Face aux recommandations des consultations nationales, les partis politiques maliens ont enfin levé la voix. Mais leur mobilisation du 3 mai pose une question cruelle : pourquoi ces leaders, si prompts à défendre leur existence, sont-ils restés si silencieux quand le Mali s’effondrait sous les coups du terrorisme, des crises diplomatiques ou du chaos sécuritaire ?
Ils étaient là, en masse. Ce samedi 3 mai, les devantures du Palais de la Culture Amadou Hampâté Bâ ont vibré au rythme des slogans et des klaxons de motos. Les partis politiques, réunient comme un seul homme – enfin ! – pour dénoncer leur dissolution, actée dans les recommandations issues des consultations nationales. On a vu des bannières, des figures connues, des militants mobilisés. Une démonstration de force. Du moins en apparence.
Mais cette soudaine fièvre citoyenne, aussi théâtrale que bruyante, soulève une question essentielle : où étaient ces partis quand le Mali saignait ?
Des silences coupables
Depuis 2021, le pays a été frappé par une succession d’horreurs :
- Le massacre de 132 civils dans le cercle de Bankass.
- L’attaque de l’aéroport de Sévaré, avec 61 blessés.
- Les offensives coordonnées à Bamako contre la gendarmerie et la base aérienne.
- L’abattage d’un drone malien par l’Algérie.
- L’attaque du bateau Le Tombouctou, symbole de l’abandon du fleuve.
- Le bras de fer dans des mercenaires ivoiriens.
- La reconquête de Kidal après dix ans d’occupation.
Pas un mot. Pas une marche. Pas un communiqué à la hauteur. Rien, ou si peu. Comme si le deuil national était secondaire. Comme si l’intégrité territoriale n’était qu’une péripétie. Comme si la souffrance collective ne valait pas une mobilisation.
Et voilà que ces mêmes partis, aujourd’hui menacés de disparition administrative, se réveillent, s’agitent, se victimisent. La République serait en danger, affirment-ils. Mais laquelle ? Celle de la survie nationale ou celle de leurs sièges électoraux ?
Défendre des privilèges, pas des principes
Derrière les discours sur les « acquis démocratiques » et la « pluralité politique », c’est un autre enjeu qui se dessine : celui de la survie d’un système partisan souvent plus préoccupé par ses rentes que par l’intérêt général. Ce système, faut-il le rappeler, a conduit le pays au bord de l’effondrement. L’inefficacité de l’action publique, l’instrumentalisation des partis, le clientélisme institutionnalisé, la désaffection populaire. Tout cela est le legs des années multipartisanes sans vision.
Certains de ces partis n’existent que sur le papier. D’autres se sont transformés en officines électorales, en agences de placement politique. Tous réclament aujourd’hui leur droit à continuer… mais peu ont fait la preuve de leur capacité à construire.
Un patriotisme à géométrie variable
Il y a quelque chose de profondément indécent à voir des hommes politiques réclamer « justice démocratique » dans un pays où des villages entiers ont été rayés de la carte sans qu’aucun d’entre eux ne prenne la parole. Où des soldats meurent chaque semaine dans le silence médiatique. Où des familles déplacées attendent, dans la poussière, un mot, un geste, un projet.
Où étaient les mobilisations pour le Mali meurtri ? Où étaient les marches pour Kidal, pour Sévaré, pour le pays Dogon ? Où étaient les pancartes quand l’armée tombait sous les balles, quand l’ONU dénonçait des crimes, quand la souveraineté nationale était piétinée ?
Une démocratie sans conscience
Le pluralisme est essentiel. Le débat est vital. Mais encore faut-il qu’il soit nourri par une conscience nationale, une colonne vertébrale républicaine. Défendre des droits formels sans jamais assumer des devoirs fondamentaux revient à trahir l’esprit même de la démocratie.
Les partis politiques maliens réclament aujourd’hui le droit d’exister. Mais le peuple malien, lui, attend qu’ils prouvent qu’ils méritent encore d’exister.
Chiencoro Diarra
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