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Afrique : pourquoi le continent chauffe deux fois plus vite que le reste du monde

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Alors que le monde entier s’inquiète d’un réchauffement global estimé à +1,1 °C, l’Afrique vit une fièvre plus brutale encore : +0,86 °C en moyenne depuis trente ans, avec des pointes supérieures à +1,2 °C au Maghreb et au Sahel. Victime expiatoire d’un dérèglement qu’elle n’a pas provoqué, le continent chauffe deux fois plus vite que le reste du monde. Urbanisation galopante, désertification, océans surchauffés : les mécanismes se conjuguent pour faire de l’Afrique l’épicentre du chaos climatique.

Il suffit de regarder une carte thermique de la planète pour comprendre : en rouge vif, presque incandescent, le continent africain. Alors que la hausse moyenne mondiale depuis l’ère préindustrielle se stabilise autour de +1,1 °C et les experts envisagent qu’il atteigne +1,5° début 2030, l’Afrique vit, elle, à un rythme supérieur, une fièvre climatique qui semble ne jamais retomber. L’année 2024, record absolu ou deuxième année la plus chaude jamais enregistrée selon les sources, a confirmé cette tendance. Le continent se réchauffe plus vite, plus fort, et plus durement que toutes les autres régions du globe.

L’Afrique, épicentre d’une crise climatique planétaire

Les chiffres sont sans appel. En 2024, la température moyenne annuelle de surface en Afrique s’est située 0,86 °C au-dessus de la moyenne 1991-2020, avec des pointes particulièrement inquiétantes au nord du continent, selon le rapport sur l’état du climat en Afrique 2024 de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), publié le 12 mai 2025. Le Maghreb et le Sahara ont enregistré des excédents thermiques supérieurs à +1,2 °C, soit l’une des progressions les plus rapides jamais constatées. Le Sahel, déjà fragile, n’est pas épargné. Les modèles du GIEC projettent pour la région un réchauffement de +2 °C d’ici à 2040, soit une vitesse une fois et demie plus rapide que la moyenne mondiale.

C’est un paradoxe cruel : l’Afrique, responsable de moins de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, est en train d’en payer le prix le plus fort.

Le cercle vicieux des sols brûlés

Les raisons de cette amplification sont multiples. Les scientifiques évoquent d’abord l’effet d’albédo : plus une surface est claire, plus elle renvoie la lumière solaire. Mais à mesure que la désertification et la déforestation progressent, les sols deviennent plus sombres, absorbant davantage de chaleur. Résultat : un réchauffement local qui accélère l’évaporation, assèche les sols et alimente un cercle vicieux redoutable.

Dans certaines zones de montagne, la disparition de la végétation a déjà fait grimper la température locale de +3 °C. À cette logique physique implacable s’ajoute une autre réalité : la perte d’humidité des sols, mesurée partout sur le continent, réduit leur capacité de refroidissement naturel.

Quand les océans se liguent contre le continent

Mais la terre n’est pas seule en cause. Les océans qui entourent l’Afrique, en particulier l’océan Indien, jouent le rôle d’un four planétaire. Ce dernier se réchauffe à une vitesse inédite : +1,2 °C par siècle, contre 0,7 °C pour les autres bassins. Ses eaux surchauffées alimentent une mécanique climatique déréglée : vagues de chaleur marines qui se multiplient, tempêtes tropicales plus violentes, élévation du niveau de la mer menaçant les littoraux.

En 2024, 3 millions de km² d’océan autour du continent ont été affectés par des vagues de chaleur marines. Là encore, l’Afrique encaisse des chocs qu’elle n’a pas provoqués.

Urbanisation, déforestation, inégalités : les accélérateurs locaux

L’Afrique, continent le plus jeune du monde, est aussi celui dont les villes croissent le plus vite. Mais cette urbanisation sauvage engendre des îlots de chaleur urbains, avec des températures supérieures de plusieurs degrés aux zones rurales voisines. À Abidjan, Lagos ou Nairobi, l’asphalte et le béton piègent la chaleur, aggravant encore les effets du réchauffement global.

À cela s’ajoute la déforestation. En vingt ans, 18% des forêts de montagne ont disparu, emportant avec elles leur rôle de « climatiseurs naturels ». Résultat : la température maximale de l’air a bondi de +1,37 °C dans ces zones, et les nuages se forment plus haut, modifiant la régularité des pluies.

Ce réchauffement accéléré ne relève plus de la prospective. Il est déjà là, dans les chairs et dans les vies. Les vagues de chaleur s’allongent, s’intensifient et tuent. À Kayes, au Mali, le thermomètre a affiché en 2024 48,9 °C, un record. Les pluies, elles, deviennent plus capricieuses : trop violentes au Sahel, provoquant des inondations qui ont déjà coûté la vie à 1 500 personnes en Afrique de l’Ouest et centrale en une seule saison, trop rares en Afrique australe, où le Zimbabwe, le Malawi et la Zambie ont traversé leur pire sécheresse depuis vingt ans.

L’Afrique, laboratoire du climat mondial

À l’horizon 2040, toutes les sous-régions africaines auront franchi le seuil de +1,5 °C, même dans les scénarios les plus optimistes. Si rien ne change, le continent pourrait connaître une hausse de +2,7 °C en moyenne d’ici à 2040.

La conclusion s’impose, brutale : l’Afrique est le laboratoire du réchauffement mondial, une région où les mécanismes physiques, sociaux et économiques s’entrecroisent pour amplifier la crise climatique. Et où les populations, déjà fragilisées par l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les conflits, voient leur vulnérabilité multipliée.

Un constat qui pose une double exigence : d’un côté, une adaptation massive et urgente, portée par les États et soutenue par les partenaires internationaux ; de l’autre, une responsabilité accrue des grandes puissances polluantes, qui doivent cesser de faire de l’Afrique une victime collatérale de leur modèle énergétique.

Fousseni Togola 


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