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Face à la pénurie du carburant, le Mali choisit la raison avant la précipitation

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Face à la pénurie de carburant qui paralyse le pays, Bamako a pris une décision rare : suspendre les cours dans toutes les écoles et universités pendant deux semaines. Un choix de lucidité, dicté par les réalités du terrain, qui en dit long sur la manière dont le Mali apprend à gouverner dans l’adversité — avec calme, méthode et souveraineté.

Dans les rues de Bamako, les files d’attente devant les stations-service sont devenues une pratique quotidienne. Des familles patientent des heures pour quelques litres d’essence, des enseignants laissent leurs motos à sec, des élèves parcourent des kilomètres à pied. La scène est connue, presque banale, mais cette fois, elle a pris une ampleur nationale.

Le gouvernement malien a tranché en décidant que les écoles et universités resteront fermées du 27 octobre au 9 novembre 2025. Non par renoncement, mais par réalisme. « Gouverner, c’est prévoir », disait l’adage. À Bamako, on dirait aujourd’hui : gouverner, c’est s’ajuster.

Cette décision, loin d’un simple geste administratif, relève d’une pédagogie de crise : alléger la pression sur les ménages, réduire la mobilité, préserver le peu de carburant encore disponible pour les services essentiels.Dans un pays où l’éducation reste le ciment de la cohésion nationale, ce choix symbolise une forme de discipline collective, signe d’un État qui assume ses contraintes au lieu de les nier.

L’école, miroir de la nation

Dans le silence des classes, c’est toute une société qui s’interroge sur sa propre endurance.
Le Mali suspend l’école, mais pas l’éducation. Dans les familles, les cahiers se ferment, mais la parole circule. Les discussions reprennent, les solidarités s’inventent, les mères s’improvisent enseignantes, les pères philosophes du quotidien.
La fermeture des établissements ne traduit pas un échec, mais une pause lucide, une respiration collective face à une tension logistique devenue insoutenable.

Au-delà de la mesure, c’est une leçon de maturité politique : celle d’un État qui accepte de ralentir pour mieux avancer. La pénurie de carburant n’est plus seulement une crise économique, elle devient un test de gouvernance.

Lucidité et responsabilité partagée

Le professeur Cheikh Yacoub Doucouré, figure morale respectée, le rappelle avec justesse : « Les moments difficiles font partie intégrante de la vie collective. La résilience nationale consiste à affronter l’adversité avec calme, discipline et foi en l’avenir. »

Ses mots résonnent comme un écho au pragmatisme du pouvoir malien.
Le pays n’est pas à genoux. Il s’adapte. Cette pause éducative n’est pas une rupture, mais un acte de gestion lucide d’un contexte régional où les défis énergétiques s’accumulent — du Sahel aux ports de la Méditerranée.

C’est aussi une manière d’exprimer la souveraineté du réel : ne pas céder à la panique, ne pas masquer les difficultés, mais les transformer en espace de réflexion collective. En ce sens, le Mali ne subit pas sa crise ; il l’utilise pour repenser sa trajectoire.

Une leçon africaine de maîtrise et de mesure

La décision de Bamako tranche avec les réflexes habituels des « États fragiles ».
Là où d’autres auraient improvisé, le Mali a choisi l’ordre et la cohérence.
Là où d’autres auraient masqué la crise sous le vernis de la communication, il a préféré la transparence et la prudence.

Cette approche, presque confucéenne, illustre une nouvelle pédagogie de la souveraineté. Une pratique qui consiste à assumer la contrainte comme un passage obligé vers la maîtrise de soi. L’État malien démontre qu’il ne s’agit plus d’obéir à la vitesse du monde, mais d’imposer son propre rythme — celui d’une refondation lente, mais consciente.

Le savoir comme énergie nationale

Dans cette parenthèse forcée, un symbole s’impose : l’école malienne reste debout, même les portes closes.Chaque élève, chaque enseignant, chaque parent porte la conviction que l’éducation est la première énergie d’un pays — plus précieuse encore que le carburant.

Car si le Mali manque aujourd’hui d’essence, il ne manque ni de foi, ni de raison, ni de mémoire. Et dans ce monde de vitesse et de vertige, cette leçon de mesure — presque philosophique — fait du Mali un pays qui, même ralenti, avance avec dignité.

Mikailou Cissé 


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