La vérité, s’il en existe une, est l’horizon envié par tous les hommes. Des premières heures de l’humanité à nos jours, beaucoup de vérités ont vu le jour, ont été déconstruites, reconstruites et ensuite reniées, in infinitum, sans pour autant que nous renonçons au vrai. Sans pour autant que ses vérités déconstruites soient définitivement enterrées.
Le vrai est finalement devenu la norme de tous les combats. Chacun veut l’avoir de son côté, mais finalement elle échappe à tous.
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Cette guerre des vérités individuelles a fini par tellement éblouir l’humain que nul ne veut accepter d’autres vérités dans sa demeure. Chacun souhaite ériger sa vérité en norme absolue à laquelle tous les hommes doivent adhérer en abandonnant leur vérité à eux.
On oublie généralement que l’objectivité est une norme incontournable pour l’institutionnalisation de la vérité. Cette objectivité est celle qui se construit avec les autres et pour les autres. Elle exige l’autocritique, la critique, mais aussi l’acceptation de la critique. Elle naît donc d’une confrontation argumentée de thèses adverses.
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Vue sous cet angle, la construction du vrai comme norme sociale est un vecteur de cohésion sociale et de développement. Mais cette vérité communautaire peut-elle être érigée en norme absolue, c’est-à-dire recevoir la même compréhension chez tous les êtres raisonnables ? Absolument, non. Une vérité communautaire n’est valable que pour la communauté qui la donne naissance. Elle lui colle la peau. C’est son identité.
Le vrai dans la communauté peule peut être le faux dans la communauté dogon, et vice versa. Le vrai dans la communauté bambara peut être le faux dans la communauté Tamasheq, et vice versa.
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La vérité est donc à la fois, le vrai et le faux. Comprendre cette évidence, c’est travailler à une cohabitation pacifique d’une multiplicité de vérités. Il n’y a ni de vrai ni de faux. Il n’y a que les deux, pris ensemble. N’est-ce pas ce que Héraclite appelle la lutte et l’harmonie des contraires ? Nos divergences sont en même temps des convergences. Nous devons accepter de nous rassembler parce que justement nous sommes différents. Cette différence est la preuve de notre interdépendance pour l’harmonie du monde.
L’acceptation de cette évidence est ce qui manque à notre monde. Nos identités peuvent diverger. Mais chacun doit trouver dans cette divergence la clé de conciliation avec l’autre pour un véritable vivre ensemble. Car nous sommes à la fois différents les uns des autres, mais à la fois les mêmes. Notre humanité demeure en dehors de toute autre vérité périssable ou relative.
Fousseni Togola
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