Le retour de Starlink au Mali et son adoption au Niger marquent un acte fort de souveraineté numérique dans un Sahel en quête d’indépendance technologique. Analyse.
Le retour de Starlink au Mali et son autorisation au Niger sont bien plus qu’une simple affaire de connexion internet. Pour ces nations sahéliennes, souvent isolées des infrastructures mondiales et dépendantes des réseaux de télécommunications lents ou limités, l’arrivée de Starlink est une véritable bouffée d’air. Pourtant, au Burkina Faso, la situation reste bloquée, soulignant les tensions réglementaires autour de l’entreprise de Musk. Ce développement s’inscrit dans un contexte de réorganisation politique et économique de la région, marquée par la création de la Confédération des États du Sahel et la sortie conjointe de ces pays de la CEDEAO, des étapes cruciales pour l’autonomie et la coopération régionale.
Starlink, un levier de développement et d’indépendance pour le Mali et le Niger
Après des années de méfiance, le Niger et le Mali, qui avaient interdit Starlink en raison de craintes sécuritaires, ont finalement décidé de l’intégrer dans leur paysage numérique. Le Mali, après quelques mois d’interdiction, a choisi de légaliser l’utilisation de Starlink, sous condition d’un encadrement réglementaire temporaire. L’objectif : s’assurer que le réseau Starlink ne soit pas utilisé à des fins nuisibles, notamment par des groupes armés, tout en offrant aux citoyens un accès internet dans des zones jusque-là inaccessibles.
Au Niger, un accord signé avec l’entreprise promet un déploiement de réseau sans précédent, couvrant des zones où la connectivité est à peine existante. Le taux de couverture en 2G, 3G et 4G y est inférieur à un tiers du territoire. Pour les entrepreneurs nigériens, l’offre de Starlink, avec du haut débit à un tarif abordable, est une opportunité qui pourrait transformer le secteur économique.
Une souveraineté numérique en renforcement pour les États du Sahel
L’approche pragmatique adoptée par le Mali et le Niger montre une volonté d’avancer vers une souveraineté numérique assumée. Ces États, membres de la Confédération des États du Sahel, forment un bloc uni cherchant à prendre le contrôle de leur destin face à des défis sécuritaires et économiques. L’Alliance des États du Sahel, créée en septembre 2023, a marqué le début de cette dynamique, renforcée par la création de la Confédération en juillet 2024. Le retrait de la CEDEAO annoncé par ces trois pays en janvier 2024 a également cristallisé leur refus de dépendre d’organisations régionales ou internationales perçues comme éloignées des réalités locales.
L’intégration de Starlink dans ce cadre de souveraineté renforcée est une décision salvatrice, visant à offrir aux populations un accès direct et indépendant à internet, en contournant les réseaux nationaux parfois insuffisants ou soumis à des pressions extérieures. Pour ces États de l’AES, Starlink est ainsi un outil qui va bien au-delà de la simple connexion ; il devient une pièce essentielle d’un projet politique d’autonomie et de modernisation.
Les réticences du Burkina Faso : une approche plus prudente
Au Burkina Faso, en revanche, l’Autorité de Régulation des Communications électroniques et des Postes (ARCEP) a réitéré son opposition à Starlink, jugeant « irrégulière » la commercialisation de ses terminaux internet. L’ARCEP a rappelé que toute entreprise de communication doit se conformer aux lois locales. Les Burkinabés sont ainsi invités à se méfier de ce service, qui demeure interdit tant que Starlink n’aura pas satisfait aux exigences réglementaires du pays.
Ce positionnement contraste avec les choix faits au Mali et au Niger, mais reflète une prudence que l’on peut comprendre, surtout dans un pays où les préoccupations sécuritaires sont très fortes. Néanmoins, la décision du Burkina Faso de ne pas encore autoriser Starlink pourrait à terme isoler davantage sa population, en la privant de services numériques essentiels dans des zones souvent coupées du reste du pays.
Une modernisation numérique au service de la Confédération des États du Sahel
Ce retour de Starlink au Mali et son entrée au Niger s’inscrivent dans un contexte de réorganisation du Sahel. La Confédération des États du Sahel, au-delà de son objectif de coordination sécuritaire et économique, cherche à réduire la dépendance de ses membres vis-à-vis des acteurs extérieurs et des institutions perçues comme lointaines. Le numérique fait désormais partie intégrante de ce projet de modernisation. Offrir aux citoyens et aux entreprises locales un accès fiable au haut débit contribue à consolider l’autonomie de cette Confédération dans des domaines critiques, de l’éducation à la santé, en passant par l’économie et la sécurité.
L’ouverture à Starlink n’est donc pas un simple acte de libéralisation des télécommunications : elle incarne le choix de ces États de prendre en main leur développement, de se doter d’outils de communication qui répondent à leurs besoins spécifiques et de contourner les obstacles technologiques hérités de l’histoire coloniale et de la dépendance postcoloniale.
Starlink, une avancée stratégique dans un cadre sous contrôle
Pour le Mali et le Niger, le cadre réglementaire imposé à Starlink démontre une volonté de ne pas reproduire les erreurs du passé. En imposant une période d’essai au Mali et en négociant des accords précis au Niger, ces États entendent garder la maîtrise de l’utilisation de cette technologie sur leur territoire. La législation en cours d’élaboration et les plateformes d’enregistrement d’utilisateurs permettront d’assurer que Starlink serve les intérêts du plus grand nombre, tout en limitant les risques liés à son exploitation par des groupes armés ou des acteurs non désirés.
Avec Starlink, le Mali et le Niger font le pari de l’innovation et de l’ouverture au monde sans pour autant perdre le contrôle de leur infrastructure numérique. Ils démontrent qu’il est possible de conjuguer indépendance et progrès technologique. Face aux défis du 21e siècle, ces États sahéliens tracent une voie ambitieuse et nécessaire : celle d’une autonomie numérique au service de leur développement et de la souveraineté des peuples africains.
Chiencoro Diarra
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