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Burkina Faso : huit membres d’une ONG arrêtés pour espionnage, dont deux Français

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Les autorités burkinabè accusent l’organisation INSO de collecter des informations sensibles au profit de puissances étrangères. Huit membres de l’ONG International NGO Safety Organisation (INSO), dont deux ressortissants français, ont été arrêtés au Burkina Faso pour « espionnage ». L’annonce a été faite mardi 7 octobre par le ministre burkinabè de la Sécurité, Mahamadou Sana. Selon ce dernier, l’organisation « collectait et fournissait à des puissances étrangères des informations sécuritaires sensibles pouvant être préjudiciables à la sécurité nationale ».

Parmi les personnes interpellées figurent le directeur pays de l’ONG, un Français, son adjointe franco-sénégalaise, le directeur général adjoint tchèque, un ressortissant malien ainsi que quatre employés burkinabè. Ces arrestations interviennent dans un contexte de tension croissante entre Ouagadougou et plusieurs partenaires occidentaux, notamment la France, que les autorités de la transition du Faso accusent régulièrement d’ingérence.

INSO, basée à La Haye (Pays-Bas), se présente comme une organisation à but non lucratif fournissant des analyses sécuritaires aux ONG humanitaires opérant dans des zones de conflit. Cependant, fin juillet, ses activités avaient été suspendues au Burkina Faso pour une durée de trois mois. À l’époque, les autorités lui reprochaient déjà la « collecte de données à caractère sensible sans autorisation préalable ». Malgré cette suspension, certains responsables auraient poursuivi des activités jugées illégales, conduisant à leur arrestation.

Des activités clandestines malgré la suspension

Selon le ministre Mahamadou Sana, INSO aurait continué à organiser des « réunions en présentiel et en ligne », en violation de la mesure de suspension prononcée le 31 juillet. Il a affirmé que le directeur général adjoint de l’organisation, basé à La Haye, s’était même rendu à Ouagadougou le 8 septembre pour coordonner des activités sur place. 

Les autorités affirment que ces initiatives visaient à « collecter et transmettre des informations sécuritaires sensibles à des puissances étrangères », sans préciser lesquelles. Les dates exactes des arrestations n’ont pas été rendues publiques, mais les responsables burkinabè assurent que les huit personnes sont actuellement détenues et entendues par les services compétents. De son côté, l’ONG n’a pas encore réagi officiellement à ces accusations. INSO, active dans plusieurs pays sahéliens, revendique depuis sa création un rôle d’appui aux acteurs humanitaires pour renforcer leur sécurité et leurs capacités d’analyse dans des zones instables.

Un climat de méfiance envers les ONG étrangères

Ces arrestations s’inscrivent dans un contexte de durcissement notable de la politique du Burkina Faso envers les organisations internationales et les partenaires occidentaux. Depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré en 2022, plusieurs ONG ont été suspendues ou interdites d’activité dans le pays.
Entre juin et juillet derniers, les autorités burkinabè ont ainsi révoqué l’autorisation d’exercer de 21 ONG et suspendu dix autres pour une durée de trois mois. Les motifs invoqués sont souvent liés à des « manquements aux obligations légales » ou à des « atteintes à la souveraineté nationale ».
Cette méfiance s’étend également aux diplomates et aux ressortissants étrangers. En 2023, le gouvernement avait exigé le départ des troupes françaises engagées dans la lutte antiterroriste et expulsé plusieurs diplomates français. Quatre fonctionnaires français, accusés d’espionnage, avaient été détenus pendant un an avant leur libération en décembre 2024, à la suite d’une médiation menée par le Maroc.

Une stratégie d’autonomisation sécuritaire au sein de l’AES

Les autorités burkinabè justifie leur approche par la volonté de « recouvrer la pleine souveraineté » et de réduire la dépendance envers l’étranger dans la lutte contre le terrorisme. Le Burkina Faso, tout comme le Mali et le Niger, fait face à des violences djihadistes persistantes qui touchent de vastes zones rurales et entraînent des milliers de déplacés.

Ces trois pays sahéliens, désormais gouvernés par des régimes militaires, ont décidé de renforcer leur coopération en créant l’Alliance des États du Sahel (AES), une confédération visant à mutualiser leurs efforts de défense et de développement. Cette alliance traduit aussi leur rapprochement politique et stratégique, marqué par une rupture progressive avec les puissances occidentales et un rapprochement accru avec des partenaires comme la Russie.

À la fin de l’année 2024, le Niger avait lui aussi révoqué l’autorisation d’exercer d’INSO sur son territoire, accusant l’organisation d’activités contraires à la sécurité nationale. Au Mali, un ressortissant français est d’ailleurs détenu depuis août 2025, accusé de travailler pour les services de renseignement français des accusations que Paris juge « sans fondement ».

Ibrahim Kalifa Djitteye 


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