Au cœur des marchés de Bamako, des milliers de femmes, piliers de l’économie informelle, luttent chaque jour pour nourrir leurs familles. Entre débrouille, quête d’indépendance et flambée des prix, elles incarnent une résilience silencieuse qui façonne l’avenir économique et social de la capitale malienne.
Pour de nombreuses femmes de Bamako, vendre au marché n’est pas un choix, mais une nécessité. Hawa Guindo, le visage marqué par le soleil et le travail, est l’une d’entre elles. Assise devant son étal, elle confie : « Nos ventes nous aident à couvrir nos petites dépenses et celles de nos enfants. » Son témoignage est un écho à la réalité de milliers de foyers maliens où chaque franc compte. Hawa ne se plaint pas, mais ne masque pas les difficultés : « Chaque jour, nous nous débrouillons avec ce que nous avons. Les bénéfices sont parfois très faibles, et quand les ventes sont bonnes, cela fait une réelle différence. » Cette fluctuation des revenus est une constante dans le secteur informel, où la stabilité est un luxe rarement accessible.
À ses côtés, Mariam Diarra, vendeuse de céréales, abonde dans le même sens : « On se lève avant l’aube pour préparer nos marchandises et on rentre souvent tard le soir. C’est un travail acharné, mais il faut le faire pour nourrir nos familles », explique-t-elle, les yeux fatigués mais le regard déterminé. Pour Mariam, comme pour Hawa, chaque journée est une bataille pour assurer le lendemain de leurs proches.
L’indépendance, une quête de dignité
L’autonomie est un mot qui revient souvent dans la bouche de ces travailleuses infatigables. Awa Keita, vendeuse de légumes, incarne cette quête de dignité. Ses mains sont habiles à préparer ses produits, son esprit aiguisé à gérer son petit commerce. « Je peux prendre soin de mes enfants et subvenir à leurs besoins», affirme-t-elle avec une fierté palpable. Pour Awa et beaucoup d’autres, l’activité marchande transcende la simple transaction commerciale ; elle est un vecteur d’émancipation sociale. « Nous devenons indépendantes et évitons de quémander », ajoute-t-elle, soulignant l’importance psychologique et sociale de leur travail. Cet engagement personnel leur confère une place respectée au sein de leurs familles et de leurs communautés.
Cependant, cette indépendance durement acquise n’est pas sans embûches. Awa Keita lance un appel clair aux autorités : « Il est crucial que les autorités nous fournissent un soutien durable pour améliorer nos conditions de travail. » Un soutien qui permettrait de passer de la simple survie à une véritable progression économique.
Face à l’inflation, la devise de la débrouille
La flambée des prix est une préoccupation majeure pour ces femmes. F. Coulibaly, une autre vendeuse croisée au cœur du marché, exprime une joie simple mais profonde : « Faire les petits besoins de mes enfants me rend heureuse. » Pourtant, cette joie est souvent teintée d’inquiétude. Le coût des légumes, denrées essentielles, ne cesse d’augmenter, rognant les marges déjà minces de ces commerçantes. « Se débrouiller est notre devise », déclare-t-elle avec une résignation empreinte de force. Son cri d’alarme est également adressé aux pouvoirs publics, implorant une intervention pour stabiliser les prix. Une mesure qui pourrait considérablement alléger le fardeau de ces familles et garantir une meilleure sécurité alimentaire.
Sitan Sidibé, qui vend des condiments et des épices, partage ces préoccupations. « Les prix changent tout le temps, et c’est difficile de s’y retrouver. Quand le prix d’un sac de piment augmente de moitié en quelques jours, il faut trouver des solutions pour ne pas perdre nos clients et gagner notre vie », confie-t-elle avant de souligner la nécessité d’une meilleure régulation pour protéger les petits commerçants et les consommateurs.
Une résilience inspirante et un appel à l’action
Les récits de ces femmes ne sont que quelques-unes des innombrables histoires qui tissent la trame de l’économie informelle de Bamako. Ces femmes, malgré les défis structurels, la précarité des revenus et l’absence de filets sociaux formels, font preuve d’une résilience et d’une ingéniosité remarquables. Leur travail est bien plus qu’une simple activité économique ; il est un pilier de la société malienne, un garant de la dignité et un moteur d’autonomie.
Leur détermination est une source d’inspiration, mais elle doit aussi être un catalyseur pour l’action. Le soutien durable des autorités, la stabilisation des prix des denrées de base et la reconnaissance officielle de leur rôle vital sont essentiels pour transformer cette économie informelle en un secteur plus sûr et plus prospère pour ces femmes qui bâtissent l’avenir de Bamako, jour après jour.
Fatoumata Togo, stagiaire
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