Home Actu [Tribune] Défier le cosmos : les répercussions des actions humaines sur la stabilité planétaire

[Tribune] Défier le cosmos : les répercussions des actions humaines sur la stabilité planétaire

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L’humanité est confrontée à des crises majeures qui remettent en question les principes de la logique cosmique et menacent la survie de notre planète. Cet article de Alliman Ezo, enseignant de philosophie au lycée catholique Notre-Dame des Victoires de Ouagadougou, au Burkina Faso, explore comment le refus de l’homme de suivre cette logique universelle contribue à la dégradation environnementale et sociale globale. M. Ezo est auditeur en Master 2 histoire de la philosophie et philosophie des sciences à l’université Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou. 

L’humanité est à un tournant décisif de son histoire. Les crises scientifiques, sociopolitiques et écologiques menacent la survie de notre monde et tout ce qui l’accompagne. Aussi inquiétant que cela puisse paraître, il est nécessaire d’oser lever un coin du voile pour comprendre les raisons. Eh bien ! Nous pensons que tous ces problèmes sont liés au non-respect de la logique des choses. Car sommes-nous convaincus qu’il y a une logique dans l’univers qui surpasse toute logique. Mais la logique humaine demeure pour la plupart aux antipodes de celle-ci. C’est justement sur ce constat que nous souhaitons orienter la présente plume.

De la perversion de la trilogie de la vie

Les hommes partagent, avec le reste des choses qui les entourent, cette loi selon laquelle toute chose naît, croît et meurt par la suite. C’est le principe même de l’animation de la vie. Mais la raison dont disposent les hommes leur donne la possibilité de flirter uniquement avec les deux premiers principes de cette loi. Pourquoi ? Parce que le troisième, celui de la mort, continue de les échapper quoi qu’on fasse. 

Le feu prométhéen de la civilisation a permis aux hommes de survivre dans ce monde, à l’abri de toute précarité voire même vulnérabilité. C’est la Science dont clamait René Descartes qui a rendu « l’homme maitre et possesseur de la Nature ». Cf. Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Par cette Science cartésienne, les hommes ont pu améliorer, un temps soit peu, leur qualité de vie jusqu’à manipuler les naissances (l’eugénisme) et transformer l’humain (le post-humanisme). Cela s’accompagne manifestement de la maladie de l’idéal de progrès qui gangrène les esprits et les cœurs des politiques, des scientifiques aussi bien que des hommes de consommation. 

Nous croyons que l’idée du progrès n’est pas mal en soi, cependant il importe de s’interroger sur sa direction, son sens et sa norme par rapport au temps et à l’espace. Telle l’égalité de deux vecteurs, ils doivent être égaux nécessairement. Dans ce cas, le progrès deviendra désormais innovation. Car l’innovation, dans la perspective de Francis Bacon, tient compte du temps, elle fait chemin avec lui et demeure son amie. Autrement dit, l’innovation ne consiste pas simplement en une production d’objets nouveaux, ce qu’est le progrès. 

Nous ne sommes pas sans savoir que le temps est maitre de tout dans l’univers. Courir plus vite que le temps, c’est aberrant ! Il finit toujours par nous rattraper et nous submerger. C’est là une marque de notre finitude qui nous fait entrer dans le livre de la logique cosmique. Alphonse de Lamartine ne chantait-il pas désespérément « ô temps, suspends ton envol ! ». Cf. Le Lac

En réalité, aller plus vite que le temps, c’est commettre deux fautes monumentales. La première est celle de notre défiance devant le maitre Temps ; la deuxième, est de faire l’amour de force avec sa fiancée Espace. Les conséquences de ces actes seront naturellement lourdes pour nous. 

Regardons à quel point avons-nous fait vieillir et mettre en danger l’écosystème de notre planète ! Voyons ce qui nous reste du sens de l’humain ! Et pourtant, cette trilogie de la vie évoquée plus haut, se réalise sous le regard bienveillant du Temps. Et c’est le propre ou dirons-nous la faiblesse des choses créées appelées par Spinoza, la natura naturata, c’est-à-dire la nature naturée. Cf. L’Ethique. Les choses créées ont pu intégrer cette logique dans leur mode de fonctionnement, excepté l’espèce humaine.

Le monde implique tout ce qu’il englobe (M  E)

Parmi les opérateurs logiques qui servent dans les opérations de logique, figure l’implication qui, pensons-nous, est privilégiée dans le rapport monde et ses composants. Le Monde implique les êtres, signifie « si le monde, alors les êtres ». Le monde devient mathématiquement parlant, l’ensemble de définition des êtres animal, végétal et humain. C’est en quelque sorte, cela sans quoi l’existence des êtres ne serait rendue possible. En réalité, en cherchant la substance (Archè) par laquelle le monde fut créé, les philosophes naturalistes étaient à l’école de la logique ou méthode qui gouverne le monde. 

C’est grâce à leur écoute et à leur obéissance à la nature qu’ils ont pu formuler des hypothèses susceptibles de rendre compte d’elle et par conséquent, de la comprendre. L’exemple des peuples autochtones de nos différentes sociétés, qui ne vivent qu’en valorisant la nature est atypique. Dans la philosophie hellénistique, les stoïciens ont essayé de nous le rappeler. Le monde tel qu’il est immensément conçu, est inépuisable de merveilles et de mystères qui dépassent les êtres qu’il contient. De ce fait, l’ordre du monde s’impose à tous. Nous devons nous y conformer pour contribuer à cet ordre universel. Épictète nous enseigne d’accepter que les évènements arrivent tels qu’ils sont, ainsi nous serons heureux. Cf. Manuel

Vivre heureux dans le monde, c’est justement penser dans la logique du monde, dominée par les lois espace-temps et cause à effet. Malheureusement, peu importe le domaine, l’homme a tendance à prévoir l’avenir qui n’existe pas et donc marqué d’incertitude. C’est l’illusion dans laquelle nous maintient, par exemple, notre modèle économique qu’est le capitalisme. Nous sommes devenus une société de consommation, de concurrence provoquant ainsi les injustices sociales envers la biosphère. Puisque la trajectoire des atomes du temps a été corrompue. De ce fait, ces atomes ne sont plus en liberté, mettant à mal la théorie du clinamen de Lucrèce.

Plus qu’une simple conclusion, une exhortation

Au regard de tout ce qui précède, arrêtons-nous un moment pour méditer et chanter avec Marc Aurèle, son cantique dédié à la mère Nature : « Je marche dans les sentiers que me trace la nature (…) d’où mon père a tiré le germe de mon être, d’où ma mère a tiré son sang, d’où ma nourrice a tiré son lait ; sur cette terre, dont moi-même, depuis tant d’années, je me nourris et m’abreuve chaque jour ; sur cette terre, qui me porte, quand je la parcours et que j’en abuse de tant de façons ». Cf. Pensées pour moi-même, IV

Soyons-en sûrs, ces mots sont un signe révélateur d’une intelligence humaine qui cherche à se conformer à la logique du cosmos. Ce qui donne lieu à une rationalisation épicurienne de nos désirs pour éviter d’être frappé par le déchaînement de l’orage des passions de toute nature.

 Alliman Ezo, auditeur en Master 2 histoire de la philosophie et philosophie des sciences à l’université Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou


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