Le Président sénégalais Bassirou Diomaye Faye s’engage à réintégrer le Mali, le Burkina Faso et le Niger dans la Cédéao. Ce défi survient dans un contexte de tensions politiques et sécuritaires, alors que ces pays avaient annoncé leur retrait en janvier.
Dans un contexte de rupture avec la France, ces pays, dont le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ont annoncé en janvier leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qu’ils soupçonnent d’être soumis au diktat de Paris et de ne pas les soutenir efficacement dans la lutte anti-djihadiste au Sahel.
Bassirou Diomaye Faye, qu’on peut qualifier de jeune panafricaniste de gauche, élu sur la promesse d’une rupture avec l’ancien système, a exprimé l’ardent souhait de faire réintégrer le Mali, le Burkina et le Niger dans le giron de la Cédéao. C’est un véritable défi pour Diomaye vu les péripéties vécues par ces pays depuis l’arrivée des militaires au pouvoir.
Le retour du Mali, du Burkina Faso et du Niger au sein de la Cédéao ne sera pas une mission facile pour le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye. Voici quelques raisons pour lesquelles ce processus sera difficile pour le Président de la République Diomaye Faye.
Instabilité politique et sécuritaire
Depuis quelques années, le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont plongés dans des crises politiques et sécuritaires d’une intensité sans précédent. Les coups d’État successifs, les gouvernements de transition et les conflits internes ont fragilisé ces nations. Les affrontements entre groupes armés, les attaques djihadistes et les tensions communautaires ont exacerbé l’instabilité, rendant la gouvernance particulièrement difficile. Ces pays doivent naviguer entre des forces internes fragmentées et des menaces externes constantes, ce qui complique la mise en place de politiques stables et cohérentes. L’insécurité quotidienne entrave également le développement économique et social, augmentant le désespoir et la frustration parmi les populations locales.
La réintégration de ces pays au sein de la Cédéao nécessitera donc un effort concerté pour rétablir la sécurité et la stabilité politique. La restauration de la confiance sera essentielle, tant au niveau national qu’international. Les gouvernements de transition devront démontrer leur capacité à instaurer la paix et à mener des réformes démocratiques crédibles. La Cédéao, de son côté, devra offrir un soutien substantiel et inébranlable pour accompagner ces pays sur la voie de la stabilité. La collaboration avec les partenaires internationaux et les organisations non gouvernementales sera également cruciale pour fournir l’aide humanitaire nécessaire et reconstruire les infrastructures détruites.
Manque de confiance et tensions régionales
Les relations entre le Mali, le Burkina Faso, le Niger et leurs voisins au sein de la Cédéao sont marquées par des tensions historiques et une méfiance persistante. Ces tensions trouvent leurs racines dans des différends territoriaux, des conflits frontaliers et des allégeances politiques divergentes qui ont jalonné l’histoire de la région. Les divergences idéologiques et les suspicions de domination ou d’ingérence externe, notamment par des puissances coloniales ou étrangères, ont également alimenté la méfiance. Ces tensions se sont exacerbées avec les récents bouleversements politiques et les transitions conflictuelles, rendant les relations encore plus fragiles.
Surmonter ces divisions et restaurer la confiance mutuelle sera un processus long et délicat. La réconciliation nécessitera des efforts diplomatiques intenses, des négociations sensibles et une volonté politique forte de part et d’autre. Les gouvernements devront entreprendre des initiatives de dialogue et de coopération, tant bilatérales que régionales, pour apaiser les tensions. La Cédéao jouera un rôle crucial en tant que médiateur et facilitateur de la paix, en fournissant des plateformes de dialogue et en soutenant les mécanismes de résolution des conflits. La confiance ne pourra être rétablie que par des actions concrètes et continues visant à renforcer la coopération économique, sécuritaire et politique entre ces nations. Ce n’est qu’à travers une collaboration sincère et durable que la région pourra espérer surmonter ses divisions historiques et avancer vers une intégration harmonieuse.
Divergences politiques et idéologiques
Les transformations politiques récentes au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont souvent engendré des changements idéologiques significatifs, créant des désaccords sur les valeurs démocratiques et l’intégration régionale. Ces pays ont connu des évolutions politiques tumultueuses, passant par des régimes militaires, des gouvernements de transition et des tentatives de réformes démocratiques. Chaque phase de transition a apporté son lot de nouvelles orientations politiques et idéologiques, parfois en opposition avec les principes démocratiques prônés par la Cédéao et d’autres États membres. Ces divergences ont souvent conduit à des frictions, rendant difficile toute tentative d’harmonisation des politiques et de collaboration régionale.
L’harmonisation des positions politiques et des visions stratégiques de ces pays avec celles de la Cédéao constituera un défi majeur. Les gouvernements de transition devront démontrer leur engagement envers les principes démocratiques, notamment en organisant des élections libres et transparentes, en respectant les droits de l’homme et en favorisant la participation citoyenne. La Cédéao, de son côté, devra faire preuve de flexibilité et d’ouverture pour accueillir ces pays en tenant compte de leurs réalités spécifiques et de leurs parcours politiques distincts. Il sera crucial de trouver un équilibre entre le respect des normes démocratiques et la reconnaissance des particularités locales. Une coopération renforcée et une volonté commune de surmonter les divergences idéologiques permettront de construire une base solide pour une intégration régionale plus harmonieuse et efficace.
Retard économique et écarts de développement
En termes de développement économique, le Mali, le Burkina Faso et le Niger (Pays de l’Alliance des États du Sahel) accusent un retard significatif par rapport aux autres États membres de la Cédéao. Ces pays font face à des défis socio-économiques majeurs, notamment des infrastructures insuffisantes, une faible industrialisation, et des taux élevés de pauvreté et de chômage. Les conflits internes et l’instabilité politique ont aggravé ces problèmes, freinant les investissements et limitant les opportunités de croissance. Comparés à des économies plus dynamiques de la région, ces pays peinent à maintenir un niveau de développement qui permettrait une intégration harmonieuse et compétitive au sein de la Cédéao.
Pour combler ces retards et assurer une intégration économique équitable, des investissements considérables seront nécessaires. Ces investissements devront cibler des secteurs clés tels que l’éducation, la santé, les infrastructures de transport, et l’énergie, afin de créer un environnement propice à la croissance économique. La mobilisation de ressources financières et techniques, tant au niveau national qu’international, sera cruciale pour soutenir ces efforts. Les partenariats public-privé, l’aide au développement et les initiatives de coopération régionale devront être renforcés pour canaliser les fonds et l’expertise nécessaires. La Cédéao devra jouer un rôle de catalyseur, en facilitant l’accès à ces ressources et en promouvant des politiques de développement inclusives et durables. Seule une approche concertée et soutenue permettra de réduire les écarts de développement et de garantir une intégration économique bénéfique pour tous les États membres.
Défis de sécurité transfrontaliers
La lutte contre le terrorisme, la délinquance organisée et les conflits communautaires constitue un défi majeur pour les pays de l’AES, avec des répercussions régionales significatives. Ces pays sont situés dans une zone particulièrement vulnérable aux activités terroristes, avec des groupes armés exploitant les frontières poreuses pour mener des attaques et échapper aux forces de sécurité. La délinquance organisée, incluant le trafic de drogues, d’armes et de personnes, exacerbe les tensions et contribue à l’instabilité. Parallèlement, les conflits communautaires, souvent déclenchés par des rivalités ethniques ou des luttes pour les ressources, aggravent la situation sécuritaire, créant un climat de violence et de méfiance généralisée.
Pour faire face à ces défis de sécurité transfrontaliers, une coordination renforcée sera indispensable. Les forces de sécurité nationales devront travailler en étroite collaboration avec leurs homologues des pays voisins et avec les organismes régionaux comme la Cédéao. Le partage de renseignements, les opérations conjointes et la formation mutuelle des forces de sécurité seront des éléments clés pour renforcer la capacité de réponse face aux menaces transfrontalières. De plus, il sera crucial de mettre en place des mécanismes de dialogue et de médiation pour prévenir et résoudre les conflits communautaires. La coopération internationale, incluant le soutien logistique, technique et financier des partenaires extérieurs, jouera également un rôle vital pour stabiliser la région. En somme, une approche coordonnée et inclusive, impliquant tous les acteurs pertinents, sera essentielle pour relever les défis de sécurité transfrontaliers et instaurer une paix durable dans ces pays et au-delà.
Manque de confiance des partenaires extérieurs
La mobilisation du soutien nécessaire pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger se heurte souvent aux sanctions et à la méfiance des partenaires extérieurs. Ces pays, en raison de leurs transitions politiques tumultueuses et de leurs régimes militaires, ont vu leur crédibilité internationale érodée. Les sanctions économiques et les restrictions imposées par des institutions internationales et certains pays ont limité l’accès à des ressources cruciales pour leur développement. Cette méfiance se traduit également par une réticence des investisseurs étrangers à s’engager dans des projets à long terme, craignant l’instabilité et l’incertitude politique.
Le rétablissement de la confiance de la communauté internationale sera crucial pour attirer les soutiens nécessaires et relancer les économies de ces nations. Les gouvernements de transition devront démontrer un engagement clair envers la stabilité politique, la transparence et les réformes démocratiques. Ils devront également établir des relations diplomatiques solides, en montrant leur volonté de coopérer avec les organisations internationales et les partenaires bilatéraux. Des actions concrètes telles que l’organisation d’élections libres et transparentes, le respect des droits de l’homme et la mise en œuvre de politiques économiques solides seront essentielles pour regagner la confiance perdue. La Cédéao et d’autres institutions régionales peuvent jouer un rôle de médiateur pour faciliter ce processus de réintégration et de réhabilitation sur la scène internationale. En définitive, une stratégie bien orchestrée et un engagement soutenu seront nécessaires pour surmonter le manque de confiance et attirer le soutien international indispensable au développement et à la stabilité de ces pays.
En dépit de la détermination du Président Diomaye, le chemin vers la réintégration de ces pays sera long et semé d’embûches. Une volonté politique forte, des efforts de médiation soutenus et une mobilisation régionale et internationale seront nécessaires pour relever ces défis si contraignants.
Bocar Harouna DIALLO, Géographe
boxdiallo@hotmail.fr
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