En pleine recomposition des équilibres régionaux, le Mali s’invite dans la crise congolaise. Le vendredi 21 février 2025, le Président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Goïta, a reçu un émissaire spécial de Kinshasa, porteur d’un message du Président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Cette visite diplomatique ne doit rien au hasard, alors que RDC est en proie à une nouvelle flambée de violence dans le Nord-Kivu, théâtre du bras de fer entre le gouvernement congolais et la rébellion du M23, soutenue par Kigali selon Kinshasa.
À la tête de la délégation congolaise, Constant Mutamba Tungunga, ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, accompagné de Christophe Muzunga, Ambassadeur de la RDC au Mali (avec résidence à Dakar), et de Talubulu Tshis Osibowa Godfrey, Conseiller. Côté malien, Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, observait avec attention. L’audience fut brève, les discussions feutrées, mais le message clair : la situation à l’Est de la RDC inquiète et appelle à une implication accrue des alliés du continent.
Pourquoi Bamako ?
Que vient chercher Kinshasa dans la capitale malienne ? Une médiation ? Une alliance ? Un soutien symbolique ? Difficile à dire. Quoi qu’il en soit, le Mali n’a jamais eu de prétentions de grand médiateur africain. Ce n’est ni l’Algérie, ni l’Angola, encore moins le Rwanda, dont la machine diplomatique est autrement plus affûtée. Pourtant, la sollicitation congolaise pourrait témoigner d’un changement subtil dans les dynamiques régionales.
Si Bamako n’a pas d’expérience en matière de résolution de conflits internationaux, il peut compter sur plusieurs atouts :
🔹 Une légitimité régionale grandissante, notamment depuis son rapprochement avec le Niger et le Burkina Faso sous la bannière de l’Alliance des États du Sahel (AES), structure, affranchie des tutelles occidentales et capable de peser sur les grandes questions africaines.
🔹 Une solide expérience du dialogue avec les groupes armés, issue de plusieurs décennies de gestion de rébellions dans le Nord du Mali.
🔹 Une société civile active et un savoir-faire en matière de consolidation de la paix, qui pourraient être mis à contribution dans un processus de réconciliation élargi en RDC.
Un rôle limité mais stratégique
Le Mali peut-il réellement peser dans la crise congolaise ? Peu probable. Il est clair que Bamako ne dispose ni des leviers financiers, ni de l’influence diplomatique d’un poids lourd africain. De même, son armée, déjà mobilisée sur plusieurs fronts internes, n’a ni les moyens ni l’intérêt stratégique d’un engagement militaire en RDC.
Qu’à cela ne tienne, le Mali peut bien se positionner comme un interlocuteur crédible, loin des influences traditionnelles qui polarisent le dossier congolais. Son indépendance vis-à-vis des puissances occidentales et des acteurs sous-régionaux habituels en fait un allié potentiel pour Kinshasa, soucieux de diversifier ses appuis dans un contexte où l’Union africaine et la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) peinent à imposer un règlement durable au conflit.
Toutefois, Bamako devra avancer avec prudence. Jouer le médiateur implique une neutralité difficile à tenir dans une crise où les alliances et les inimitiés se tissent en coulisses. Un faux pas, et le Mali pourrait se retrouver pris dans un jeu géopolitique qui le dépasse.
Ce rapprochement entre Bamako et Kinshasa s’inscrit dans une Afrique en mutation. Les alliances traditionnelles vacillent, les puissances émergentes cherchent à redéfinir les équilibres régionaux. Dans ce contexte, voir le Mali s’affirmer — même timidement — comme un acteur de la diplomatie continentale témoigne d’un changement de paradigme.
Le pari malien en RDC sera-t-il gagnant ? Trop tôt pour le dire. Mais une chose est sûre : Bamako n’entend plus rester spectateur des grandes manœuvres africaines.
A.D
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