Les chefs d’État des pays du G5 Sahel ont tenu du 15 au 16 février 2021, un sommet à N’Djamena, au Tchad, pour statuer sur la crise au sahel. Sur les conclusions de cette rencontre, Mikailou Cissé, professeur de philosophie au Mali, réagit et explique qu’elles sont en déphasage avec la volonté du peuple.
« La vérité rougit les yeux, mais ne les casse pas », dit un proverbe ivoirien pour souligner toute la difficulté de dire ou de supporter la vérité. Mais quand on est attaché à certaines valeurs et qu’on est invité à choisir entre la « vérité et l’amitié », on ne peut que choisir la vérité.
Le Mali de nos jours est à la traîne sur presque tous les plans, comparativement à la plupart des pays qui l’entourent. Pourtant, jadis il était une référence dans la sous-région pour ne pas dire en Afrique. Être malien était un honneur. Le Malien avait le respect et la considération. Ce qui fait qu’il n’était jamais déçu de sa « maliennité ».
De nos jours, les autorités politiques du pays semblent oublier ce que fut le Malien. Elles ne sont d’ailleurs pas les seules. Des citoyens semblent également ignorer d’où vient le Mali.
De la poudre à perlimpinpin
En conséquence, le conformisme semble devenir un meilleur allié. Les beaux discours ont acquis valeur de vertu. Le non n’a plus sa place dans leur langage. Les dirigeants affichent une forme d’indifférence à la volonté du peuple.
Je me soustrais de cette foule qui se laisse convaincre par de simples promesses que j’ai toujours considérées comme de la poudre aux yeux. Une décision qu’on désapprouve, mais qui est susceptible d’être traduite en pratique vaut mieux que les décisions qu’on approuve en masse, mais dont la mise en œuvre demeure une aventure de combattant.
Les conclusions de la rencontre des chefs d’État du G5 sahel, à l’issue de leur rencontre de N’Djamena, ne sont que des discours pour faire adhérer les sahéliens à l’agenda et aux projets de la France pour ladite zone. Ces conclusions ne visent qu’à donner une nouvelle carte à la France lui permettant de s’implanter durablement dans la zone.
Ces conclusions ne permettent guère de mettre un terme à la propagation du djihadisme. Sauvegarder les intérêts des entreprises françaises présentes dans la zone et maintenir la présence française demeurent leurs seuls objectifs.
Résoudre la crise sans les armes
Il est de plus en plus admis que les peuples confrontés à l’extrémisme et au djihadisme dans le sahel ne souhaitent que prendre langue avec leurs bourreaux afin de trouver une solution rapide à leur crise sans passer par les armes.
Cette piste de sortie de crise n’étant pas dans le projet de la France est reléguée au second plan. Du coup, elle ne semble pas faire partie également du projet des chefs d’État de la zone. Si elle en faisait partie, elle devrait apparaître dans les conclusions.
Cette non-prise en compte de la volonté générale du peuple par les dirigeants de ces États n’est pas nouvelle. Elle est juste une manifestation de leur mépris pour le peuple. Elle est la preuve que les dirigeants du sahel sont indifférents des cris de cœur de leur peuple. On se demanderait même si ces dirigeants ont déjà eu la moindre considération pour leur peuple en tant que des citoyens. Leur volonté a rarement été prise en compte dans des décisions qui les engagent pourtant.
Tirer les leçons de l’antiterrorisme
Les leçons de la lutte contre le terrorisme dans le Moyen-Orient doivent pourtant nous servir. Elles ont montré que les armes n’ont jamais pu mettre en échec les extrémistes dans leur projet de déstabilisation. Le recours aux armes a au contraire permis aux extrémistes de s’implanter durablement. Il les a permis d’avoir la sympathie des communautés. Les bavures des forces armées sont des atouts pour les extrémistes qui les utilisent en leur avantage.
Certes le sous-développement, la mauvaise gouvernance, le manque de services sociaux de base, sont des facteurs qui ont permis aux extrémistes de s’imposer. Mais est-ce qu’on peut apporter le développement dans une zone qu’on ne contrôle pas ? Cela est difficile, même impossible. Le développement est impossible sans l’adhésion des communautés.
Écoutez vos peuples !
Les conclusions de la rencontre des chefs d’états du G5 Sahel ne me paraissent pas être la bonne solution à la crise malienne ou sahélienne. Le projet qu’ils préconisent est en déphasage avec la volonté du peuple.
Pour la résolution des crises que traverse la région du sahel, les dirigeants de ces pays doivent écouter leur peuple. Ils sont ceux qui leur confient une légitimité et non la France. Ils doivent comprendre qu’un État n’a pas d’amis, mais des partenaires. Un pays est votre partenaire lorsqu’il vous aide à mettre en œuvre la vision de votre peuple sur les questions essentielles de la nation.
Mikailou Cissé
Les opinions véhiculées dans cet article ne sont nullement celles de Phileingora
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