Une pluie inattendue en mars réveille les inquiétudes d’un climat malien de plus en plus imprévisible.
Elle est tombée sans prévenir, presque discrètement, comme si elle s’excusait d’arriver en avance. La pluie, cette invitée que l’on n’attendait pas avant juin, a surpris Bamako, Kayes, Nioro, Nara… et les bulletins météo. En mars, mois sec s’il en est, elle a fait une apparition inattendue, rompant le contrat tacite entre les saisons et la terre. Peu de gouttes, certes. Moins de dix millimètres, selon les endroits. Mais un symbole de plus, dans ce long désordre climatique qui s’installe au Sahel.
Le Mali, habitué aux calendriers figés de la saison sèche et de l’hivernage, entre de plain-pied dans le temps des anomalies. Une pluie en mars n’est plus une bénédiction fugace bien vrai que certains ont tendance à l’associer une explication métaphysiquer à l’attribuant aux bienfaits de Dieu en raison du ramadan et du carême dans les communautés musulmane et chrétienne. Pourtant, elle est un signal faible, mais déterminant. Un grain de sable dans le sablier dérangé de notre époque.
Climat détraqué, pays déboussolé
Les régions du nord-ouest malien, de Nara à Kayes, souffrent habituellement en mars sous un ciel de plomb, avec des thermomètres flirtant avec les 44°C. Cette année, quelques averses sont venues rafraîchir l’air… et réchauffer les inquiétudes. Car si la pluie soulage, elle interroge surtout. Elle est désormais le marqueur de ce que les scientifiques appellent l’« imprévisibilité accrue » du climat sahélien.
Des sécheresses plus longues, des pics de chaleur plus violents, et maintenant des pluies qui s’égarent. Le changement climatique au Mali n’est plus une hypothèse modélisée depuis Genève. C’est une réalité vécue au pas de sa porte.
L’eau tombe, mais rien ne s’arrange
À première vue, cette pluie tombe bien. Elle humidifie les sols, remplit les jarres, réconcilie le ciel et la terre. Mais pour combien de temps ? Quelques gouttes ne suffiront pas à inverser des décennies de stress hydrique, d’appauvrissement des terres et de précarisation des populations rurales.
Pire, cette précocité météorologique pourrait même désorienter les cycles agricoles, tromper les semences, perturber les récoltes. Car l’eau, au Sahel, n’est salvatrice que lorsqu’elle est comprise, canalisée, anticipée. Quand elle devient capricieuse, elle ajoute à l’incertitude d’un quotidien déjà incertain.
L’urgence de la prévoyance
Face à cette mutation qui s’impose à marche forcée, le Mali ne peut plus se contenter d’espérer que la pluie vienne « au bon moment ». Il faut prévoir l’imprévisible. Cela passe par des investissements massifs dans les infrastructures hydrauliques, par des systèmes d’alerte précoce qui fonctionnent, et par une refonte complète des calendriers agricoles.
Ce mois de mars 2025 a été déclaré « année de la culture ». Très bien. Mais qu’est-ce que la culture, sinon la transmission d’un rapport à la terre, au ciel, à l’eau ? Il serait temps d’intégrer la mémoire environnementale à notre récit collectif. Car le patrimoine malien ne se limite pas aux masques dogons ou aux manuscrits de Tombouctou. Il est aussi dans la capacité d’un pays à lire les signes du ciel.
Une pluie, un présage
Oui, la pluie est revenue. Trop tôt. Trop peu. Mais assez pour nous rappeler que le climat, ce vieux compagnon de route, ne respecte plus les horaires. Cette incursion météorologique en mars est un message codé que seuls les peuples lucides sauront traduire. Elle n’est pas une solution. Elle est une alerte.
Comme l’écrivait un poète peul : « La pluie qui tombe hors saison ne nourrit pas, mais elle prévient. »
À nous, Maliens, d’entendre ce frisson du ciel comme un appel à mieux nous préparer. Car si la pluie est la vie qui recommence, elle peut aussi être le miroir d’un monde qui vacille.
Bakary Fomba
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