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L’humanitaire à l’épreuve du feu : les défis et espoirs au Mali

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Dans un pays où la pauvreté, les conflits armés et les crises climatiques se conjuguent avec une intensité dévastatrice, l’humanitaire est devenu le dernier rempart contre la désolation.

Au Mali, les visages des crises humanitaires ne se réduisent pas à des chiffres froids ou à des manchettes éphémères. Ce sont ceux des enfants affamés dans les villages reculés du Sahel, des femmes déplacées par les violences intercommunautaires, des hommes blessés dans les attaques terroristes, et des familles cherchant refuge sous des tentes de fortune. Ces vies brisées, bien que souvent invisibles aux yeux du monde, portent en elles l’espoir fragile d’un lendemain meilleur.

Selon les dernières données du Bureau des Affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), 6,4 millions de Maliens, soit environ 25 % de la population, présentent des besoins humanitaires multisectoriels pour l’année 2025. Derrière ces statistiques se cachent des histoires poignantes, celles de communautés entières privées de nourriture, d’eau potable, d’accès aux soins médicaux et même de dignité humaine.

Un cercle vicieux

Le Mali est pris dans un tourbillon de crises multidimensionnelles qui s’alimentent mutuellement. Dans le Nord, les attaques terroristes ont ravagé des villages entiers, forçant des milliers de personnes à abandonner leurs terres ancestrales. Les infrastructures sociales, notamment les écoles et les centres de santé, ont été également détruites ou fermées, plongeant les populations locales dans une précarité accrue.

Dans le Centre, les tensions entre agriculteurs et éleveurs ont exacerbé les conflits intercommunautaires, rendant les zones rurales impraticables. Les violences armées, combinées à une gouvernance locale affaiblie, ont créé un climat d’insécurité généralisée. Simultanément, les effets dévastateurs des changements climatiques frappent durement : des sécheresses prolongées et des inondations récurrentes menacent les moyens de subsistance des populations déjà vulnérables.

En 2024, près de 450 000 personnes, principalement des femmes et enfants, ont été affectées par des inondations de grande ampleur à travers le pays. Ces catastrophes naturelles ont aggravé la situation alimentaire, entraînant une augmentation drastique des cas de malnutrition aiguë chez les enfants. À cela s’ajoutent les fractures politiques et institutionnelles. Depuis le coup d’État militaire de 2020, le Mali traverse une période de transition, marquée par des sanctions internationales et une rupture croissante avec certains partenaires occidentaux. Cette situation a réduit les financements humanitaires et compliqué l’accès aux zones en crise pour les organisations internationales.

Face à ces défis, les organisations humanitaires locales et internationales jouent un rôle important. La Croix-Rouge malienne, présente depuis 6 décennies, est devenue un pilier de la réponse humanitaire dans le pays. Avec ses équipes déployées dans les régions les plus dangereuses, elle distribue de l’aide alimentaire, fournit des soins médicaux d’urgence et soutient les efforts de médiation communautaire pour apaiser les tensions.

Kadidiatou Koné, une bénéficiaire de l’aide humanitaire à Mopti, témoigne : « Sans la Croix-Rouge malienne, nous n’aurions pas survécu. Avant son arrivée, nous vivions des jours très difficiles. Nous n’avions presque plus rien à manger. Les groupes armés avaient incendié nos champs, et beaucoup d’entre nous ont fui nos villages pour chercher refuge dans la brousse. Nous étions coupés du monde, sans eau potable ni soins médicaux. Mes enfants souffraient de malnutrition, et je ne savais pas comment les sauver ».

En 2024, la Croix Rouge malienne a assisté 15 100 ménages, soit 90 600 personnes, et installé 65 ouvrages d’accès à l’eau potable pour 225 000 personnes à travers le pays. Ces interventions permettent non seulement de répondre aux besoins immédiats, mais aussi de renforcer la résilience des communautés face aux crises futures.

De son côté, Médecins Sans Frontières (MSF) continue d’opérer dans les hôpitaux délabrés du Nord, où les infrastructures de santé ont été détruites par les conflits. Selon un document publié en 2022, MSF a soigné plus de 6 500 enfants malnutris, assisté 12 000 femmes lors de leur accouchement, pris en charge 190 000 malades contre le paludisme, et accompagné près de 500 femmes dans leur combat contre le cancer du sein et du col de l’utérus. Ces efforts, bien que colossaux, restent insuffisants face à l’ampleur des besoins.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), en collaboration avec ses partenaires locaux, a réhabilité des puits et des systèmes d’irrigation dans les régions touchées par la sécheresse. Ces projets permettent non seulement de fournir de l’eau potable, mais aussi de relancer l’agriculture dans des zones autrefois prospères, offrant ainsi une perspective durable aux communautés locales.

Quand l’humanitaire devient un combat quotidien

Malgré leur dévouement, les acteurs humanitaires font face à des obstacles croissants, en termes d’accès à certaines zones. Dans un rapport, MSF souligne que « l’incursion d’acteurs militaires et politiques dans le domaine de l’action humanitaire compromet l’action humanitaire au Mali ». Les travailleurs humanitaires sont souvent pris pour cible, mettant en péril leur sécurité et celle des populations qu’ils tentent de secourir.

« Nous savons que nos équipes risquent leur vie chaque fois qu’elles partent en mission. Mais abandonner serait une trahison envers ceux qui comptent sur nous », confie Awa Diallo, volontaire de la Croix-Rouge malienne.

Outre les dangers physiques, le manque de financements reste un défi majeur. Selon OCHA, 7,1 millions de personnes étaient dans le besoin humanitaire au Mali en 2024, mais le plan de réponse humanitaire nécessite environ 700 millions de dollars pour répondre aux besoins croissants. À mi-année, seulement 25 % de cette somme avait été mobilisée. Cette pénurie force les ONG à prioriser certaines zones au détriment d’autres, laissant des milliers de personnes sans aide.

L’humanitaire, reflet de notre humanité

L’humanitaire au Mali est bien plus qu’une simple réponse aux crises. C’est un cri d’alarme adressé à l’ensemble de la communauté internationale. Il révèle à quel point les conflits, les catastrophes naturelles et l’instabilité politique peuvent plonger un pays dans une telle situation humanitaire. Mais il montre aussi la résilience et la solidarité des Maliens, qui, malgré les épreuves, continuent de se soutenir mutuellement.

Dans un village reculé de la région de Tombouctou, une mère serre contre elle son enfant affamé. Personne ne filme. Personne ne parle d’eux. Et pourtant, ils comptent. Ils comptent pour 6,4 millions. Mais dans le bruit assourdissant du monde, ils ne comptent plus assez.

Agir avant qu’il ne soit trop tard

L’humanitaire est un miroir de notre humanité. Il révèle nos capacités de compassion, mais aussi nos limites. Face à l’urgence, à l’échelle nationale et internationale, une question demeure : serons-nous à la hauteur de la dignité de ceux qui n’ont rien, sinon l’espoir qu’on ne les oublie pas ?

Les ONG humanitaires, telles que la Croix-Rouge malienne et ses partenaires internationaux, incarnent une lumière dans l’obscurité des crises mondiales. Leur engagement inlassable sauve des millions de vies chaque année, mais elles ne peuvent agir seules. Face à l’urgence, l’humanitaire n’est pas un choix : c’est une responsabilité collective. Car derrière chaque chiffre, il y a une vie. Une vie qui mérite d’être sauvée.

Au Mali, comme ailleurs, l’espoir repose sur notre capacité à agir ensemble, avant qu’il ne soit trop tard.

Bakary Fomba


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