Home A la Une L’amour en circuit fermé : le défi du mariage consanguin dans la modernité au Mali

L’amour en circuit fermé : le défi du mariage consanguin dans la modernité au Mali

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Au Mali, le mariage consanguin, ou « badenya furu », est traditionnellement perçu comme un renforcement des liens familiaux et un maintien de la cohésion sociale. Cependant, avec l’évolution des mentalités et l’influence croissante des normes occidentales, cette pratique est devenue controversée.

Communément appelé « badenya furu » en langue bambara, le mariage consanguin ou union entre cousins, est une pratique courante dans de nombreuses communautés maliennes, surtout dans les zones rurales où prévalent les traditions et les normes sociales. Longtemps valorisée pour ses facteurs culturels, religieux et économiques, cette pratique, qui renforce les liens familiaux et maintient la solidarité communautaire, devient de plus en plus problématique à l’ère moderne.

Préservation des traditions ancestrales

Dans de nombreuses communautés maliennes, le mariage consanguin est considéré comme un moyen de renforcer les liens familiaux et de maintenir la cohésion sociale. En effet, les mariages entre cousins ou membres de la même famille sont souvent encouragés pour garantir la pérennité des biens familiaux et pour préserver les traditions ancestrales.

« Nos aînés se sont basés sur l’unité de la famille. Il s’agit d’une composante essentielle de cette unité familiale, pour que la famille reste soudée et unie », affirme Dr Ibrahima Traoré, sociologue de l’éducation à l’Université des Lettres et des Sciences humaines de Bamako (ULSHB).

Mme Traoré Alima Kané, vendeuse de condiments au marché de Kabala, explique que le mariage consanguin était considéré comme une garantie de stabilité et de solidarité au sein de sa famille. « En épousant mon cousin, j’ai assuré la continuité de notre lignée et renforcé nos liens familiaux. C’était une façon pour nous de préserver nos traditions et nos valeurs ancestrales », explique-t-elle.

Pour M. Diallo, chef de village dans la région de Dioïla, le mariage consanguin était également perçu comme un moyen de protéger les biens et les terres de la famille. « En unissant nos enfants au sein de la famille élargie, nous assurions la pérennité de notre patrimoine et de nos richesses. C’était une pratique essentielle pour maintenir notre unité et notre prospérité », développe-t-il.

Sujet à controverse

Cependant, avec l’évolution des mentalités et l’influence croissante des normes occidentales, cette pratique semble être devenue controversée.

Selon certaines études, la pratique du mariage consanguin peut entraîner des risques liés à la santé des enfants issus de ces unions, en raison de la consanguinité génétique. Aussi, ces enfants nés de parents consanguins pourraient avoir un risque plus élevé de développer des maladies héréditaires telles que la drépanocytose, le syndrome de Marfan ou d’autres maladies génétiques graves. De plus, certains mouvements féministes et défenseurs des droits de l’homme dénoncent le mariage consanguin comme une forme d’abus de pouvoir et de contrôle social.

En ce qui concerne l’influence de l’européanisation sur nos systèmes de vie au Mali, certains aspects de nos traditions et de nos valeurs culturelles ont été remis en question. La modernité et la globalisation ont sans aucun doute introduit de nouvelles normes et pratiques sociales, qui peuvent parfois se heurter aux traditions ancestrales.

Conduire à la boucherie

Par ailleurs, tout en proposant de « sensibiliser la jeune génération, en leur montrant que ces mariages-là n’étaient pas faits à tout hasard », Dr Traoré affirme que « l’européanisation ne fait que nous conduire à la boucherie d’autant plus qu’elle ne colle pas avec nos réalités, encore moins avec nos conditions de vie sociale ».

Cependant, il est essentiel de trouver un juste équilibre entre l’ouverture aux influences extérieures et le respect de nos valeurs et de notre identité culturelle. À cet effet, les autorités et les leaders communautaires doivent travailler de concert pour préserver ce qui fait la richesse de notre société tout en favorisant le progrès et le bien-être de tous.

Face à ces enjeux cruciaux, des efforts doivent être également déployés pour sensibiliser les populations aux dangers des mariages consanguins et pour promouvoir des unions plus diversifiées. Des organisations non gouvernementales, des associations de santé et des leaders religieux doivent travailler ensemble pour informer les communautés sur les risques associés à cette pratique et pour encourager des pratiques matrimoniales plus sécuritaires et éclairées.

Bakary Fomba 


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