En Macronie, la tragédie politique vire à la comédie d’alcôve. Quatre jours après avoir claqué la porte de Matignon, Sébastien Lecornu y revient par la fenêtre, en mission commandée pour un président aux abois. Le tout sur fond de Ve République en état de décomposition avancée.
Il y a des come-backs qui forcent le respect, et d’autres qui forcent le rire. Celui de Sébastien Lecornu, reconduit à Matignon après avoir démissionné 96 heures plus tôt, appartient sans conteste à la seconde catégorie. En France, on ne gouverne plus, on recycle. À ce rythme, on finira par breveter la « démission circulaire » comme innovation politique made in Élysée.
Le 6 octobre, l’homme du moment quitte Matignon, lessivé par 27 jours de turbulences et de critiques sur un gouvernement « copié-collé » de celui de François Bayrou. Le 10 octobre, miracle républicain : le même Lecornu revient, flanqué d’un mandat tout neuf, après un conclave nocturne à l’Élysée où la classe politique — amputée de ses extrêmes — a joué les pompiers pyromanes. En vérité, personne ne voulait du fauteuil. Il brûle trop.
Macron, metteur en scène d’un théâtre d’ombres
Ce retour, c’est d’abord celui d’un président sans majorité, mais pas sans ego. Emmanuel Macron, incapable de trouver une figure consensuelle, a préféré réanimer un Premier ministre usé plutôt que d’affronter l’évidence : la France est ingouvernable.
Derrière la façade républicaine, c’est une monarchie présidentielle qui s’accroche, obsédée par la communication, déconnectée du réel et rongée par la peur d’une dissolution fatale.
Lecornu, en bon soldat, parle de « devoir » ; mais tout indique qu’il a surtout accepté « par résignation ». Ses quatre conditions — débats parlementaires, redressement budgétaire, déconnexion présidentielle, diversité gouvernementale — sonnent comme une lettre d’intention plus que comme un programme. La France adore les grandes déclarations ; elle redoute les petites décisions.
Lecornu, le pompier de service d’un incendie institutionnel
À Matignon, le pompier Lecornu hérite d’un brasier budgétaire et d’un champ de ruines politique. Il doit présenter la loi de finances 2026 à une Assemblée nationale prête à le renverser avant même qu’il n’ait posé ses valises. LFI promet une motion de censure « dès lundi », les communistes dénoncent un « entêtement inacceptable », les socialistes conditionnent leur soutien à un virage imaginaire. Bref, tout le monde est d’accord pour ne pas être d’accord.
La scène politique française ressemble désormais à un vieux bal masqué. On se déguise en responsable, on danse au son du chaos, et l’on espère que l’orchestre tiendra jusqu’à la présidentielle de 2027. Lecornu, lui, joue le rôle du fusible consentant, celui qui saute pour mieux être ressoudé.
La France, puissance moyenne et politique minée
Ce va-et-vient à Matignon ne serait qu’un épisode anecdotique s’il ne révélait pas un mal plus profond. La France n’est plus une puissance politique stable, ni même un modèle de gouvernance. Tandis que Berlin rationalise et que Londres improvise avec style, Paris tâtonne, tergiverse, se déchire — et s’écoute parler. L’arrogance technocratique a remplacé la vision gaullienne ; la communication de crise a pris le pas sur l’État stratège.
Sur le plan international, ce psychodrame hexagonal amuse à Moscou, laisse perplexe à Washington et inquiète à Bruxelles. Car un pays qui peine à se gouverner lui-même peine aussi à se faire entendre. La diplomatie française, naguère redoutée, n’est plus qu’une succession de « positionnements ».
Une comédie française sans fin
En reconduisant Lecornu, Macron a choisi la continuité : celle de l’improvisation et de l’usure. Le Premier ministre le plus éphémère de la Ve République redevient donc Premier ministre. La France, elle, reste suspendue à ses contradictions : un peuple las, des élites déconnectées et une République en quête d’un sens qu’elle a depuis longtemps perdu.
On disait autrefois que la France était un pays où tout finit par des chansons. En 2025, tout y commence par une démission… et se termine par une reconduction.
Chiencoro Diarra
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