonctionnements dans la prise en charge des assurés, ces institutions suscitent une vive inquiétude et appellent à des réformes urgentes pour restaurer la confiance des citoyens.
Le paysage de la protection sociale au Mali, ancré dans l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) et l’Assurance maladie obligatoire (AMO), a été secoué par des révélations de mauvaise gestion systémique et d’irrégularités financières. Ces deux institutions vitales, chargées de préserver le bien-être de la nation, se sont embourbées dans un réseau d’inefficacité, de détournement de fonds et de défaillances administratives. Les conclusions, telles que détaillées dans le rapport annuel 2023 du Bureau du Vérificateur général (BVG), soulignent le besoin urgent de réformes pour restaurer la confiance du public et l’intégrité opérationnelle.
Une crise de gouvernance et de responsabilité
Le rapport de l’équipe de vérification du Bureau du vérificateur général (BVG) révèle des manquements importants au sein de l’INPS et de l’AMO. Parmi les irrégularités les plus flagrantes figurent des divergences dans les rapports financiers, des dépenses injustifiées et le non-respect des lois sur les marchés publics. Par exemple, l’INPS a été pointé du doigt pour ne pas avoir justifié des dépenses s’élevant à plusieurs milliards de FCFA, les auditeurs notant que « des transactions clés ont été traitées sans pièces justificatives », ce qui laisse présager de malversations.
Dans le même temps, l’AMO a fait l’objet d’une surveillance pour « ne pas avoir rapproché ses comptes, ce qui a conduit à un système financier opaque qui compromet sa capacité à honorer ses obligations envers les prestataires de soins de santé et les bénéficiaires assurés ».
Les bénéficiaires sont les principales victimes de la mauvaise gestion
Les conséquences de ces défaillances administratives et financières se répercutent sur l’ensemble de la société, en particulier sur les plus vulnérables. Les retraités qui dépendent de l’INPS pour leurs allocations mensuelles sont confrontés à des retards de paiement, tandis que les établissements de santé sous contrat avec l’AMO ont du mal à recevoir leurs remboursements en temps voulu.
Cette inefficacité compromet la prestation de services et érode la confiance dans les institutions publiques censées servir de filets de sécurité. « Lorsque les pensions et les demandes de remboursement médical sont retardées ou refusées en raison de l’inefficacité, ce sont les retraités et les malades qui en paient le prix fort », a déploré un observateur lors d’un débat public sur le rapport.
Le double défi des irrégularités qui se chevauchent
Les conclusions de l’équipe de vérification de Samba Alhamdou Babay vont au-delà de la mauvaise gestion financière et incluent des inefficacités opérationnelles. À l’INPS, « le chevauchement des rôles professionnels et la mauvaise définition des responsabilités ont gonflé les coûts de la masse salariale et affaibli les structures de responsabilité ». De même, l’AMO a été critiquée pour ses mécanismes de surveillance laxistes, les auditeurs notant que « l’absence de contrôles internes a permis la prolifération des remboursements irréguliers, dont certains prestataires de soins de santé bénéficient de manière disproportionnée ». Ces défaillances systémiques suggèrent une culture de négligence plus large au sein de ces institutions.
Ces irrégularités sont dues à une culture persistante de corruption et à une faiblesse institutionnelle. Le rapport souligne que « malgré des audits et des recommandations répétés, la mise en œuvre des mesures correctives reste lamentablement insuffisante ». Au sein de l’INPS comme de l’AMO, les lacunes des cadres de gouvernance ont été exploitées, transformant ces institutions en terrain fertile pour l’inefficacité. « Sans responsabilité, ces manquements ne feront que s’aggraver, érodant encore davantage la confiance du public », prévient le BVG.
Une voie à suivre : recommandations pour une réforme systémique
La voie vers le redressement de l’INPS et de l’AMO exige une stratégie à plusieurs volets. Le renforcement des contrôles internes est primordial, car « des systèmes automatisés de suivi et de reporting financier pourraient réduire considérablement les erreurs humaines et les possibilités de corruption ». Des processus d’approvisionnement transparents doivent remplacer les pratiques ad hoc et opaques qui prévalent actuellement. En outre, le renforcement des capacités au sein des deux institutions est crucial. « Le personnel doit être formé et tenu responsable du respect des directives financières et opérationnelles », recommande le BVG.
Il faut également renforcer les mécanismes de responsabilisation publique. La publication régulière de rapports sur les performances financières et la possibilité pour les citoyens de contrôler les activités des institutions favoriseraient la transparence. Des réformes juridiques sont tout aussi importantes pour permettre aux organismes de réglementation de « sanctionner rapidement les fautes et de récupérer les fonds perdus ».
Au-delà des réformes : un appel à une intégrité renouvelée
Les problèmes rencontrés par ces structures de protection sociale sont symptomatiques de défis plus vastes dans le cadre de la gouvernance du Mali. La mauvaise gestion de ces institutions porte atteinte au cœur de la confiance des citoyens dans les services publics. Comme le souligne à juste titre le rapport du BVG, « remédier à ces irrégularités ne se résume pas à équilibrer les comptes ; il s’agit de garantir la dignité des retraités, l’équité dans l’accès aux soins de santé et l’équité dans la prestation des services publics ».
Pour aller de l’avant, il faut que les décideurs politiques, la société civile et le public soient déterminés à exiger mieux. Ce n’est qu’en s’engageant véritablement en faveur de l’intégrité, de la transparence et de l’efficacité que l’INPS et l’AMO pourront remplir leur mandat et regagner la confiance des citoyens qu’ils servent. Comme l’a fait remarquer un expert des finances publiques, « le succès de ces réformes déterminera non seulement l’avenir de la protection sociale au Mali, mais aussi la crédibilité de l’État lui-même ».
Alassane Diarra
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