Home Éducation #MardiPhilo : pour des identités solides !

#MardiPhilo : pour des identités solides !

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Le monde est en ébullition. On dirait que le dogmatisme prend de plus en plus de l’ascendance sur les valeurs du vivre ensemble. L’acceptation de l’unité dans la diversité est une école d’apprentissage pour chaque identité. Cette école ne saurait véritablement régner sans une pratique d’ouverture de chaque identité aux autres. Notre monde souffre du favoritisme ou de l’autosuffisance, qui n’est qu’une forme d’enfermement sur soi.  

Si les choses ne sont pas ce qu’elles sont ou ce qu’elles devraient être, c’est parce que des valeurs comme le civisme, le patriotisme sont laissées en plan. Nul n’a l’amour de son pays. Chacun vise la satisfaction de ses intérêts au détriment de l’intérêt général. Une situation qui conduit le pays dans le chaos. La corruption, le vol, le mensonge, l’indifférence face aux affaires de la nation sont des attitudes qui caractérisent l’irrationalisme des régimes actuels. Le terreau, souvent inentendu, de la quasi-totalité des crises sociales que traversent nos nations, c’est surtout le favoritisme, notamment la valorisation de soi, de sa classe ou de son groupe ethnique.

La multiplicité des identités

Pourtant, lorsque nous parlons de république, il s’agit d’une communauté d’individus dont chacun se trouve armé d’une identité, entendue par l’identité culturelle. Cette diversité des identités dans la république devrait pourtant être un avantage et non un obstacle. « […] Le multiculturalisme est un enrichissement culturel [1]», faisait savoir le philosophe français Edgar Morin.

Lire aussi Extrait de « L’os de la parole : cosmologie du pouvoir » de Adame Ba Konaré : ce que vaut la multiplicité des identités

Nous comprenons alors que la république est à la fois une et multiple. Une, en tant qu’une seule instance composée d’êtres humains, et multiple parce qu’englobant des personnes de cultures différentes. À cet effet, Edgar Morin écrit : « Tous les humains sont semblables du point de vue génétique, anatomique, physiologique, cérébral, affectif, et tous sont, en même temps différents 12 ». Cette unicité dans la multiplicité est ce qui fait l’harmonie d’une république, puisque chaque culture constitue en soi une expérience permettant à toutes les autres de [2]s’enrichir et d’évoluer.

Cette multiplicité n’est pourtant efficace que lorsqu’elle est bien gérée. D’où l’avertissement de Tariq Ramadan, philosophe et islamologue suisse, indiquant que nos identités ne doivent pas empêcher notre ouverture vers l’universel. L’identité étant ce qui permet de nous définir, de nous distinguer des autres individus est multiple. Ainsi, Tariq Ramadan indique : « Nos identités sont multiples et en mouvement. »[3]

Toutes les identités se valent

Dans une république, chaque membre se définit par sa culture. La république doit trouver un arrangement avec cette multiplicité sans privilégier une identité au détriment de l’autre. Tomber dans le favoritisme revient à créer des mécontents et par ricochet à poser les jalons d’une insurrection populaire ou encore à élargir le rang des groupes terroristes.

Il va alors de soi que les enfants acquièrent cette mentalité universaliste, qu’ils soient conscients de leur unité dans la diversité. Ces valeurs sont celles qui sont indispensables pour vivre dans des sociétés véritablement républicaines, apaisées et prospères.

Éduquer à l’acceptation de la diversité des identités

Remarquant l’installation d’une crise identitaire sur la plupart des territoires, Tariq Ramadan estime que l’éducation peut être une arme fatale contre ces crises. « La crise identitaire est profonde et il est impératif de développer, à travers l’éducation, une meilleure connaissance de soi et de son histoire, de forger une conscience et une intelligence qui soient confiantes et sereines. Être sûr de soi tout en étant humble vis-à-vis d’autrui parce qu’il s’agit, à terme, de conjuguer la confiance en soi avec la confiance en l’autre[4] », a indiqué l’islamologue suisse. À quoi consistera cette éducation ? À enseigner les valeurs de la discussion, du partage d’expérience, du compromis, de l’acceptation de soi et de l’autre, en un mot, du vivre ensemble, afin de mettre un terme aux positionnements dogmatiques, source de scissions.

Lire aussi Gestion de la crise malienne : quelle collaboration entre le pouvoir politique et la philosophie ?

Grâce à cette éducation, nous pouvons d’un seul coup unir nos identités et arriver à quelque chose de concret et de solide. C’est dans ce contexte que M. Ramadan avance : « Le défi de la diversité exige des solutions pratiques et impose aux citoyens, aux intellectuels comme aux représentants religieux, de développer un esprit critique et nuancé, toujours ouvert à l’évolution, à l’analyse et, bien sûr, à l’autocritique ». Et de poursuivre : « Faire entendre ses propres exigences tout en sachant écouter l’autre, concevoir le compromis tout en refusant la compromisation, affronter les certitudes ancrées et les esprits rigides ou dogmatiques dans tous les camps, et surtout parmi sa famille culturelle et religieuse. [5]»

À travers ce passage, nous comprenons également que l’autocritique est nécessaire.  En général, lorsqu’une crise éclate, ce sont les dirigeants qui reçoivent toutes les accusations. Or, les citoyens doivent au préalable s’accuser eux-mêmes pour ne pas avoir fait valoir leurs contributions aux autorités.

Fousseni Togola


[1]I Edgar Morin, Tariq Ramadan, Au Péril des Idées : Les Grandes questions de notre temps, p.17.

[2] Edgar Morin, Tariq Ramadan, Au Péril des Idées : Les Grandes questions de notre temps, p.23.

[3] Tariq Ramadan, Mon intime conviction, Archipoche, Paris, 2011, p. 71.

[4] Tariq ramadan, Op.Cit., p.144.

[5] Tariq Ramadan, Mon intime conviction, op.cit., p. 35.


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