Libérés après un accord financier de 160 millions de dollars (soit 99 520 312 160 FCFA) avec les autorités maliennes de la transition, le directeur général de Resolute Mining et deux de ses employés retrouvent leur liberté, mercredi 20 novembre 2024, dans un contexte de tension sur l’exploitation minière.
Le mercredi 20 novembre, la libération du directeur général britannique de Resolute Mining, Terence Holohan, et de deux de ses collaborateurs a marqué un tournant dans les relations tendues entre les multinationales minières et les autorités maliennes de la transition. Pourtant, derrière cet acte d’apparente résolution se cache une transaction de 160 millions de dollars (soit 99 520 312 160 FCFA) qui soulève des questions fondamentales sur la souveraineté économique, la gestion des ressources naturelles et l’équilibre des pouvoirs dans un Mali en pleine mutation.
Une libération sous condition
Les trois cadres de Resolute Mining avaient été arrêtés au début du mois de novembre alors qu’ils se rendaient à Bamako pour ce qu’ils pensaient être de simples négociations avec les autorités. Ces « négociations de routine » se sont transformées en un coup de théâtre, lorsque les dirigeants maliens les a placés en détention, suscitant l’indignation dans certains cercles internationaux. Leur libération, finalement obtenue après la signature d’un protocole d’accord, souligne la nouvelle ligne de conduite des autorités maliennes : plus aucune exploitation minière ne se fera sans une stricte supervision de l’État.
Resolute Mining, qui détient 80 % de la mine d’or de Syama dans le nord-ouest du Mali, a accepté de verser 160 millions de dollars (soit 99 520 312 160 FCFA) pour régler ses différends avec le gouvernement. Ce montant est réparti en deux paiements : 80 millions immédiatement, puis une autre tranche équivalente dans les mois à venir. Ce compromis, bien que garantissant la liberté des employés, représente une pression financière significative pour l’entreprise, qui ne disposait que de 157 millions de dollars en liquidités selon ses états financiers.
Les autorités de la transition et l’or : un enjeu de souveraineté
Depuis leur arrivée au pouvoir, les autorités maliennes affichent une volonté claire de reprendre le contrôle sur les revenus de l’exploitation minière, domaine largement dominé par les sociétés étrangères. Cette posture s’inscrit dans une politique plus globale de restauration de la souveraineté nationale, tant sur le plan économique que politique. Dans un pays où l’or constitue environ 75 % des exportations, ces revenus sont cruciaux pour soutenir un État confronté à une crise multidimensionnelle – sécuritaire, politique et économique.
L’accord avec Resolute Mining illustre cette ambition, mais il soulève également des interrogations. Si l’État malien, qui possède 20 % des parts de la mine de Syama, parvient à tirer davantage de bénéfices de cette exploitation, les 160 millions de dollars obtenus suffiront-ils à améliorer durablement les conditions de vie des Maliens ? Ou s’agit-il d’une mesure ponctuelle pour combler un déficit immédiat, sans stratégie claire à long terme ? Ce dilemme rappelle que la souveraineté économique n’est pas seulement une question de revenus, mais aussi de vision stratégique.
Une double problématique : justice économique ou gestion punitive ?
Le cas Resolute Mining n’est pas isolé. Ces derniers mois, plusieurs cadres de sociétés minières étrangères ont été arrêtés, notamment quatre employés de la compagnie canadienne Barrick Gold en septembre. Ces incidents traduisent un durcissement des relations entre les autorités maliennes et les acteurs étrangers opérant dans le pays. Certains y voient une stratégie pour contraindre les entreprises à mieux respecter leurs engagements fiscaux et sociaux. D’autres craignent que cette approche ne décourage les investisseurs étrangers, indispensables à l’exploitation des ressources minières.
Pour le Mali, l’enjeu est de taille. Malgré ses vastes ressources en or, le pays reste l’un des plus pauvres au monde. L’exploitation minière a souvent été critiquée pour ses retombées limitées sur le développement local, et les multinationales accusées de profiter d’un cadre fiscal avantageux au détriment de l’État. En se positionnant en arbitre strict, les autorités maliennes de la transition espèrent renverser cette dynamique. Mais à quel prix ?
Une équation fragile
L’accord entre Resolute Mining et le gouvernement malien illustre une dynamique de pouvoir où le Mali impose ses conditions aux multinationales. Mais cette posture de fermeté doit s’accompagner d’une vision à long terme pour éviter de nuire à l’attractivité du pays auprès des investisseurs étrangers. Dans un contexte international marqué par la concurrence pour l’accès aux ressources naturelles, le Mali ne peut se permettre de se mettre à dos ses partenaires économiques.
La mine de Syama, détenue en majorité par Resolute Mining, symbolise les contradictions de l’économie malienne. Alors que l’or représente une manne financière pour le pays, son exploitation n’a pas permis de réduire la pauvreté ou d’améliorer significativement les infrastructures. Si les 160 millions de dollars versés par Resolute sont un pas vers une répartition plus équitable des richesses, ils ne sauraient remplacer des réformes structurelles indispensables pour assurer une exploitation durable et bénéfique.
La gestion des ressources naturelles est au cœur de l’avenir économique du Mali. Les autorités de la transition, en exigeant davantage de transparence et de contributions des multinationales, pose un jalon important dans cette direction. Mais la souveraineté économique ne peut être atteinte par des mesures ponctuelles ou des accords isolés. Elle nécessite une stratégie cohérente, fondée sur la coopération internationale et une gouvernance responsable.
Alassane Diarra
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