Le Mali et le Niger ont signé de nouveaux protocoles d’accord pour assurer un approvisionnement stable en hydrocarbures dans le nord du Mali. Cet engagement, conclu dans le cadre de l’Alliance des États du Sahel (AES), vise à renforcer la coopération énergétique entre les deux pays. Alors que les populations souffrent d’une flambée des prix, cet accord offre un espoir de soulagement. Toutefois, certains restent sceptiques, évoquant le retard d’exécution d’un précédent accord similaire signé en 2024.
Les régions septentrionales du Mali, notamment Gao, Kidal et Tombouctou, font face depuis plusieurs mois à une grave crise énergétique. La flambée des prix du carburant, atteignant jusqu’à 2 000 FCFA le litre d’essence contre 775 FCFA au niveau national, a paralysé de nombreuses activités économiques et sociales. À cette situation déjà critique s’est ajoutée la fermeture de la frontière algérienne, survenue après un incident diplomatique provoqué par la destruction d’un drone malien par l’Algérie. Le nord du pays s’est ainsi retrouvé presque totalement enclavé, sans autre voie d’approvisionnement viable.
C’est dans ce contexte tendu que la signature de ces nouveaux protocoles d’accord entre Bamako et Niamey apparaît comme une véritable bouffée d’oxygène. Le ministre nigérien du Commerce, Abdoulaye Seydou, cité par l’Agence nigérienne de Presse (ANP), a exprimé l’engagement total de son pays : « Le Niger, fidèle à la devise de l’AES, considère le nord du Mali comme une neuvième région et s’engage à l’aider ». Un message fort qui illustre la solidarité régionale prônée par l’AES, nouvelle alliance née, en septembre 2023 à la suite de la signature de la Charte du Liptako-Gourma, d’un désir d’émancipation vis-à-vis des partenaires extérieurs.
Des engagements concrets, mais un passif inquiétant
Les accords signés engagent les deux États à établir un mécanisme de distribution fiable, sécurisé et régulier de carburant vers le nord du Mali, en donnant la priorité à l’essence dans l’immédiat, tandis que des solutions sont à l’étude pour le gasoil. Le ministre Seydou a précisé qu’« une solution a déjà été trouvée pour le super, et des efforts se poursuivent pour le gasoil, en privilégiant l’intérêt des populations maliennes et nigériennes ».
Cependant, l’enthousiasme suscité par ces annonces reste modéré sur les réseaux sociaux maliens, où de nombreux internautes rappellent que ce n’est pas la première fois que de telles promesses sont faites. En 2024, un protocole d’accord similaire prévoyait la livraison de 150 millions de litres de gasoil au Mali pour alimenter la société publique EDM-SA. Or, très peu de ces livraisons ont effectivement été effectuées, provoquant une défiance persistante dans l’opinion publique.
À cela s’ajoute une réalité logistique délicate, le Niger, qui possède une raffinerie à Zinder, peine lui-même à couvrir ses besoins en hydrocarbures, comme l’a montré la récente pénurie ayant touché plusieurs de ses grandes villes. Cela soulève une question cruciale : le Niger est-il réellement en mesure de soutenir durablement son voisin malien dans ce secteur vital ?
Une volonté politique affirmée
Malgré les incertitudes, la signature des protocoles d’accord traduit une volonté politique ferme de part et d’autre. Le ministre malien de l’Industrie et du Commerce, Moussa Alassane Diallo, s’est rendu à Niamey à la tête d’une importante délégation pour officialiser l’accord, à l’issue de deux jours de discussions intensives. Ce déplacement souligne l’importance stratégique accordée par Bamako à ce partenariat.
Pour les autorités maliennes, il s’agit non seulement de répondre à une crise immédiate, mais aussi de jeter les bases d’une coopération énergétique durable avec ses voisins. Le renforcement des liens avec le Niger, dans le cadre de l’AES, pourrait à terme permettre au Mali de diversifier ses sources d’approvisionnement et de réduire sa dépendance aux circuits d’importation traditionnels, souvent vulnérables aux tensions géopolitiques.
Une étape cruciale pour l’AES
Au-delà de l’enjeu énergétique, cet accord incarne un tournant dans la mise en œuvre concrète de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel. En se positionnant comme une union solidaire et proactive, l’AES montre qu’elle est capable d’apporter des réponses rapides aux défis économiques de ses membres. La vision d’un Sahel intégré, autonome et résilient se dessine ainsi peu à peu, malgré les nombreux obstacles.
Reste maintenant à voir si les engagements pris seront respectés sur le terrain. Car pour les populations du Nord malien, ce protocole d’accord n’aura de valeur que s’il se traduit par un retour effectif du carburant dans les stations-service et une baisse des prix dans les jours à venir.
Ibrahim Kalifa Djitteye
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