Lors des assises de la justice au Sénégal, tenues du 28 mai au 4 juin, 450 participants ont formulé des propositions de réforme pour renforcer l’indépendance judiciaire et limiter les pouvoirs du procureur. Ces recommandations seront soumises au président de la République la semaine prochaine.
Au Sénégal, on sent dans l’air une effervescence inhabituelle depuis le mardi 28 mai. Un grand rassemblement de 450 personnes — magistrats, avocats, membres de la société civile et professeurs d’universités — s’est tenu pour diagnostiquer l’état de la justice dans le pays. Le 4 juin, les participants ont finalement fait état de leurs propositions de réforme. Mais la question qui brûle les lèvres de tous est : ces propositions marqueront-elles un véritable tournant pour la justice sénégalaise ou finiront-elles comme tant d’autres, dans les tiroirs poussiéreux de l’administration ?
Cour constitutionnelle à la place de l’actuel Conseil constitutionnel
Parmi les propositions qui semblent faire l’unanimité, celle de limiter les pouvoirs du procureur ressort comme une évidence. Actuellement, le procureur au Sénégal a le pouvoir d’envoyer quelqu’un en prison avec une facilité déconcertante. Cette réforme pourrait rééquilibrer les forces en présence et offrir une justice plus équitable. Est-ce un premier pas vers une justice plus juste ou une simple rustine sur un système en panne ?
Une autre proposition ambitieuse est l’instauration d’un juge des libertés pour éviter le recours quasi systématique à la détention préventive. Actuellement, sans un tel juge, les demandes de mise en liberté provisoire restent souvent lettres mortes. On espère que cette mesure, si elle voit le jour, apportera un souffle de liberté et de justice dans les tribunaux sénégalais. Mais n’est-ce pas un vœu pieux dans un pays où les lenteurs judiciaires et les abus de pouvoir sont monnaie courante ?
La proposition de créer une Cour constitutionnelle pour remplacer l’actuel Conseil constitutionnel est une autre mesure phare. Les juges de cette cour ne seraient plus exclusivement nommés par le président de la République, une évolution qui pourrait renforcer l’indépendance judiciaire. Mais on ne peut s’empêcher de se demander si cette proposition ne finira pas, elle aussi, par être édulcorée pour ne pas trop bousculer l’ordre établi.
L’espoir est grand, la méfiance l’est tout autant
Enfin, il y a la suggestion que le Conseil de la magistrature ne soit plus seulement consultatif mais ait de véritables pouvoirs. L’idée est de limiter les pouvoirs du président, qui nomme actuellement les magistrats de ce conseil. Les participants sont cependant divisés sur la question de la présence du président au sein du Conseil supérieur de la magistrature. On imagine déjà les débats houleux et les compromis qui videront cette proposition de sa substance.
Toutes ces propositions de réformes doivent désormais être synthétisées dans un rapport final qui sera remis au président de la République dans le courant de la semaine prochaine. L’espoir est grand, mais la méfiance l’est tout autant. Combien de ces réformes verront réellement le jour ? Combien seront diluées, contournées, ou simplement oubliées une fois les projecteurs éteints ?
Il est facile de se laisser emporter par l’enthousiasme des grandes déclarations et des promesses de changement. Mais l’histoire nous a appris à être prudents, à attendre les actes plutôt que les paroles. Le Sénégal a une chance unique de réformer sa justice et de redonner confiance à ses citoyens. Mais pour cela, il faudra bien plus que des mots et des intentions. Il faudra du courage, de la détermination et surtout, des actions concrètes. Nous attendons de voir si cette fois, le vent de changement soufflera vraiment ou s’il ne fera que brasser de l’air.
Chiencoro Diarra
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