En abrogeant la Charte des partis politiques et le Statut de l’opposition, le gouvernement malien amorce une refondation radicale de son système politique. Officiellement guidée par les Assises nationales de la Refondation, cette décision entérine la fin d’un pluralisme hérité des années 1990 et ouvre la voie à une nouvelle configuration du pouvoir, plus verticale, plus centralisée — à l’image des régimes frères de l’AES.
Ce 30 avril 2025, le Conseil des ministres malien a tranché dans le vif : les lois fondatrices du pluralisme politique sont désormais lettre morte. Abrogation pure et simple de la Charte des partis politiques de 2005 et du Statut de l’opposition de 2015. Deux textes-clés balayés par un projet de loi présenté par le ministre délégué aux Réformes politiques, dans le sillage des Assises nationales de la Refondation.
En apparence, il s’agit d’une réforme de structure. En réalité, c’est une reconfiguration historique du jeu démocratique malien.
Vers un paysage politique assaini ou verrouillé ?
La justification avancée par les autorités est connue : réduire le nombre pléthorique de partis politiques, encadrer leur financement, réorganiser le système à la racine. Un vœu pieux ? Peut-être. Mais une chose est sûre : le Mali ne veut plus de cette foire partisane, de ces formations-écrans nées par centaines, sans base sociale ni idéologie, simples instruments de négociation électorale.
Les concertations organisées mi-avril, d’abord dans les régions, ensuite à Bamako, ont validé cette orientation. Les « forces vives », comme on les appelle, ont exprimé une volonté claire : dissoudre pour reconstruire, interdire le nomadisme politique, supprimer le financement public, et auditer les pratiques passées.
Plus audacieuse encore est la suppression du statut du chef de file de l’opposition, héritage de la démocratie pluraliste malienne. Ce statut, qui garantissait à l’opposition un minimum d’existence institutionnelle, est désormais rayé de la carte. Un signe, pour certains, d’un retour à un monocentrisme assumé du pouvoir, dans un contexte régional dominé par l’Alliance des États du Sahel (AES), dont les modèles politiques s’éloignent des schémas occidentaux.
La tentation d’une présidence prolongée
Dans les recommandations issues des concertations figure aussi une proposition qui fait déjà grincer les dents : la révision de la Charte de la Transition pour installer le général Assimi Goïta à la tête de l’État pour un mandat de cinq ans, renouvelable. Une formule qui rappelle celle adoptée par ses homologues du Niger et du Burkina Faso. L’armée au pouvoir, mais sous la forme d’une présidence élective, consolidée, durable.
Le choix du timing n’est pas anodin. À l’heure où l’AES cherche à affirmer son modèle politique propre, le Mali prépare discrètement la sortie du multipartisme tel que connu depuis 1991. Une page se tourne. Reste à savoir si elle débouchera sur un renouveau politique ou sur une concentration du pouvoir sans contrepouvoirs.
Un projet de loi pour une ère nouvelle
Le texte adopté abroge donc, en un seul mouvement, deux piliers de l’ordre politique post-démocratique malien : la loi n°05-047 de 2005 sur les partis politiques, et la loi n°2015-007 sur l’opposition. Un geste fort, aux implications immenses. Le pluralisme n’est pas encore aboli, mais il est placé sous condition.
L’État refonde. Oui. Mais il recentre aussi. Et comme souvent dans l’histoire politique malienne, c’est au nom de la réforme que l’on consacre une nouvelle forme d’autorité.
La rédaction
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