Au Mali, la philosophie est célébrée, ce jeudi 19 novembre 2020 dans l’enceinte de l’École Normale Supérieure de Bamako, autour de ce thème : « La crise environnementale : quelle solution pour le philosophe ? »
La philosophie est au service de la société, de l’humanité puisqu’elle n’est pas par-delà le monde. Conscient de cela, les philosophes maliens, à travers le trio de ces trois grandes institutions universitaires du Mali, ont apporté leur pierre à l’édifice. Ces institutions sont l’École normale supérieure qui a abrité cette édition, l’Université des lettres et des sciences humaines (ULSB) et l’UCAO…
Sur le thème choisi cette année, M. Bakabigny Keita, Dr. Sékou Yalcouyé, Mme Elianne Ky et Dr. Souleymane Keita sont intervenus pour y faire des communications.
Compréhension des mobiles de la crise
Malgré la divergence de leur point de vue sur le sujet, les conférenciers semblent s’accorder sur un point qui concerne les causes de cette crise. Selon M. Bakabigny Keita, il n’y a pas de crise environnementale. « L’homme a juste pris conscience de son arrogance », affirme-t-il. La crise environnementale est, selon lui, le retour de l’arrogance de l’homme contre lui-même. Outre cet aspect, il invite également à une autre intelligence de cette crise environnementale en la regardant comme l’expression d’un malentendu entre les dominés et les dominants. « La crise signifie un conflit », soutient-t-il.
Pour sa part, Dr Sékou Yalcouyé souligne que l’homme ne peut pas être l’ennemi de la nature puisqu’il est un élément de cette nature. Devenir ennemi de la nature, c’est ipso facto devenir son propre ennemi, a-t-il indiqué. Du coup, il convient pour l’homme de reconstituer la nature pour satisfaire ses besoins fondamentaux. Dans cette perspective, il doit, au lieu de se respecter, respecter la nature. « Le manque de respect de la nature néantise la vie humaine, l’humanité entière », nous informe-t-il.
Pour Dr. Souleymane Keita, la terre est un patrimoine à sauvegarder. Pour concrétiser ce désidérata, il faudra nécessairement « repenser l’écosophie ». Dr. Keita fait entendre qu’au regard de l’évolution actuelle de l’humanité, à travers les progrès scientifiques et techniques, il y a un risque écologique majeur. « Si nous ne changeons pas, l’humanité sera plongée dans un chaos sans précédent », a-t-il prévenu. Se situant dans le sillage de Hans Jonas, Dr. Keita affirme que la nature est l’altérité de l’homme. Donc l’homme a une responsabilité non seulement vis-à-vis de ses semblables, mais aussi vis-à-vis de l’environnement, d’où une éthique de responsabilité pour l’humain.
Venir à bout de la crise environnementale
Pour contrecarrer cette crise, Dr. Keita se lie, d’un côté, à la maxime morale écologique de Hans Jonas : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre ». Et de l’autre côté, il rejoint Michel Serres pour dire qu’une désobéissance totale au modèle de l’économie mondiale actuelle, qui nous est imposée, est une des solutions « pour sauver la nature, l’humanité ».
Pour remédier à cette crise, M. Keita propose de faire un retour à l’intelligence des stoïciens selon laquelle « l’homme n’est pas un empire dans un empire » – Spinoza. Il s’agit pour l’homme de comprendre les lois de la nature afin de mieux se comporter vis-à-vis de celles-ci, explique-t-il.
Dr Yalcouyé recommande, pour sa part, à chacun de planter un arbre pour contrecarrer la crise environnementale. En outre, il recommande de rationaliser la recherche effrénée des capitaux. Il soutient que l’épistémologie doit être enseignée partout pour la protection et la préservation de la nature. Il a terminé sa communication par cette phrase de François Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Quant à Mme Elianne Ky, celle-ci prend l’éthique comme la voie pouvant permettre à l’homme de se ressaisir pour non seulement protéger la nature, mais surtout de la préserver. Il faut donc, pour Mme Ky, prendre la nature comme objet d’éthique.
Par Abdramane Coulibaly (Lumière)
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