En Éthiopie, l’Union africaine a tenu son 35e sommet ordinaire, samedi 5 février 2022, à Addis-Abeba. La question de la vague de coups de force militaire en Afrique de l’Ouest était parmi les sujets phares.
De l’insécurité aux coups de force militaire en passant par la pandémie de Covid-19, l’Afrique de l’Ouest est la proie à divers phénomènes déstabilisateurs, ayant parfois des liens étroits. Lors du 35e sommet ordinaire de l’Union africaine, les 5 et 6 février, ces problématiques étaient au cœur des discussions.
Depuis août 2020, la région ouest-africaine est marquée par la recrudescence des coups de force militaire. Au Mali, en août 2020 ensuite en mai 2021, en Guinée Conakry, en septembre 2021, et au Burkina Faso, en janvier 2022, les militaires se sont accaparés du pouvoir. « La situation sécuritaire du continent aujourd’hui est profondément marquée par la métastase du terrorisme et de la dangereuse résurgence des changements anticonstitutionnels », a indiqué Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’Union africaine.
À croire ses explications, il existe un lien étroit entre la menace terroriste et la recrudescence des coups d’État dans cette région : « […] les deux phénomènes établissent des liens de causalité connus de tous. L’un trouve souvent ses prétextes dans la prégnance et l’expansion de l’autre et la lutte nécessaire contre celui-ci produit l’illusion que le second est la réponse aux échecs avérés dans la lutte contre le premier », explique M. Mahamat.
En sauveurs du peuple ?
Au Mali, en Guinée aussi bien qu’au Burkina Faso, les putschistes se présentent en sauveurs du peuple et en défenseur des droits de l’homme et de la démocratie, à des moments où la tension était palpable entre le peuple et les dirigeants. Des manifestations tantôt pour dénoncer la mauvaise gouvernance, tantôt pour dénoncer l’expansion du terrorisme ou encore la corruption. Les juntes justifient donc leur prise du pouvoir par la volonté d’éviter ou de stopper un bain de sang dans ces pays.
Le sommet de l’Union africaine condamne donc « sans équivoque » la « vague » de coups d’État dans la région ouest-africaine et invite à des actions coordonnées pour éviter l’expansion du phénomène. Le chef d’État sénégalais, Macky Sall, nouveau président en exercice de l’UA, fustige ces coups d’État qui constituent « une atteinte majeure à la démocratie et à la stabilité institutionnelle sur le continent ». Dans une interview accordée à France 24, samedi dernier, il a justifié les sanctions de la Cédéao contre le Mali par la peur que ces changements deviennent coutumier.
Mohamed Bazoum, le président nigérien, a aussi saisi l’occasion pour exhorter ses pairs « à une mobilisation soutenue dans le combat contre le terrorisme et tous les facteurs de violence qui ont cours dans [le] continent ».
Comme pour répondre à cet appel, Moussa Faki Mahamat a souligné la nécessité d’une « vraie nouvelle approche qui devrait questionner [l’] architecture de paix et de sécurité et sa corrélation avec les nouveaux facteurs de déstabilisation de l’Afrique ». Il invite à un « sursaut d’intelligence et de décision ».
Charte africaine de la démocratie
De son côté, le président sortant de l’UA, Félix Tshisekedi, chef d’État du Congo, invite ses pairs à réfléchir et évaluer « les principes, règles et mécanismes de la Déclaration adoptée à Lomé en 2000 sur les changements anticonstitutionnels des pouvoirs ».
Il exhorte également à une meilleure harmonisation des approches des Communautés économiques régionales (CER) et leur synergie avec le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, ainsi que de la Commission. Aussi estime-t-il important de renforcer et d’intérioriser les instruments continentaux et régionaux de la bonne gouvernance tels que la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.
Toutefois, le nouveau président de l’Union africaine, Macky Sall, semble conscient de l’aspiration du peuple africain et il donne des assurances : « Plus de 60 ans après ses premières indépendances, l’Afrique est plus que jamais décidée à prendre son destin en mains. Notre continent ne saurait être la chasse gardée des uns contre les autres ».
Bakary Fomba
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