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Gestion de la crise malienne : quelle collaboration entre le pouvoir politique et la philosophie ?

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« Les philosophes ne sortent pas de terre comme des champignons ; ils sont les fruits de leur temps, de leur peuple ». En effet, toute philosophie est une réponse à une préoccupation soit individuelle de son auteur, soit socio-économico-politique de son temps. Ce qui a amené Hegel à dire plus expressément que « chacun est un fils de son temps et donc la philosophie est elle aussi une époque telle qu’elle est appréhendée dans la pensée de ce temps. » Autrement dit, la philosophie n’est jamais neutre. Elle est le fruit des agitations, des crises sociales comme celle que traverse le Mali : crise socio-politico-sécuritaire. Dans une telle situation, quelle collaboration entre la philosophie et les pouvoirs publics ? Quels rôles les philosophes maliens peuvent jouer dans la résolution de cette expérience douloureuse pour la démocratie malienne ?

La philosophie en tant qu’idéologie, elle décrit les choses telles qu’elles lui apparaissent. Elle n’a pas intérêt à masquer ou maquiller la réalité. Dans sa tentative de résolution des problèmes, elle peut utiliser la méthode « progressive-régressive » consistant à analyser les raisons profondes de chaque phénomène ainsi que les ambitions que porte à cœur le peuple. Car il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on. 

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La résolution de la crise malienne est une entreprise titanesque qui demande assez de courage, de sacrifice de soi. À défaut d’être des philosophes, les rois doivent apprendre à philosopher, a-t-on appris. Car les philosophes sont censés être des gens qui ont effectué l’ascèse intellectuelle, qui ont accepté de souffrir pour accéder à la vérité. En retour, ils sont capables de faire raisonner les autres n’ayant pas été capables de se défaire de leurs chaînes pour découvrir la réalité.

Certes, le philosophe est dans la theoria. Mais la praxis des hommes politiques ne peut se défaire de cette theoria. Les deux forment un couple parfait.

En liant amitié avec la philosophie, le pouvoir politique a accès à des théories morales susceptibles de guider ses pas.

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La reconnaissance de ses propres failles et l’acceptation des critiques de « l’altérité » sont des chemins prometteurs de succès. Permettez-moi de reprendre cette légende mandingue de l’amitié singulière entre l’éléphant et le moineau, rapporté par Pr Issa Ndiaye dans « Le Festival des brigands ».

 L’allégorie voit à travers l’éléphant, sa masse énorme qui est synonyme de force, de puissance, à l’instar du pouvoir. Mais cette force est handicapée par sa mauvaise vue qui ne porte pas assez loin. D’où sa tendance naturelle à l’utiliser souvent de façon disproportionnée, aveugle. Sa brutalité cause parfois plus de dégâts au lieu de résoudre les problèmes.

Le frêle moineau, quant à lui, malgré sa petite taille et son apparente fragilité, incarne celui dont le regard porte loin, celui qui est capable de scruter l’horizon, qui interroge l’avenir dont il essaie de déchiffrer les mystères. Il compense sa petitesse par son intelligence. Le moineau symbolise celui qui doit conseiller le pouvoir. Il s’apparente au philosophe. 

Cette amitié entre l’éléphant et le moineau « réconcilie ainsi la puissance et l’intelligence, le muscle et le concept, le pouvoir et la sagesse ». Cette légende s’apparente bien de l’allégorie du lion et du renard de Nicolas de Machiavel dont il serait également nécessaire de rapporter :

 Puisqu’un prince est obligé de savoir bien user de la bête, il doit parmi elles prendre le renard et le lion. Car le lion ne se défend pas des rets, le renard ne se défend pas des loups. Il faut donc être renard pour se défendre des rets et lion pour effrayer les loups. Ceux qui s’en tiennent simplement aux loups n’y entendent rien.

La prudence, qui doit être la vertu du souverain, doit consister en l’alternance de la force et de l’intelligence. Comme pour dire que les pouvoirs publics doivent souffrir des critiques objectives du philosophe. Car il est l’homme prêt à boire la cigüe que de camoufler la vérité. Deux choses sont chères au philosophe, l’amitié et la vérité, dit-on.  Mais s’il s’agit de choisir entre les deux, il n’hésite pas à opter pour la vérité. 

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Cette attitude, faisant du philosophe un homme sans autre attachement que la vérité, l’évince de la gestion des affaires publiques. Se prévalant des expériences marxistes, les uns et les autres le taxent aussi rapidement de dérangeur public, de révolutionnaire, de rêveur, etc. Pourtant, mieux vaut faire chemin avec un bon rêveur qu’avec un mauvais idéologue qui se contente d’acclamer toutes tes manœuvres.

La crise actuelle au Mali est en grande partie tributaire d’une longue trahison. L’actuel président de la République s’est trop laissé emporté par les chants élogieux de son entourage lui faisant croire que tout va bien alors que le peuple cherchait en vain à avoir la queue du diable à tirer.

Dans la situation actuelle du Mali, il faut reconnaître que faire sauter la première institution, et avec elle toutes les autres, ne serait pas une entreprise recommandable. Certes, il est bien de continuer à faire pression sur le régime afin qu’il revoie sa gouvernance, mais s’il s’agit de faire sauter toute la machine de gouvernance, il faut se préparer à un saut dans l’inconnu.

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Les Maliens réclament le renouveau. Pour y réussir, ce n’est ni avec les conférences nationales, ni les assemblées générales, ni le Dialogue National Inclusif, ni la démission du chef de l’État, mais de véritables Assises nationales à travers lesquelles même le dernier paysan, jusque dans le tréfonds du Mali, aura son mot à dire dans la gestion des affaires publiques. Tous les problèmes du pays seront mis sur la table afin de mieux les décortiquer.

Le Dialogue National Inclusif avait offert cette opportunité, mais il a été malheureusement une occasion ratée due au fait que le véritable peuple, celui qui souffre de tous les maux, s’est vu représenté par des gens qui n’ont aucune conscience de ses souffrances. En organisant ces Assises, il faudrait prendre garde à ne plus tomber dans ces mêmes travers, qui ne relèvent que de la trahison du chef de l’État par ses hommes de confiance.

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Aujourd’hui, au Mali, il est grand temps que les pouvoirs publics se servent de plus en plus du travail des philosophes pour se guider dans leurs prises de décision.

F. Togola


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