En vue « d’établir une architecture de défense collective et d’assistance Mutuelle », le Mali, le Burkina Faso et le Niger signent, le 16 septembre 2023, une convention à Bamako. Les trois pays s’engagent, à travers cette Charte, à « lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et la criminalité en bande organisée » mais aussi à la « prévention, la gestion et au règlement de toute rébellion armée ou autre menace portant atteinte à l’intégrité du territoire et à la souveraineté de chacun des pays membres de l’Alliance ».
Le 26 juillet 2023, le président Mohamed Bazoum est tombé à la suite d’un coup d’État militaire perpétré par la garde présidentielle. Le commandant de cette unité, le général Abdourahamane Tiani, a été par la suite proclamé président de la transition, le 28 juillet. Il a réussi à rallier à sa cause tout le reste de l’armée. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) ainsi que la communauté internationale, dans leur fourvoiement, ont remué ciel et terre en vue de rétablir le président déchu. Mais que de peine perdue.
L’erreur de la Cédéao et de ses soutiens
La Cédéao croyait dure comme fer que des menaces d’intervention militaire pour déloger les putschistes allaient effrayer ces hommes en kaki. Mais c’était sans prévoir le soutien du Mali et du Burkina Faso à leurs frères nigériens. Dès l’annonce de la décision de la Cédéao de vouloir déployer des militaires sur le sol nigérien en vue de déloger de force les auteurs du putsch, le colonel du Mali et le capitaine du Burkina Faso se sont donnés la main pour soutenir le général du Niger. Ils ont tapé le poing sur la table en mettant en garde contre toute intervention militaire dans cet autre pays sahélien. Le faire allait, selon eux, être assimilé à une provocation et à une déclaration de guerre contre le Mali et le Burkina Faso.
La Cédéao ainsi que ses soutiens parmi les organisations régionales et internationales ont dès lors perdu le pied dans la gestion de cette crise dans cette région sahélienne aux immenses défis. L’erreur des uns devient un avantage pour les autres. En voulant atténué la situation politique, caractérisée par des putschs, ces organisations ont facilité la formation d’un véritable front souverainiste. Le Contexte exigeant, le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont rapidement devenus des amis, prêts à braver vents et marées pour assurer la défense de leur territoire et porter une assistance mutuelle à leur population.
Une étape décisive de la coopération entre les trois pays
Partageant une frontière commune, dénommée la zone des trois frontières, et dont la gestion était presque problématique, ces trois pays, depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, travaillent sur des voies et moyens pour une meilleure sécurisation de ladite zone. C’est dans ce cadre que les Chefs d’État du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont signé, le samedi 16 septembre 2023, la « Charte du Liptako-Gourma ». Par cette convention, ces trois pays instituent « l’Alliance des États du Sahel » (AES) avec comme « objectif d’établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle au bénéfice de nos populations », comme l’a annoncé le chef d’État malien sur son compte Twitter.
Selon les précisions de la présidence du Burkina Faso, « la création de l’Alliance des États du Sahel marque une étape décisive de la coopération entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Pour la souveraineté et l’épanouissement de nos peuples, nous mènerons la lutte contre le terrorisme dans notre espace commun, jusqu’à la victoire ».
En effet, en son article 6, la Charte précise : « Toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité du territoire d’une ou plusieurs Parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres Parties et engagera un devoir d’assistance et de secours de toutes les Parties, de manière individuelle ou collective »
Une nouvelle ère au sahel
Ce qui unie ces trois pays, c’est surtout leur degré d’exposition au terrorisme depuis des années. Les coups d’État militaires intervenus dans ces pays sont motivés par le vœu d’un renouveau, surtout sur le plan sécuritaire, économique et diplomatique. Le chainon manquant dans cette lutte commune contre l’insécurité et la mauvaise exploitation des ressources de leur sous-sol était le Niger. Un pays qui était d’ailleurs devenu un obstacle dans la traque aux groupes armés terroristes au Mali et au Burkina Faso.
Lors de sa visite en fédération de Russie à l’occasion du 2ème sommet Russie-Afrique du 27 au 28 juillet 2023, le capitaine Ibrahim Traoré l’avait si bien souligné. Tout en exprimant la disponibilité du Mali et du Burkina à soutenir le Niger, le président de la transition du Faso indiquait les difficultés qu’avaient les deux pays dans la sécurisation de la zone des trois frontières (Mali-Niger-Burkina Faso). La porosité de cette zone était le terreau fertile aux mouvements terroristes.
La nouvelle Charte du Liptako-Gourma est désormais un remède à cette situation tragique que vit cette région et qui est devenu une épine dans le pied des autorités de transition du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Cette nouvelle convention pourrait donc définir les principes de coopération entre les trois pays dans la sécurisation de cette frontière commune mais aussi de façon générale, la coordination commune des efforts de sécurisation à l’intérieur des pays signataires de la Charte. Une sorte de G3 pour qui se rappelle du retrait du Mali du G5 sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad et la Mauritanie). Bien que le Burkina Faso n’ait pas officiellement exprimé son retrait de cette organisation, il parait clair que ce pays n’est plus prêt à coopérer valablement au sein de l’ancien G5.
A travers cette nouvelle convention de coopération et d’assistance mutuelle, une nouvelle ère s’ouvre dans cette région sahélienne.
Chiencoro Diarrra
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