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BCID-AES : un outil stratégique dans l’architecture économique naissante de l’Alliance des États du Sahel

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En actant la création de la Banque confédérale pour l’investissement et le développement (BCID-AES), les dirigeants du Mali, du Burkina Faso et du Niger entendent doter leur jeune confédération d’un instrument financier inédit. Derrière cette initiative, présentée comme un pilier de « souveraineté économique », se joue une bataille plus large : celle d’un Sahel en quête d’autonomie dans un environnement régional marqué par l’isolement diplomatique, la contraction des financements internationaux et l’urgence des besoins de développement.

En recevant, le 11 décembre 2025, les ministres des Finances maliens, burkinabè et nigériens, le général Assimi Goïta a entériné une étape structurante du projet politique de l’Alliance des États du Sahel (AES) : la création officielle de la Banque confédérale pour l’investissement et le développement (BCID-AES). Derrière l’annonce technique, c’est une redéfinition des rapports de force économiques au Sahel qui se dessine, alors que les trois régimes militaires cherchent à consolider une autonomie financière encore fragile.

Un instrument pour réduire la dépendance financière extérieure

La validation et la signature des statuts de la BCID-AES interviennent dans un contexte où les trois États ont vu se contracter les financements internationaux à la suite des ruptures politiques de 2020 à 2023. La nouvelle banque se veut un outil stratégique pour financer directement les infrastructures routières, énergétiques et agricoles sans passer par les bailleurs traditionnels — Banque mondiale, FMI, UE — dont les relations avec l’AES se sont tendues.

Le ministre burkinabè, Aboubakar Nacanabo, a présenté la nouvelle institution comme un levier destiné à « assumer pleinement la souveraineté économique » du trio sahélien. Un discours qui s’inscrit dans la doctrine de « rupture » revendiquée par les autorités de l’AES depuis leur rapprochement trilatéral.

Une architecture institutionnelle en construction

La Banque confédérale, dotée d’un capital initial partiellement libéré, sera supervisée par un Conseil des gouverneurs réunissant les ministres des Finances des trois pays. Cette gouvernance resserrée permet aux chefs d’État de garder un contrôle étroit sur les orientations, dans une logique politique où la question économique est devenue indissociable de la souveraineté.

La priorité affichée demeure la mise en place rapide des organes dirigeants et le lancement des premières opérations de financement. À terme, l’ambition est de financer non seulement les projets étatiques mais aussi des projets privés portés par des entreprises locales, à condition qu’ils soient validés par les gouvernements. Cette orientation pourrait renforcer l’émergence d’un tissu économique régional autonome, mais elle traduit aussi une volonté de contrôler les circuits d’investissement.

Un jalon politique avant le second sommet de l’AES

Dans un Sahel où l’insécurité, les sanctions passées et la contraction des budgets publics pèsent lourdement, la création de la BCID-AES est autant comme une nécessité que comme un pari. Les trois États misent sur la consolidation interne plutôt que sur la réouverture accélérée vers les marchés financiers internationaux, au risque d’un isolement prolongé.

Cette avancée survient à quelques jours du second sommet de l’AES prévu à Bamako, du 22 au 23 décembre 2025, où l’architecture institutionnelle et financière de la confédération doit être renforcée. L’annonce permet aux autorités de montrer une cohérence stratégique et un volontarisme politique. À travers la BCID-AES, l’Alliance démontrera qu’elle peut construire, seule, les instruments de son propre développement.

Chiencoro Diarra 


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