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Mali : Premier mai, mémoire d’un combat inachevé

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Alors que le Mali célèbre la Journée internationale du travail, les tensions sociales et syndicales rappellent que la conquête des droits n’est jamais acquise. Entre héritage ouvrier, promesses étatiques et réalités éducatives chaotiques, ce 1er mai est plus qu’une commémoration. Il est le miroir d’un combat toujours en cours.
À Bamako comme ailleurs, les banderoles s’agitent, les discours s’enchaînent, les fanfares de circonstance accompagnent la solennité de l’instant. Ce 1er mai 2025, comme les précédents, le Mali célèbre la Journée internationale du travail. Mais derrière les slogans rituels et les poignées de main officielles, le bilan social malien raconte une autre histoire. Celle d’un pays où la lutte pour la dignité des travailleurs reste, plus que jamais, une nécessité.

À l’échelle mondiale comme africaine, la Confédération syndicale internationale Afrique (CSI-Afrique) a retenu pour l’année 2025 le thème : « Industrialisation, commerce et travail décent pour la justice sociale », soulignant l’urgence d’une industrialisation inclusive et durable, alliée à des conditions de travail décentes pour garantir une justice sociale réelle sur le continent. Au Mali, l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) inscrit sa célébration du 1er mai 2025 dans cette dynamique en choisissant le thème : « Travailler dans la dignité, défendre la justice sociale, préserver la Nation », mettant en lumière le rôle essentiel des travailleurs dans l’édification de la nation malienne, en dépit des multiples crises traversées.
La symbolique de cette journée puise sa force dans les grèves ouvrières du XIXe siècle, les 8 heures arrachées au prix du sang à Chicago. Transplantée au Mali post-indépendance, elle s’est ancrée dans un tissu social en construction, où les syndicats — notamment l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) — ont dû batailler pour exister, pour peser, pour survivre à la répression et à la paupérisation rampante. Entre avancées salariales et blocages structurels, la condition ouvrière malienne est demeurée une ligne de front, un éternel bras de fer entre promesses politiques et réalités économiques.

Le Pacte social, remède ou calmant ?

Certaines dates ont marqué les esprits. La grève générale de 2014, par exemple, avait sonné comme un coup de semonce. Le dialogue social, sous tension, avait fini par accoucher d’un compromis — certes fragile, mais salué comme un pas vers plus de justice sociale. Et pourtant, onze ans plus tard, les vieilles douleurs sont toujours là, recouvertes d’un vernis de stabilité qui craque à la moindre friction.

Dernier épisode en date : en avril 2025, le SYNABEF s’est insurgé contre le non-respect d’un protocole d’accord. Une grève, encore. Des revendications salariales, toujours. Et ce constat récurrent : au Mali, les travailleurs sont souvent contraints de hausser le ton pour simplement faire respecter l’écrit.
C’est dans ce contexte que le gouvernement a signé un Pacte de stabilité sociale et de croissance, avec en vitrine une hausse du SMIG et une promesse d’accalmie. Une main tendue ou un trompe-l’œil ? L’avenir le dira. Car un pacte, fût-il gravé dans le marbre, ne vaut que par la confiance que les signataires lui accordent — et cette confiance, au Mali, se mérite plus qu’elle ne se décrète.

L’éducation, terrain miné de la lutte sociale

Mais s’il est un secteur où la fracture entre parole publique et réalité de terrain est béante, c’est bien celui de l’éducation. Depuis les « années de braise » (1977-1980), où la répression contre les étudiants a culminé avec l’assassinat d’Abdoul Karim Camara « Cabral », jusqu’aux grèves récentes de 2022 et 2024, les salles de classe sont devenues des arènes de confrontation.

En mars 2024, le gouvernement malien a prononcé la dissolution de l’Association des Élèves et Étudiants du Mali (AEEM), qu’il juge responsable de violences graves et d’affrontements armés répétés dans les milieux scolaires et universitaires. Cette décision radicale intervient à la suite d’un incident meurtrier survenu le 28 février 2024, ayant coûté la vie à un étudiant et causé plusieurs blessés lors d’un affrontement entre factions rivales au sein même de l’association. 

En décembre 2022, puis en février 2024, les syndicats de l’éducation ont paralysé le système scolaire. Les enseignants réclament des salaires, les élèves leurs droits à l’éducation, et les parents leur légitimité à exiger la continuité. À chaque fois, c’est l’enfant malien qui paie le prix de cette guerre silencieuse.
Car au Mali, l’éducation est ce paradoxe tragique : universellement saluée comme moteur du développement, mais systématiquement sacrifiée sur l’autel du retard budgétaire, du mépris bureaucratique et de la négligence chronique. Ce n’est pas faute de textes ni de chartes. C’est une question de volonté. De courage. De priorité politique.

Une journée de combat, pas seulement de commémoration

Alors oui, célébrer le 1er mai est un devoir de mémoire. Mais dans un pays où la précarité est la norme, où les fonctionnaires attendent leurs primes, où les élèves cumulent les années blanches comme des stigmates, ce jour doit être aussi celui d’un inventaire sans complaisance.

Le travail au Mali n’est pas encore un droit garanti. C’est un combat. Un risque. Une espérance.

A.D


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