La problématique du détournement des fonds publics a pris des proportions très inquiétantes. Le phénomène s’est amplifié sous l’ère de la démocratie multipartite. Les rapports des différents services de contrôle en attestent. Après avoir détourné ces fonds, comment les agents publics font-ils pour les dissimuler ? La réponse a été fournie par l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI).
Dans un rapport de 2021 issu d’une étude qu’il a commanditée, l’OCLEI lève le voile non seulement sur les techniques de vol des fonds publics par les agents de l’État, mais aussi sur les manœuvres qu’ils utilisent pour les dissimuler.
Plusieurs techniques de spoliation des fonds publics ont été citées telles que : la distorsion dans l’attribution et l’exécution des marchés publics et délégations de service public (en matière de passation de marché public, d’exécution des marchés publics, etc.) ; la commission illicite (Acceptation d’argent par un agent pour influencer l’attribution d’une commande publique ; la fixation d’un pourcentage du montant du marché a payé ; l’acceptation de fausses déclarations [impôts, douanes] ; la gratification illégale ; la concussion/rétribution indue de service.
En bénéficiant de ces avantages, les agents publics empochent illicitement des revenus inimaginables. Le rapport annuel de l’année 2023 de l’OCLEI étale l’étendue de ces revenus à travers des cas bien précis.
Près de 2 milliards de FCFA de revenus annuels illicites pour six fonctionnaires
Il s’agit seulement de six fonctionnaires. Selon le rapport, le montant total des entrées sur les comptes bancaires et de finances mobiles sur une année de ces agents fonctionnaires s’élève à 1 877 080 560 F CFA alors que leurs revenus légitimes annuels se chiffrent à 335 375 781 F CFA. Il s’agit d’un inspecteur des douanes, d’un inspecteur des impôts, de deux inspecteurs des finances, et de deux agents d’organismes personnalisés. L’inspecteur des douanes est épinglé pour 383 589 465 F CFA sur ses comptes bancaires alors que le cumul de ses revenus légitimes s’élève à 50 505 503 F CFA.
Quant à l’inspecteur des impôts, il l’est pour 388 834 971 F CFA alors que le cumul de ses revenus légitimes s’élève à 122 716 471 F CFA. Les deux inspecteurs des finances le sont pour respectivement pour l’un 198 573 110 F CFA contre 51 027 629 F CFA de revenus légitimes ; et pour l’autre 58 693 502 F CFA contre 7 413 912 F CFA. Les revenus illicites des deux agents d’organismes personnalisés s’élèvent pour l’un à 482 750 989 F CFA alors que le cumul de ses revenus légitimes s’élève à 26 770 998 F CFA ; et pour l’autre de 482 750 989 F CFA alors que le cumul de ses revenus légitimes s’élève à 26 770 998 F CFA.
Utilisation de techniques de dissimulation variées
La dissimulation des fonds, selon l’étude, consiste en l’utilisation de moyens pour les soustraire à la connaissance ou à la vue du public. C’est une action importante pour les agents publics concernés afin d’être à l’abri de tout soupçon. Les fonds issus de ces pratiques sont dissimulés le plus souvent dans l’investissement immobilier, le mobilier, les métaux précieux, les titres financiers au porteur ou au nom de tiers ; les produits assurance au aux tiers ; les dépôts bancaires et comptes DAT [Dépôt à terme] au nom de tiers ou anonyme. Ils sont, aussi, investis dans les domaines suivants : les activités commerciales et lucratives [transport, commerce, prise d’actions dans le capital des sociétés ou entreprises, écoles privées, cliniques, laboratoires d’analyses, etc.] ; le mécénat ; le financement de partis politiques et ONG [Organisation non gouvernementale]. Les zones de préférence pour l’acquisition de biens immobiliers avec les fonds volés sont : Mali, France, Sénégal, Côte d’Ivoire, Canada et États-Unis d’Amérique.
Il faut noter que de 2017 à 2021, l’OCLEI a procédé à des investigations sur l’ensemble des dossiers issus de dénonciations, d’auto-saisine et d’exploitation des rapports. Il ressort de ces investigations que la valeur totale des biens [maisons d’habitation, parcelles, entrées sur les comptes bancaires, etc.] s’élève à 6 775 762 641 FCFA.
Par ailleurs, selon le rapport 2021 de Tranparency International sur l’indice de Perception de la Corruption [IPC], le Mali est classé 136e sur 180 pays au plan mondial, 33e sur 54 pays en Afrique et avant-dernier dans la zone UEMOA [Union monétaire ouest-africaine] juste devant la Guinée-Bissau. Autrement dit, le Mali se classe comme deuxième pays de l’espace UEMOA dans lequel l’enrichissement illicite est monnaie courante.
Sidi Modibo COULIBALY
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