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Sommet d’Abuja : Mali et Burkina refusent-ils de siéger avec la CEDEAO ? 

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Alors que s’ouvrait à Abuja, du 25 au 27 août, une conférence militaire africaine sur la sécurité, le Mali et le Burkina Faso ont refusé d’y participer. Un geste interprété par certains comme une crispation, mais qui traduit en réalité la ligne claire de l’Alliance des États du Sahel (AES) à savoir ne plus se diluer dans les cénacles régionaux jugés inféodés aux agendas extérieurs, et affirmer leur propre stratégie souveraine de défense.

La capitale nigériane s’est transformée, le temps de trois jours, en grand carrefour militaire africain. Chefs d’état-major venus de tout le continent, promesses de « solutions locales » et appels à « une architecture sécuritaire dirigée par l’Afrique ». Dans ce décor solennel, deux absences ont fait grand bruit : celles du Mali et du Burkina Faso, tous deux membres de l’Alliance des États du Sahel, qui ont décliné l’invitation.

Officiellement, seul le Niger — représenté par son attaché de défense à Abuja — a pris part aux discussions. Mais Bamako et Ouagadougou avaient déjà donné le ton. Depuis leur retrait de la CEDEAO en janvier dernier, ces deux capitales n’entendent plus s’asseoir à des tables où les décisions, selon elles, sont influencées de l’extérieur.

Un choix politique assumé

À Abuja, le général Christopher Musa, chef d’état-major nigérian, a rappelé que « la véritable sécurité ne s’obtient pas dans l’isolement ». Une formule qui sonnait comme un reproche voilé à l’adresse des pays de l’AES. Mais pour Bamako et Ouagadougou, la véritable question est ailleurs : comment construire une sécurité crédible quand ceux qui organisent les sommets sont les mêmes qui, hier encore, menaçaient d’envoyer leurs troupes renverser des régimes voisins ?

Car au Sahel, la mémoire est tenace. En 2023, c’est bien sous l’égide du Nigeria que la CEDEAO avait brandi la menace d’une intervention armée contre Niamey. Et si la tempête diplomatique s’est depuis apaisée, l’épisode a scellé une conviction à Bamako comme à Ouagadougou : la sécurité sahélienne ne se décrète pas depuis Abuja, Accra ou Abidjan, elle se construit sur le terrain, dans le sang versé face aux jihadistes.

AES : une autre voie

Pour les trois pays sahéliens, la création de l’AES en septembre 2023 est plus qu’une alliance militaire; c’est une déclaration d’indépendance. Refuser Abuja, ce n’est pas s’isoler, mais marquer une différence. Là où certains prônent la coopération régionale sous bannière CEDEAO — perçue comme le prolongement de vieilles tutelles —, le Mali, le Burkina et le Niger revendiquent une logique de souveraineté, quitte à s’attirer les critiques.

Leur credo : s’appuyer d’abord sur les forces nationales, sur la mobilisation populaire et sur des partenariats choisis — Moscou, Ankara, voire Téhéran — pour bâtir une défense débarrassée des agendas extérieurs.

Le symbole d’Abuja

Difita, Gao, Djibo ou Tillabéri : sur le terrain, la guerre continue. Mais sur le plan politique, l’absence de Bamako et Ouagadougou à Abuja envoie un signal. L’AES ne veut plus être spectatrice dans des conférences où l’on parle en son nom, mais actrice d’un destin commun forgé par ceux qui paient le prix fort de la guerre contre le terrorisme.

Au-delà des formules diplomatiques, la fracture est nette. D’un côté, une CEDEAO sous parapluie occidental, cherchant encore à se poser en garante de la stabilité. De l’autre, une AES qui, au nom de la souveraineté, préfère l’action au terrain des palabres.

Dans ce bras de fer silencieux, le rendez-vous d’Abuja restera comme une illustration. Parfois, l’absence en dit plus long que tous les discours.

A.D


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