Un rapport parlementaire souligne le manque de connaissance de la France en Afrique et met en évidence un sentiment défavorable croissant dans les zones francophones. Il recommande de rétablir d’urgence la confiance entre l’Afrique et la France afin d’éviter une propagation de la défiance sur le continent africain, qui est de plus en plus courtisé par d’autres acteurs internationaux.
Selon les parlementaires français, la politique de la France en Afrique est souvent perçue comme « illisible » et suscite des manifestations d’hostilité. Un rapport de 175 pages, présenté en commission des affaires étrangères le 8 novembre dernier, met en lumière cette problématique. Les députés Bruno Fuchs du Mouvement démocrate et Michèle Tabarot des Républicains ont souligné que la France doit revoir sa stratégie en Afrique afin de mieux répondre aux attentes des populations locales.
Les Africains demandent une autre politique à la France
Les auteurs du rapport ont mené de nombreuses auditions d’acteurs africains et français et constatent que la France a du mal à s’adapter aux mutations africaines, qu’elle manque d’une connaissance fine du continent et qu’elle refuse de se doter d’une véritable politique africaine. Ils critiquent également une stratégie souvent illisible de la part de la France.
Les Africains demandent une autre politique à la France, selon les auteurs du rapport, qui soulignent l’urgence d’agir pour éviter une contagion de la défiance et une perte de confiance. Le député Bruno Fuchs ajoute que cette lame de fond défavorable à la France s’est rapidement propagée dans les pays du Sahel et globalement en Afrique francophone.
Depuis son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron tente un changement de cap en Afrique en adoptant une approche moins militaire et axée sur les relations avec la société civile et le « soft power« . Cependant, le rapport estime qu’il manque une offre stratégique précise et à long terme pour inciter les pays africains à maintenir des liens nourris et plus égalitaires avec la France.
Les incohérences du gouvernement français
Les coups d’État au Mali en 2020 et 2021, au Burkina Faso en 2022 et au Niger en 2023 ont précipité le divorce entre la France et ces pays. Les autorités transitoires dans ces pays ont poussé à la porte l’armée française après une décennie d’intervention militaire. Le rapport souligne également les erreurs multiples dans l’opération Barkhane, lancée en 2014 au Mali, et estime que la posture de la France est devenue progressivement illisible.
Ce rapport parlementaire souligne également les incohérences du gouvernement français ces dernières années. Il mentionne notamment le fait que la France a accepté le premier coup d’État au Mali en 2020 et a soutenu Mahamat Idriss Déby Itno, qui a succédé à son père à la tête du Tchad sans processus constitutionnel. Ces actions ont aggravé les tensions et renforcé l’idée que les dirigeants français font preuve de condescendance envers l’Afrique.
De plus, il est également souligné que la France cherche principalement à maintenir ses parts de marché en Afrique face à l’arrivée de concurrents tels que l’Inde, la Turquie, l’Arabie saoudite, la Russie et surtout la Chine, qui est devenue le premier partenaire commercial des anciennes colonies françaises au cours des 20 dernières années.
Offre stratégique précise et à long terme
Pour rétablir une relation saine et durable avec l’Afrique, les auteurs du rapport préconisent un changement de style, en privilégiant des actions concrètes plutôt que de grands discours. Ils recommandent également une plus grande concertation et des échanges plus transparents et institutionnels dans la prise de décisions. Le rapport propose également une réforme profonde de l’aide publique au développement pour mieux l’adapter aux besoins locaux, ainsi qu’une révision de la politique des visas afin d’éviter les incohérences et les situations vexatoires quotidiennes.
Le rapport présente une trentaine de propositions pour refonder les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines afin de sauvegarder la place de la France en Afrique. Il appelle donc à une réforme profonde de la politique africaine de la France, avec une offre stratégique précise et à long terme, ainsi qu’une meilleure connaissance du terrain et une action plus adaptée aux réalités africaines.
Chiencoro Diarra
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