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Tabaski : le grand défi des transporteurs face à l’afflux massif  

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À l’approche de la Tabaski, Bamako est prise dans un double mouvement. D’un côté, un afflux massif de passagers quittant la ville pour rejoindre leurs familles en région, poussés par le désir de fêter en communion. De l’autre, la capitale est en effervescence avec une forte demande en transports urbains vers les marchés, où les habitants s’activent pour les achats festifs. Telimani et Sotrama naviguent dans des embouteillages paralysants, tandis que les grandes compagnies gèrent des bus bondés. Ce chassé-croisé révèle les défis logistiques d’une ville où les traditions familiales dictent le rythme frénétique de la mobilité.

Le véritable baromètre de cette période, ce n’est pas tant le mouvement intra-urbain dans sa globalité, mais ce double dynamique. D’une part, une vague humaine qui déferle vers l’extérieur pour les retrouvailles familiales, et d’autre part, une effervescence intense des achats de dernière minute qui concentre la demande sur des zones précises de la ville.

Une ville est pleine de monde

Yacouba Cissé, de la compagnie Sonef Transport, en est le parfait témoin du premier mouvement. « L’afflux de passagers est tout simplement énorme en cette période de Tabaski », s’exclame-t-il, un mélange de satisfaction et de fatigue dans la voix. « Chacun veut aller fêter en famille dans sa localité. Nos bus sont pleins, archi-pleins. C’est une bénédiction pour notre activité, mais aussi un défi quotidien pour gérer un tel volume ». Les quais de la gare routière de Sonef ne désemplissent pas, avec des familles entières, bagages et moutons parfois, attendant patiemment leur tour pour rejoindre Ségou, Sikasso, ou d’autres régions du Mali.

Pourtant, en ville, la situation est plus nuancée pour les transports urbains comme les Sotrama et les Telimani. Si Seydou Dimbo, conducteur de Telimani, observe une baisse des « longues » courses dues aux départs massifs, il souligne aussi un regain de la demande pour les trajets courts et moyens, spécifiquement vers les marchés. « Beaucoup de passagers quittent Bamako, c’est vrai, mais cela réduit le nombre de personnes qui ont besoin de se déplacer loin. Mais en même temps, la ville est pleine de monde qui va et vient pour les achats de la fête, notamment les tissus, les épices, les ustensiles, tout ce qu’il faut pour le grand repas ».

Chaka Sangaré, un autre conducteur de Telimani au carrefour de Wara, à Yirimadio, confirme cette concentration de la demande. « Le marché est lent pour les voyageurs inter-quartiers hors des zones commerciales. Mais dès que tu es près d’un marché comme Dibida ou du Grand Marché, la demande explose. Les gens chargent leurs sacs, leurs paquets, ils ont besoin de se déplacer rapidement d’une boutique à l’autre ».

Une demande urbaine hyper-localisée, le cas des Sotrama et Telimani

Pour les Sotrama, la situation est particulièrement complexe. Bien qu’ils bénéficient de la demande des acheteurs, ils sont aussi les premières victimes de l’engorgement routier causé par cette même activité commerciale. Souleymane Coulibaly, chauffeur de Sotrama, l’explique : « C’est les embouteillages qui nous rendent fous ! Surtout près des gares routières et du grand marché. 

Les bus de campagne [ceux qui partent de la ville] bloquent tout en attendant leurs départs, et nous, les Sotrama, on est pris dedans. En plus, les gens viennent de tous les quartiers pour faire leurs achats, ça crée une congestion incroyable ». Pour les Sotrama, la demande est forte, mais l’efficacité du service est mise à mal par l’incapacité à circuler fluidement. Les trajets deviennent plus longs et moins rentables, malgré l’afflux de passagers désireux se rendre aux marchés.

Les Telimani, malgré leur agilité, ne sont pas épargnés. Malick Diallo, conducteur de Telimani, témoigne : « Il y a une bonne demande pour les courses vers les marchés, c’est clair. Mais l’embouteillage, c’est le problème. On zigzague, on essaie de passer, mais parfois, c’est juste impossible. Les clients sont pressés, ils ont mille choses à acheter, et nous, on est bloqué ». La demande est là, concentrée sur des itinéraires spécifiques et des heures de pointe liées aux achats, mais la fluidité reste le défi majeur.

Sécurité et tensions, le revers de la médaille de l’affluence

L’intensité du trafic, l’empressement des passagers à finaliser leurs achats pour la fête, et le stress des transporteurs créent un climat de tension palpable. Ousmane Arama, un jeune chauffeur de Sotrama, est particulièrement sensible à cette pression. « Les clients sont pressés, ils veulent qu’on roule vite pour aller chercher ceci ou cela pour la fête. Mais avec l’embouteillage et le Sotrama rempli, c’est très dangereux. 

La sécurité de nos clients passe avant tout ». La vigilance est de mise, d’autant plus que les disputes avec les passagers pressés sont fréquentes, comme le rapporte Souleymane Coulibaly, qui doit souvent expliquer pourquoi il ne peut pas les déposer « exactement là où ils veulent » à cause de l’encombrement.

L’afflux massif de passagers pour la Tabaski, dicté par le profond désir de retrouvailles familiales, mais aussi par l’intense activité d’achats en ville, révèle à quel point le système de transport de Bamako est sous pression. Au-delà des gains économiques pour certains, c’est une mise à l’épreuve de l’infrastructure et de l’organisation urbaine face à une double volonté collective. 

La Tabaski, impératif de retrouvailles

Les transporteurs, qu’ils soient de Sonef Transport, Coulou Transport, ou les conducteurs de Sotrama et de Telimani, appellent à une meilleure gestion de cette période critique. Des solutions concertées entre la mairie, les compagnies de transport et la police de la circulation sont urgentes pour fluidifier les départs, gérer les zones d’attente et, surtout, améliorer la circulation autour des marchés et des points névralgiques de la ville. L’objectif est d’assurer que chaque Malien puisse rejoindre sa famille en toute sécurité et faire ses achats sans que le voyage ne devienne un parcours du combattant.

La Tabaski, avec son impératif de retrouvailles, met Bamako à rude épreuve. Derrière chaque trajet ardu, chaque heure perdue dans les embouteillages, se cache la motivation simple et puissante de la communion familiale. Les témoignages des transporteurs et l’afflux incessant de passagers le prouvent, au-delà des défis logistiques, c’est l’âme même du Mali, attachée à ses traditions, qui est en mouvement. 

Ibrahim Kalifa Djitteye

Fatoumata Togo, stagiaire 


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