En visite à Kidal, le ministre de la Défense Sadio Camara signe le retour symbolique de l’État malien dans une région longtemps hors de portée, entre hommage aux soldats tombés et reprise en main des richesses confisquées.
Il y a des images que l’histoire aime retenir. Celle du général de corps d’armée Sadio Camara, ministre malien de la Défense, à ses côtés le gouverneur de la région, le général Gamou, ainsi que le chef d’etat-major général des armées, arpentant ce matin les rues poussiéreuses de Kidal, en fait partie. Non pour la mise en scène. Mais parce qu’elle dit, sans discours, le retour de l’État là où, si longtemps, seuls régnaient le vide et les menaces.
Une visite, un symbole, un tournant
Kidal, épicentre d’une décennie d’absence, terre disputée et revendiquée, n’avait plus vu pareille scène depuis des années. En s’y rendant ce jour, accompagné d’une importante délégation militaire et civile, le ministre Sadio Camara n’a pas simplement effectué une visite : il a signé un acte de souveraineté.
Premier geste, premier signal : le recueillement, sobre mais lourd de sens, sur les tombes des soldats tombés lors des événements du 17 et du 21 mai 2014. Ils furent les premiers à tomber, dans un Mali encore hésitant, encore entravé. Aujourd’hui, c’est l’institution militaire elle-même qui revient honorer leur mémoire, sur une terre qu’elle a reconquise, en novembre 2023.
Le retour dans la ville interdite
À Kidal, le camp 2 est redevenu malien. Non plus un poste avancé surveillé à distance, mais une emprise active, ouverte, pacifiée. Après une décennie d’absence imposée, l’armée malienne ne se contente plus d’y stationner. Elle y circule, elle y enquête, elle y gouverne.
Sadio Camara, sans protocole excessif, s’est offert un bain de foule, entre sourires timides et regards encore incrédules. À Kidal, on n’embrasse pas encore l’uniforme, mais on commence à le reconnaître comme légitime.
L’or et les fantômes du pillage
Mais c’est ailleurs que la visite du ministre a pris une tournure saisissante. Car ce que Sadio Camara est allé voir, c’est aussi l’autre guerre : celle des ressources. Des sites d’exploitation aurifère, jadis aux mains des groupes terroristes, ont révélé leur cortège de paradoxes : maisons cossues, centre commercial aux 336 magasins, luxe insolent dans une région que l’on disait sinistrée.
Des noms circulent, familiers des services de renseignement : Bilal Ag Cherif, Al-Gabass Ag Intalla, Mohamed Ag Nadjim… Autant de figures de l’insurrection, autant d’acteurs d’un système d’enrichissement illicite fondé sur l’exploitation d’un territoire abandonné.
Depuis la reconquête militaire du 14 novembre 2023, ces rêves sont à l’arrêt. Le pouvoir central reprend les clés, lentement mais sûrement, d’une région où tout semblait figé.
Plus qu’une visite, une réappropriation
Ce que dit cette journée, c’est qu’il n’y a plus de sanctuaire. Que le mythe de Kidal, enclave rebelle, bastion inaccessible, s’effondre. Pas sous les balles, mais sous les pas d’un général qui ne croit qu’aux actes. Car Sadio Camara ne parle pas souvent. Il agit. Et en politique sahélienne, cela reste la forme la plus rare de parole publique.
En foulant le sol de Kidal, le ministre de la Défense a renoué un fil rompu, entre l’État et un territoire qui s’était habitué à l’entre-soi. Ce fil, il faudra le tresser avec prudence. Mais l’essentiel est posé : l’État n’est plus absent.
Chiencoro Diarra
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