Il est rare de passer une semaine sans apprendre l’attaque contre une position des forces armées maliennes (FAMA) par de « groupes armés terroristes », au centre ou au nord du pays. Des attaques qui ciblent le plus généralement des convois de « l’armée loyale ». Cette situation donne l’impression d’une faille communicationnelle ou plutôt d’un divorce.
Le 23 février 2021, un convoi de l’armée malienne, quittant Sévaré pour Konna, au centre du Mali, a été la cible d’une attaque qui a fait deux (2) morts et sept (7) blessés dans ses rangs. Cet incident a été suivi par celui du 2 mars contre une mission d’escorte des relèves de Nampala et de Youwarou, toujours au centre du pays. Un accrochage à l’issue duquel quatre (4) terroristes ont été tués, et des équipements militaires saisis par l’armée malienne. Le 7 mars également, une mission de patrouille des forces armées maliennes de Boni, dans la région de Mopti, a été victime d’une embuscade ayant fait six (6) blessés dans leurs rangs.
Des interrogations demeurent
La plus récente attaque du genre est celle de Tessit, dans la région de Gao, le 15 mars 2021. Une attaque ayant coûté la vie à une trentaine de militaires maliens. Selon les précisions du chef d’État-major général des armées, cette attaque a été perpétrée contre « la relève montante du poste de sécurité de Tessit ». Une attaque suite à laquelle un flux de questions nous assaille l’esprit : où était la relève descendante lorsque l’attaque est survenue ? N’existe-t-il pas de sécurisation aérienne pour les militaires maliens ? S’agirait-il plutôt d’une légèreté dans la chaîne de commandement des FAMA ?
Une réponse claire et précise à ces questions pourrait conduire à une résolution durable de cette crise sécuritaire qui n’a que trop duré, avec son lot de morts civils et militaires.
Certes, ces attaques pourraient être tributaires d’un problème de communication, mais il ne convient pas non plus de négliger l’hypothèse selon laquelle le ver pourrait bien être dans le fruit. Ces attaques contre des convois de l’armée malienne laissent supposer que les « groupes armés terroristes » ou les « hommes armés non identifiés », auteurs de ces multiples incidents, sont mieux informés sur les positions des militaires maliens. Ce qui ne peut se faire que par des sources bien informées des actions des FAMA.
Loin de nous l’idée de supposer que les militaires maliens auraient en leur sein des espions, mais plutôt d’une éventuelle complicité entre des civils et ces groupes armés qui évoluent dans ces zones.
Des hypothèses
Une hypothèse à ne pas négliger. En raison des exactions, le plus souvent reprochées aux forces armées maliennes ou partenaires contre des civils dans certaines zones du centre, la confiance semble rompue entre ces populations et les militaires. Une situation qui aurait favorisé les groupes armés qui n’ont nullement tardé à gagner la confiance de ces civils, acquis désormais à leur cause. Une complicité qui ne peut qu’exposer les forces armées.
Outre ce paramètre, il convient de souligner également le paradoxe de l’insécurité dans le sahel de façon générale. Dans une zone saharo-sahélien, à la végétation très pauvre, où plusieurs partenaires militaires sont présents, avec des équipements assez sophistiqués, comment se fait-il que ces groupes armés réussissent à se promener à moto voire à véhicules sans pour autant être pratiquement aperçus ? Ce constat laisse supposer la possibilité d’existence d’une complicité ou d’une faille dans le système de surveillance ainsi que de la communication.
Renouer le lien avec les civils
Au Mali voire dans le sahel de façon générale, la protection des civils est l’une des demandes fortes formulées de plus en plus par plusieurs organisations et partenaires militaires de cette région. Cette protection pourrait bien être gage de stabilité et par ricochet de développement durable.
Pour une meilleure sécurisation de leur personne ainsi que de leurs biens, ces civils doivent aider les militaires, en devenant leurs yeux et leurs oreilles, à mieux les protéger.
Cette nécessaire complicité entre les forces armées et les populations est mise en exergue par des organisations, comme la Coalition citoyenne pour le sahel, qui est une organisation regroupant plusieurs associations de la société civile au sahel. Les chefs d’État des pays du G5 Sahel ont également mis l’accent sur la question, lors du sommet de N’Djamena, en février 2021.
Il est important de souligner l’impossibilité de réussir la lutte contre le terrorisme, sans une véritable implication des civils. Certes, des civils ne peuvent pas prendre des armes et combattre des terroristes, mais ils sont en mesure de livrer des informations aux forces armées sur les mouvements suspects qu’ils auront découverts dans leur entourage. Car si ces groupes armés terroristes se cachent des forces armées, ils ne se cacheront pas des populations qu’ils maintiennent dans la terreur. Mais au préalable, il est important que les civils se sentent en sécurité en coopérant avec les forces armées.
Fousseni Togola
Source : maliweb.net
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