Selon un nouveau rapport du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), le Burkina Faso est, pour la deuxième année consécutive, la crise de déplacement la plus négligée au monde.
Cette classification est fondée sur trois critères : le manque de financement humanitaire, le manque d’attention des médias et le manque d’initiatives politiques et diplomatiques internationales. En se basant sur ces paramètres, le rapport souligne une aggravation continue de la négligence envers cette crise, exacerbant les besoins et le désespoir des populations affectées.
Jan Egeland, secrétaire général du NRC, a déclaré : « La négligence totale des personnes déplacées est devenue la nouvelle norme. Les élites politiques et militaires locales ne tiennent pas compte des souffrances qu’elles causent, et le monde n’est ni choqué ni contraint d’agir par des histoires de désespoir et des statistiques records. Nous avons besoin d’un redémarrage mondial de la solidarité et d’un recentrage sur l’endroit où les besoins sont les plus grands. »
Une course vers le bas
La liste de cette année révèle une dégradation générale de la situation des crises de déplacement négligées. Les scores qui auraient placé un pays en troisième position l’année dernière le laissent maintenant en dehors du top dix.
La diminution du financement humanitaire est particulièrement préoccupante, avec un déficit mondial de 32 milliards de dollars en 2023, soit 10 milliards de plus qu’en 2022. Ce déficit a laissé 57 % des besoins non satisfaits, exacerbant la vulnérabilité des populations déplacées.
Témoignages de désespoir
La crise au Burkina Faso s’est intensifiée depuis qu’elle a été classée comme la plus négligée l’année dernière. En 2023, la violence a tué plus de personnes et forcé davantage de civils à fuir leurs foyers que n’importe quelle autre année depuis le début du conflit en 2019.
Asseta, une mère déplacée vivant à Kongoussi, témoigne de l’ampleur de la crise : « Nous n’avons reçu aucune aide depuis longtemps. Dans des périodes comme celle-ci, quand nous n’avons rien d’autre à cuisiner, je vais cueillir des feuilles et les faire bouillir dans de l’eau. Ce pot nourrira plus de 10 personnes dans ma famille. Cette semaine, nous n’avons mangé que des feuilles la plupart du temps. »
Les défis de l’aide humanitaire
Les difficultés d’accès et le manque de sécurité entravent l’acheminement de l’aide humanitaire. Les routes sont devenues trop dangereuses en raison des attaques fréquentes, et les services aériens limités ne peuvent répondre à l’ampleur des besoins.
Le porte-parole du NRC souligne : « Il devient de plus en plus difficile d’atteindre les personnes dans le besoin au Burkina Faso. Les routes sont trop dangereuses à utiliser en raison d’attaques fréquentes. Le service aérien minimal qui existe ne peut pas répondre à l’ampleur des besoins, et est également prohibitif. Il est essentiel que les donateurs et les humanitaires continuent de donner la priorité aux domaines qui sont hors de vue et de s’assurer qu’ils ne deviennent pas hors de l’esprit. »
Chiffres et statistiques
En 2023, le financement total du plan de réponse humanitaire du Burkina Faso était de 347 millions de dollars, sur les 876 millions demandés, soit une couverture de seulement 39,6 %. Les déplacements internes ont augmenté de 61 %, atteignant 707 000 nouveaux déplacements, et le nombre de réfugiés et de demandeurs d’asile a plus que doublé, passant de 60 000 à 150 000.
Jusqu’à 2 millions de personnes, dont 1,3 million de personnes dans le besoin, vivent dans des zones bloquées et ne peuvent pas accéder régulièrement à l’aide. Le nombre de personnes tuées au Burkina Faso a doublé l’année dernière, dépassant les 8 400 décès.
Un Appel à l’action
Le rapport du NRC appelle à des investissements urgents pour les crises les plus négligées au monde. Ces investissements doivent inclure des initiatives diplomatiques pour amener les parties en conflit à la table des négociations, ainsi qu’un financement proportionnel aux besoins des pays donateurs. Jan Egeland a insisté sur la nécessité pour les économies qui ne contribuent pas à leur juste part de solidarité mondiale d’intensifier leurs efforts.
La crise de déplacement au Burkina Faso demeure une urgence humanitaire grave et négligée. La communauté internationale doit répondre à cet appel à l’action pour alléger les souffrances des populations déplacées et prévenir une détérioration supplémentaire de la situation.
Chiencoro Diarra
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