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Centre du Mali : le légendaire vivre ensemble entre Dogons et Peuls en mal

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Avec la crise sécuritaire au centre du Mali, le vivre ensemble est de plus en plus mis en mal, notamment entre Dogons et Peuls.

Le royaume peul de Macina, appelé « Dîna », était un vaste empire théocratique peul fondé par Sékou Amadou du clan Barry, en 1818. Cet immense territoire s’étendait du Delta intérieur du Niger (actuel centre du Mali) dont le cœur était Macina – de la région de Mopti, au nord de la région de Ségou jusqu’à Tombouctou, avec les frontières des États Mossis au nord du Burkina Faso.

En 1862, l’invasion de l’empereur toucouleur, El Hadj Omar Tall, met fin à la suprématie de l’empire de Macina. Depuis l’instauration de ces empires dans la zone appelée aujourd’hui le centre du Mali, où est centré « le pays dogon » (carte postale touristique du Mali), Peuls et Dogons vivaient dans l’harmonie.

Dans son roman autobiographique Amkoulel, Amadou Hampaté Bâ, égrenait avec passion et frénésie le vivre ensemble harmonieux entre les communautés à Bandiagara où il naquit en 1900. Dogons, Peuls, Bozos, Somonos et autres communautés se côtoyaient depuis des lustres.

Se battre pour la terre

Dans la zone du Delta du Niger, les images troublantes sont nombreuses ces dernières années : de milliers de déplacés et réfugiés, des villages enflammés, des greniers et bétails éventrés, des corps macabres gisés dans le sang.

Mohamed Barry est un déplacé du centre. Il vit depuis quelques mois à Bamako sous sa nouvelle tente loin des forêts pour paître ses troupeaux. Il dit être nostalgique de sa localité Youwarou. « Les Peuls ne pouvaient plus fréquenter les foires hebdomadaires, poursuit son ami Alassane Tall, 42 ans, assis à côté de lui sur une natte dans un camps des déplacés.  Les Dogons ont commencé par retirer leur bétail des troupeaux confiés aux Peuls.» 

Au « pays dogon », les deux communautés, économiquement complémentaires, vivaient intimement imbriquées. Les Peuls éleveurs s’occupaient de bêtes ; les Dogons cultivateurs, de récoltes. Un système de parrainage – une famille dogon veille sur une famille peule – assurait ainsi la cohésion de la société. « Mais avec l’augmentation de la population et le changement climatique qui a asséché les sols, chacun cherche davantage d’espace, explique Alassane Tall, qui gérait une laiterie à Bankass, autre ville de la zone dite « pays dogon ». Le jihadisme n’a rien à voir là-dedans. Dans cette région, on se bat pour la terre.» 

Ce quiproquo pour la terre entre éleveurs et leurs voisins cultivateurs est un fait historique en Afrique de l’Ouest. Les Peuls, étant une tribu nomade qui se déplace de hameaux en hameaux à la recherche de la verdure pour leurs troupeaux, cohabitent avec diverses tribus sédentaires. Où des conflits sont fréquents entre éleveurs laissant inopinément leurs bétails aller paître dans des champs des cultivateurs. Mais des négociations et dialogues intercommunautaires ont toujours permis à panser les plaies des frustrations.

Selon une ressortissante de la zone de Bandiagara, vivant à Bamako, Salimata Nantoumé, « tous les habitants de notre village ont fui les violences qui sévissent dans cette zone ». Elle ajoute : « Nous avons toujours vécu en paix avec nos voisins peuls, mais ce conflit entre nos deux communautés dissimule des dessous qui sont hors de nos portées. »

Chute du tourisme

Paul Guindo est un autre déplacé du « pays dogon », originaire de Bandiagara. Il vivait, avant la crise de 2012, du tourisme. « L’attractivité touristique du pays dogon a chuté à cause de cette crise. Des écoles sont fermées, les activités lucratives deviennent rares. C’est pourquoi je suis venu à Bamako pour approfondir mes études dans le tourisme et l’hôtellerie, car je suis confiant que tout ce malentendu cessera un beau jour », fait-il savoir.

« Le pays dogon », au Mali, est connu pour sa grande attractivité touristique. C’était une carte postale touristique. Son architecture, ses falaises, son histoire, ses mythes folkloriques et ses pas de danse, et les chants du terroir, tout de cette contrée malienne était à visiter et à admirer.

Mais aujourd’hui des éléments de cette carte postale touristique sont impactés par la crise sécuritaire qui sévit dans le pays. Sur l’axe principal reliant Sevaré à Bandiagara, les grands troupeaux, les chapeaux coniques et les turbans ont pratiquement disparu du paysage. Ils étaient l’apanage des communautés peules.

A présent, c’est les miliciens « dozos » qui sont visibles sur tous les axes, armés de Kalachnikovs, et portant des armes militaires en bandoulière pour traquer les groupes qualifiés de terroristes qui sèment la terreur dans cette zone. Ces dozos (chasseurs traditionnels, en bamanakan) sont également accusés d’attaquer les Peuls sur des soupçons du terrorisme ou des suspicions.

Malgré la dissolution annoncée sur papier  de la milice autodéfense « Dan Nan  Ambassagou », en 2019, par le gouvernement malien après l’attaque des villages peuls par des miliciens, le redoutable chef de Dan Nan Ambassagou, Toloba, s’insurge à continuer sa mission de sécurisation du « pays dogon ».

Des Peuls et Dogons ont commencé à vivre ensemble depuis des millénaires. Les conflits au centre du pays impactent  négativement le tissu social entre ces deux communautés, dont tout les sépare et les unit en même temps.

Mohamed Camara


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