À la COP29 de Bakou, les pays africains réclament un financement climatique ambitieux pour faire face aux défis environnementaux, mais les obstacles diplomatiques restent nombreux.
La COP29, qui se déroule à Bakou, a démarré avec un succès initial dans la régulation des marchés carbone, un domaine crucial pour la transition écologique. Les négociations, axées sur la finance climat, ont cependant vite révélé des enjeux complexes pour le groupe Afrique. Avec en ligne de mire le Nouvel Objectif collectif quantifié (NCQG), qui doit déterminer les fonds alloués aux pays vulnérables pour faire face aux défis climatiques, l’Afrique espère obtenir des engagements financiers solides malgré des obstacles politiques et économiques importants.
Un succès pour les marchés carbone, mais des défis à venir
L’annonce d’un accord sur la régulation des marchés carbone dès les premières heures de la conférence a suscité des réactions positives. La présidence azérie, après dix ans de discussions, est parvenue à établir des normes contraignantes, ce qui mettra fin à un « Far West » du marché carbone, souvent accusé de greenwashing et de manques en transparence. Sous l’égide des Nations Unies, le nouvel accord devrait garantir l’intégrité des transactions de crédits carbone, offrant ainsi aux pays africains des perspectives accrues de financement pour des projets de reforestation et d’énergie renouvelable.
Pour les pays africains, le bon fonctionnement des marchés carbone est essentiel. Ces pays, bien que peu responsables des émissions mondiales, possèdent d’importantes ressources naturelles qui peuvent générer des crédits carbone en capturant le CO₂. Cet accord permettra d’attirer de nouveaux financements vers des projets locaux tout en veillant à ce que les bénéfices de la compensation carbone soient justes et équitables pour les communautés.
Le NCQG : un objectif clé pour le financement de l’adaptation climatique
Cependant, le cœur des négociations reste la fixation du NCQG, ce nouveau seuil de financement que les pays développés devront fournir aux pays en développement pour faire face aux changements climatiques. Les pays riches avaient promis, dès 2015, 100 milliards de dollars par an pour aider les économies vulnérables à s’adapter aux catastrophes climatiques et à réduire leurs émissions de carbone. Mais pour les nations africaines, ce montant est aujourd’hui largement insuffisant. L’Afrique a donc posé la barre bien plus haut cette année, avec une demande de 1 300 milliards de dollars annuels.
Les dirigeants africains, venus en nombre à Bakou, défendent cette somme comme une base pour les négociations, rappelant que les projections scientifiques confirment un besoin financier colossal. « Le montant du NCQG devra s’appuyer sur les données scientifiques et correspondre aux besoins des pays vulnérables », a déclaré le président congolais Denis Sassou Nguesso. Avec une vingtaine de chefs d’État africains présents, le continent espère montrer un front uni pour défendre ses intérêts.
Les défis diplomatiques : le spectre de l’élection américaine et l’absence des leaders occidentaux
Le contexte politique mondial complique cependant les espoirs africains. L’ombre d’un éventuel retour de Donald Trump à la Maison Blanche plane sur les négociations, rappelant aux dirigeants africains le retrait américain de l’Accord de Paris sous la précédente administration. Un nouveau désengagement américain aurait des conséquences financières directes, car les États-Unis sont l’un des principaux contributeurs à la finance climat. « Le succès des négociations ne dépend pas d’un seul pays », a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de la Convention cadre des Nations unies, tentant de rassurer les délégations. Mais l’absence de plusieurs leaders occidentaux, notamment Emmanuel Macron, Joe Biden et Ursula von der Leyen, est perçue comme un signe négatif par les pays en développement.
Prêts, dons, ou investissements privés ? La nature des financements en débat
Au-delà des montants, la nature des financements pour le NCQG est un sujet de tension. Les pays développés plaident pour des financements sous forme de prêts et d’investissements privés, tandis que les pays africains insistent sur l’importance des dons, plus adaptés à leur situation économique. Les prêts risquent d’aggraver l’endettement des pays vulnérables, alors que des dons offriraient un soutien direct sans implication de remboursement. Pour les nations africaines, la nature des financements est donc aussi cruciale que les montants proposés.
Un autre enjeu critique est la proposition des pays développés d’élargir la base des contributeurs, en intégrant des pays comme la Chine, la Russie, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, considérés comme de « nouveaux pollueurs ». Les pays africains, qui maintiennent des relations économiques stratégiques avec la Chine, refusent cependant de soutenir cette proposition, craignant de fragiliser leurs partenariats. « Nous ne voulons pas nous mettre la Chine à dos », a confié un négociateur africain, rappelant que l’Afrique fait partie du G77, un groupe de pays en développement dans lequel la Chine est un acteur influent.
L’Afrique peut-elle obtenir un engagement financier ambitieux ?
À Bakou, l’Afrique est confrontée à un défi de taille : faire entendre ses besoins dans un contexte international incertain. La demande de 1 300 milliards de dollars par an est ambitieuse, mais reflète les besoins réels d’un continent de plus en plus exposé aux conséquences des changements climatiques. Face aux absences notables de plusieurs dirigeants occidentaux et aux pressions pour inclure de nouveaux contributeurs, les négociateurs africains devront faire preuve de stratégie pour obtenir des résultats concrets.
La COP29 représente donc un tournant pour les pays africains, qui cherchent à renforcer leurs capacités d’adaptation aux impacts climatiques. Les jours à venir seront décisifs pour déterminer si le continent obtiendra le soutien nécessaire pour répondre aux défis environnementaux et socio-économiques qui se profilent.
Un front uni pour le climat et l’avenir de l’Afrique
L’Afrique est un acteur de plus en plus incontournable dans les discussions climatiques internationales. Avec ses ressources naturelles, ses initiatives locales pour la transition écologique et ses vulnérabilités face au réchauffement, le continent doit être au centre des priorités financières mondiales. À Bakou, les leaders africains défendent un futur dans lequel le financement climatique est une réalité concrète et équitable, capable de transformer les défis climatiques en opportunités pour un développement durable.
La COP29 est l’occasion pour le monde de reconnaître les efforts de l’Afrique et de traduire en actes les engagements de solidarité internationale. Dans les jours à venir, les négociateurs africains continueront de défendre cette vision, déterminés à obtenir le soutien qu’exige le continent pour bâtir un avenir résilient face aux changements climatiques.
F. Togola
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