Le Conseil des ministres du Mali a adopté, ce 16 juillet 2025, deux décrets majeurs instituant une carte nationale d’identité biométrique et un passeport national. Ces documents, harmonisés avec les spécifications techniques de la Confédération des États du Sahel (AES), marquent une étape importante dans la construction d’une identité confédérale, au service de la libre circulation et du contrôle sécurisé des populations dans l’espace sahélien.
Au palais de Koulouba, dans la salle du Conseil, les décrets s’écrivent avec la gravité des tournants historiques. Ce mercredi 16 juillet 2025, le Général Assimi Goïta, Président de la Transition, n’a pas seulement présidé un Conseil des ministres ordinaire. Il a paraphé, entre deux silences militaires, un pan symbolique de souveraineté nouvelle : l’adoption du passeport national et de la carte d’identité biométrique, désormais estampillés aux couleurs de la Confédération des États du Sahel (AES).
Ce que d’aucuns verraient comme un simple ajustement administratif est en réalité un geste politique ciselé, au cœur de la bataille du Sahel pour exister hors des cadres traditionnels, hors des tutelles anciennes, hors de la CEDEAO. L’Afrique de l’Ouest, naguère espace communautaire, se recompose à coups de décisions stratégiques — et de documents plastifiés.
L’identité AES, ou l’empreinte d’un nouvel ordre sahélien
La carte nationale d’identité biométrique malienne, tout comme le passeport désormais nationalisé, seront fabriqués selon les standards de l’OACI (Organisation de l’Aviation civile internationale). Rien d’anodin. Il s’agit de garantir aux ressortissants burkinabè, maliens et nigériens une reconnaissance technique mondiale — tout en affirmant, dans les moindres puces électroniques, l’existence d’un bloc politique nouveau.
C’est à Bamako, en novembre 2024, que les ministres de la Sécurité des trois pays avaient harmonisé leurs spécifications techniques. Et c’est par une décision présidentielle, en avril 2025, que le Président de la Confédération des États du Sahel (le même Goïta, en l’occurrence) a officialisé la création de deux nouveaux totems administratifs : le e-passeport AES et la carte d’identité biométrique AES.
Ces documents porteront, en plus des données classiques, les éléments graphiques propres à l’AES — comme autant de symboles d’une ambition : faire de l’identité sahélienne une réalité tangible, traçable, visible.
Contrôle, sécurité et affirmation politique
Dans un contexte régional où la circulation des personnes est à la fois un enjeu économique et sécuritaire, la fabrication de ces titres d’identité n’est pas un détail bureaucratique. C’est une question de souveraineté maîtrisée. Désormais, le Sahel entend contrôler lui-même les flux humains qui traversent ses frontières, sans en référer à Abuja, Niamey ou Accra.
Le Conseil des ministres parle d’« amélioration du contrôle de la libre circulation » et de « meilleure traçabilité des mouvements de populations ». L’objectif est donc de filtrer, d’identifier, de protéger. Ne plus dépendre de bases de données extérieures ou de sous-traitants étrangers.
Mais il y a plus. Ces documents incarnent la projection d’un État sahélien à venir, structuré, numérisé, interconnecté. Et dans cette projection, le Mali, le Burkina et le Niger n’attendent plus de consignes. Ils codent leur propre avenir.
Document comme déclaration d’indépendance
À l’heure où les grandes conférences internationales continuent de se perdre en promesses creuses sur le Sahel, le papier d’identité devient un manifeste politique. À défaut de reconnaissance diplomatique immédiate, l’AES imprime sa marque dans les passeports et les cartes nationales. Une diplomatie de la donnée, de la biométrie, du code QR.
Après le drapeau, l’hymne, la dévise, ainsi que le logo et les discours, l’État commence aussi par un numéro de série. Et c’est peut-être là que commence réellement l’émancipation.
A.D
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