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La mendicité : un phénomène décontextualisé

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La mendicité est un phénomène en pleine expansion au Mali. Cette pratique remonte loin dans nos sociétés, mais elle a fini par sortir de son contexte pour devenir une forme de gagne-pain.

Avec 39 951 (en 2015) mendiants, au Mali, plusieurs formes de mendicité se rencontrent. C’est pourquoi Bréma Ely Dicko, chercheur et professeur de sociologie, juge nécessaire de contextualiser les choses lorsque nous parlons de la mendicité au Mali.

Les formes de mendicité

La mendicité se présente sous deux grandes formes au Mali : les personnes en situation difficile (lépreux, handicapés physiques et mentaux, etc.). Cette forme est une recommandation des religions monothéistes, l’islam et le christianisme, mais aussi elle répond aux valeurs culturelles maliennes de partage, explique M. Dicko.

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Cette première forme constitue un besoin culturel, précise l’imam de la grande mosquée de Fana, dans la région de Koulikoro, également président de la branche AMUPI de ladite ville (Association des musulmans pour l’unicité et le progrès de l’islam), Daouda Cissé.

Cette première forme est un devoir de solidarité envers les plus démunis, les malades dans nos sociétés.

Quant à la seconde forme, elle constitue une manière d’initier les enfants inscrits dans des écoles coraniques à l’endurance, à l’humilité. En dehors des heures de cours, le marabout ayant sous sa charge des milliers d’enfants est obligé de les envoyer mendier, d’après le chercheur en sociologie. À l’en croire, auparavant, les marabouts étaient appuyés par les parents des enfants ainsi que les villageois dans la prise en charge des talibés. Ainsi, ils n’avaient pas besoin d’envoyer les enfants dans les rues mendier.

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Aujourd’hui, les marabouts ne reçoivent plus cette assistance, déplore l’imam de Fana qui explique l’alternative qu’il a finalement choisie. Selon celui-ci, les mendiants qu’ils encadrent ne font point le porte-à-porte. Mais cultivent des champs qu’il dispose ou partent cueillir des feuilles servant dans l’alimentation des animaux pour les vendre. Ils peuvent aussi partir aider d’autres dans leurs travaux champêtres moyennant une certaine somme qui reviennent au maitre.

Les différentes mutations

Toutes les formes de mendicité connaissent des mutations. S’agissant de la seconde forme, il faut souligner que les mendiants sont obligés aujourd’hui de passer la journée à quémander pour satisfaire les besoins du marabout qui a pris goût à l’argent, « qui vit dans un confort et cherche à perpétuer cela », explique M. Dicko. La mendicité s’est alors transformée en une profession pour certains mendiants qui, souvent, passent la nuit dans la rue lorsque la somme exigée par le maitre est incomplète. Certains finissent par rejoindre des réseaux de trafic, indique M. Dicko.

Il existe également une mutation de la première forme de mendicité. Certaines personnes bien portantes empruntent des enfants pour faire la mendicité ou se transforment elles-mêmes en mendiants. La mendicité est ainsi devenue un business dans lequel ses pratiquants gagnent plus qu’un fonctionnaire malien, selon le professeur de sociologie des médias maliens.

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Dans les sociétés maliennes, avoir des enfants est considéré comme une bénédiction divine. Mais sachant bien que la possession de beaucoup d’enfants nécessite des charges loin d’être à la portée de tous les parents, il était recommandé de se promener avec les jumeaux afin que les autres membres de la communauté puissent les soutenir, explique Bréma Ely Dicko. « Mais, dans la ville, cela est devenu une forme d’enrichissement », précise-t-il.

La mendicité, une pratique interdite

Le problème avec cette pratique c’est qu’elle est interdite. Hafizou Boncana, enseignant chercheur à l’Université des Sciences juridiques et politiques de Bamako, trouve injustifiable l’exploitation des enfants à travers la mendicité. « Je n’apprécie pas l’exploitation des enfants par les parents à travers la mendicité parce que c’est un délit réprimé par le Code pénal malien ».

En effet, dans la SECTION IV de la LOI N° -01 — 079 du 20 août 2001 portant Code pénal, nous pouvons lire à l’article 183 : « Toute personne valide et majeure qui aura été trouvée mendiant sur la voie publique sera punie de quinze jours à six mois d’emprisonnement ». Cet article finit par préciser : « En toutes circonstances l’incitation à la mendicité est interdite. »

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De son côté, Yves Traoré, Directeur de la Fondation pour l’enfance de Ségou, pense que la pauvreté ne peut nullement justifier l’utilisation des enfants dans la mendicité.

Togola F.


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