A Bamako, au « Garbal » de Moribabougou (marché de bétails), il est difficile pour les vendeurs et les acheteurs de s’entendre sur les prix en cette veille de fête de ramadan. Certains bœufs vont jusqu’à 400 000 de nos francs. Reportage.
« Mais ce que vous dites est extrêmement cher… », réplique Mamoutou Traoré, un homme quadragénaire surpris par le prix exorbitant du bœuf qu’il veut pour la fête de ramadan
Ce vendredi 29 avril, sous une chaleur estivale sahélienne profondément brûlante, le minuscule « Garbal » de Moribabougou, situé à quelques pas du Commissariat de police du quartier, vibre timidement. Les clients viennent nonchalamment. Certains observent les bétails et s’informent sur leurs prix, qui sont pour eux « intouchables pour le moment ».
Ousmane, vendeur de bétails, leur montre les taureaux sous le hangar. Il dégaine des sourires, mais reste intraitable sur le prix de ce taureau de couleur noir, qui s’élève à 400.000 F CFA. « Nous-mêmes, on a eu ces bétails difficilement », justifie-t-il aux clients.
Les bétails sont de tout azimut, moutons, chèvres et bœuf, « mais c’est un enfer de les toucher car les prix sont non abordables », trouve Mamoutou Traoré.
La fête de ramadan ou Aïd el-fitr, est la petite fête musulmane commémorant la fin du mois de jeûne. Pour cette occasion, traditionnellement en petite communauté (famille, amis, collègues, etc.), un bœuf ou une vache est immolé de façon collective. « Chaque année, entre voisins dans le quartier, on cotise chacun pour acheter un bœuf pour la fête de ramadan, raconte M. Birama Keita, un autre acheteur. Avant de poursuivre : « On a cotisé chacun 15.000 f cfa. C’était 20.000f cfa par personne, mais nous avons fait une réduction de 5.000f cette année, comme nous traversons un moment difficile ». Il trouve qu’ « un bœuf à 400.000 ou 450.000f cfa est vraiment cher ».
Impacts désastreux
Les crises au nord (Tombouctou, Gao, Kidal) et au centre (Mopti, Ségou) ont eu des impacts désastreux sur le marché du bétail ces dernières années. Le centre du Mali, qui est une zone typiquement pastorale, est la proie des conflits armés fragilisant ainsi la chaîne de ravitaillement de bétails dans le reste du pays.
Ousmane Touré, vendeur de bétails au « Garbal » de Moribabougou, est un ressortissant de Macina (zone du Delta de Niger, au centre du Mali). Habillé dans son boubou d’éleveur, un bâton en mains, Ousmane nous montre un groupe de magnifiques taureaux : « Ces bœufs sont ici depuis deux ou trois mois. Nous les avons eus à 300.000 FCFA. Ce que nous avons mis dans leurs nourritures et entretiens s’élève à plus de 150.000 FCFA », explique-t-il. « Nous sommes aussi dans les difficultés pendant cette période car l’alimention des bétails est très coûteuse, fait-il savoir. Chaque année, nos bétails sont emportés ou calcinés par les assaillants qui sèment la terreur dans nos zones de ravitaillement. Ce qui impacte négativement le marché du bétail à l’approche des fêtes. »
Le marché de cette année n’est pas facile aux acheteurs ainsi qu’aux vendeurs. « Le marché est vraiment timide, mais nous espérons que d’ici-demain [vendredi et samedi, hier et aujourd’hui], les gens commenceront à venir plus nombreux », espère Ousmane.
Depuis le 09 janvier dernier, le Mali subit un blocus frontalier sous-régional. Ce qui a entraîné une énorme cherté de vie qui tenaille aujourd’hui tout le pays malgré que les produits de première nécessité et autres ne soient pas concernés par ces sanctions imposées par la Cédéao et l’Uemoa. « Le marché de bétails est tristement impacté par cet embargo », avance Ousmane Touré, éleveur.
Derrière cette ambiance nonchalante du « Garbal », avec ses « va-et-vient » timides, Ousmane et Mamoutou ne sont parvenus à s’entendre sur un prix. « Je retourne au petit soir avec mes amis pour voir, mais il faut essayer de diminuer le prix proposé… », lance Mamoutou à Ousmane, avant de démarrer sa moto tout souriant. Aux dernières nouvelles, il n’est plus revenu.
M.C
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