La promotion récente des colonels de la Transition malienne au rang de généraux, avec à leur tête le désormais Général d’armée Assimi Goïta, marque une étape cruciale pour le pays. Cette élévation en grade, plus qu’un simple titre honorifique, symbolise une ascension fulgurante de figures militaires devenues des acteurs incontournables de la vie politique et sécuritaire du Mali. Mais au-delà du prestige et des étoiles, une question se pose : quel message cette nouvelle élite militaire envoie-t-elle aux jeunes générations maliennes, celles qui formeront l’épine dorsale du Mali de demain ?
Les jeunes Maliens, qui ont grandi dans un contexte de bouleversements politiques et d’insécurité persistante, sont aujourd’hui confrontés à un modèle où l’armée apparaît comme la principale force de stabilisation du pays. À leurs yeux, ces généraux incarnent non seulement la sécurité retrouvée, mais aussi la résilience, le patriotisme et la capacité à reprendre en main un État vacillant. Cette élite militaire, bâtisseuse de souveraineté, pourrait bien devenir un idéal pour une génération en quête de repères.
Le risque d’une militarisation des esprits ?
Cependant, si la nouvelle élite militaire est perçue par les jeunes comme un modèle d’autorité et de pouvoir, une militarisation excessive des esprits pourrait poser problème. Le danger réside dans le fait que l’armée, par son omniprésence, pourrait éclipser les autres voies d’engagement, notamment civiques et politiques. Le Mali, dans sa quête de stabilité, a effectivement vu ses militaires reprendre le contrôle du pays à des moments critiques, mais doit-il pour autant ériger cette voie comme la seule solution pour accéder à l’influence et au leadership ?
Il serait préoccupant que les jeunes Maliens assimilent désormais la réussite et l’autorité à l’uniforme, au détriment de la politique civile et démocratique. Ce modèle pourrait pousser une partie de la jeunesse à envisager la carrière militaire non plus comme un service à la nation, mais comme un tremplin vers le pouvoir. Et cela soulève des questions cruciales sur la diversité des chemins possibles pour les jeunes générations dans la construction du Mali de demain.
Une élite militaire aux valeurs de rigueur et de sacrifice
Néanmoins, il faut reconnaître à cette élite militaire des qualités indéniables. Les nouveaux généraux ont montré une rigueur et un sens du sacrifice qui ne peuvent que susciter l’admiration. Leur gestion de la sécurité nationale, leur lutte contre le terrorisme, et la reconquête de territoires tels que Kidal, Ber et bien d’autres localités clés ont donné un souffle nouveau à l’armée malienne. Pour une jeunesse souvent désabusée, c’est un exemple fort d’engagement pour le bien commun et de résilience face à l’adversité.
Ces valeurs, essentielles pour la reconstruction du pays, doivent être mises en avant. L’exemple de ces généraux pourrait inspirer les jeunes à redécouvrir le sens du devoir et à s’engager activement dans la vie publique. Toutefois, cette inspiration doit s’accompagner d’un encouragement à l’engagement dans d’autres sphères, qu’elles soient politiques, économiques ou sociales. Le Mali ne peut se construire uniquement sur l’uniforme ; il a besoin d’une jeunesse engagée dans tous les secteurs de la vie nationale.
Un modèle à équilibrer avec les ambitions démocratiques
L’un des défis à venir pour le Mali post-Transition sera donc de redéfinir l’équilibre entre la place de l’armée et celle des institutions civiles. Les généraux de la Transition, bien que respectés pour leur leadership, devront comprendre qu’un pays ne se gouverne pas exclusivement par la force militaire. Ils ont la responsabilité de montrer aux jeunes qu’une nation forte est avant tout une nation où la démocratie, la pluralité des opinions, et la participation citoyenne prévalent.
Les générations à venir doivent apprendre que le leadership peut s’exercer de diverses manières : dans le débat politique, dans l’entrepreneuriat, dans l’innovation sociale. Le véritable enjeu pour ces généraux promus sera donc de ne pas apparaître comme des figures de pouvoir monopolistique, mais comme des garants d’un système où la diversité des parcours est valorisée. Ils ont aujourd’hui la lourde tâche de démontrer que la stabilité militaire est une étape transitoire, et non un modèle permanent de gouvernance.
Des perspectives à construire ensemble
Le défi est de taille : comment faire en sorte que l’élite militaire serve de modèle tout en préservant l’horizon d’un Mali véritablement démocratique ? Il s’agit d’un équilibre délicat à atteindre. Les jeunes Maliens doivent pouvoir voir en ces généraux des exemples de patriotisme, de dévouement, mais sans en faire des figures incontournables du pouvoir politique.
Dans une période où le Mali est en pleine refondation, il est essentiel de rappeler aux jeunes générations qu’elles doivent aussi être les actrices de cette renaissance. Les généraux de la Transition, bien que figures centrales de cette phase critique, ne doivent pas être les seuls héros de l’histoire nationale. Le pays a besoin de citoyens investis, dans l’armée certes, mais aussi dans la société civile, dans les institutions démocratiques, et dans l’économie. C’est dans cette pluralité que se construira le Mali de demain.
En définitive, les généraux promus ont une responsabilité énorme vis-à-vis de la jeunesse. Leur exemple est fort, mais il doit être tempéré par une ouverture vers d’autres formes d’engagement. Ce sera l’un des grands défis de l’après-Transition : montrer que l’ascension militaire ne doit pas être le seul chemin vers l’avenir.
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