À contre-courant des discours de rupture entre l’UEMOA et les pays de l’AES, le dernier rapport de la BCEAO publié le 14 juillet met en lumière les performances solides du Mali, du Burkina Faso et du Niger en matière de financement bancaire. Une reconnaissance implicite de leur résilience économique, malgré les tensions politiques croissantes avec l’Union.
Il y a les cris d’estrade et les communiqués rageurs, les bras de fer monétaires entre États frondeurs et institutions sous pression, mais il y a aussi les chiffres. Et les chiffres, eux, n’ont pas d’émotion. Ils photographient une réalité que la politique, parfois, préfère ignorer. C’est ce que vient de rappeler, presque en catimini, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dans son rapport annuel publié le 14 juillet, moins d’une semaine après le dernier épisode du feuilleton houleux entre l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et les trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) — Mali, Burkina Faso et Niger.
Et quelle ironie du calendrier ! Alors même que ces trois pays sont accusés de prendre le large, de claquer la porte monétaire lors de la session du Conseil des ministres de l’UEMOA en guise de protestation contre le refus de la présidence, de droit, de l’organisation au Burkina Faso, voilà que la BCEAO, institution phare du bloc ouest-africain, loue noir sur blanc — sans tambours, ni trompettes — leurs performances bancaires. Loin d’être des parias de la finance, ces États sahéliens apparaissent, à travers le prisme du crédit bancaire et de la solidité du secteur financier, comme des acteurs toujours dynamiques, parfois exemplaires, au sein de l’Union.
Le Mali, premier de classe discret
Commençons par Bamako. Dans le long document de plus de 150 pages, le Mali est presque cité en modèle. Avec une part de 11,2 % de l’encours total des crédits dans l’UEMOA — soit la quatrième place après la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Burkina —, le pays a vu son volume de financement bancaire progresser de manière soutenue en 2023. Le rapport souligne la croissance « notable » des concours à l’économie, malgré un contexte politique et sécuritaire complexe.
Plus encore, le Mali affiche l’un des taux de couverture bancaire les plus satisfaisants de la région. Les banques y maintiennent des standards de solvabilité au-dessus des exigences réglementaires, et la qualité des portefeuilles de prêts, mesurée par le ratio des créances en souffrance, reste maîtrisée. Ce niveau de performance sonne comme un pied de nez aux détracteurs de l’AES.
Burkina Faso, le crédit comme levier de résilience
Le Burkina Faso, de son côté, confirme sa montée en puissance silencieuse. Avec 12,4 % de l’encours des crédits de l’UEMOA, il dépasse désormais le Mali et s’affirme comme le troisième bénéficiaire de financements bancaires dans la zone. Le rapport salue « une croissance robuste » de l’activité bancaire, alimentée en partie par les investissements dans les infrastructures, la consommation des ménages et le dynamisme du secteur agricole, malgré les contraintes sécuritaires qui pèsent sur le pays.
Autre fait marquant : le Burkina maintient un taux de bancarisation en hausse constante, dopé par la digitalisation des services financiers et une stratégie proactive d’inclusion portée par le Trésor public et la BCEAO. Comme quoi, même à Ouagadougou, entre menace terroriste et incertitude politique, les lignes de crédit ne se sont pas effondrées — bien au contraire.
Niger, la rigueur prudente
Quant au Niger, souvent relégué au second plan dans les radars économiques, il trace une trajectoire plus modeste mais disciplinée. Avec 3,2 % des crédits bancaires de la zone, le pays reste en queue de peloton. Toutefois, le rapport note des signes positifs : une gestion rigoureuse des risques, une baisse sensible des taux débiteurs appliqués aux PME locales, et une mobilisation croissante de l’épargne intérieure.
À Niamey, où la transition post-coup d’État a provoqué une rupture brutale avec certains bailleurs occidentaux, les banques ont paradoxalement renforcé leur prudence — tout en maintenant leur soutien à l’économie réelle, notamment dans les secteurs de l’énergie et des transports. Une résilience qui mérite d’être soulignée.
Ce rapport, technique en apparence, revêt une charge symbolique : il démontre que les États de l’AES, souvent peints comme des irréguliers du système financier régional, continuent non seulement de jouer le jeu bancaire, mais de le jouer avec efficacité. Loin du discours de rupture, les flux monétaires et les dynamiques de crédit dessinent une autre carte de la coopération.
Chiencoro Diarra
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.