Home A la Une Réinitialisation au sommet : Assimi Goïta met fin aux fonctions du Premier ministre et de son gouvernement

Réinitialisation au sommet : Assimi Goïta met fin aux fonctions du Premier ministre et de son gouvernement

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Le Président de la Transition, le général d’armée Assimi Goïta, a pris la décision, ce mercredi 20 novembre 2024, de limoger le Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga et son gouvernement. Le chef de l’État redéfinit les équilibres politiques dans un contexte de tensions croissantes.

Dans un geste attendu par certains, redouté par d’autres, mais indéniablement marquant, le Président de la Transition, le Général Assimi Goïta, a mis fin aux fonctions du Premier ministre et de l’ensemble du gouvernement. Ce décret, pris en conformité avec les principes de la nouvelle Constitution du 22 juillet 2024, redéfinit les contours du pouvoir exécutif dans une période où le Mali est à la croisée des chemins politiques. Une décision qui, tout en réaffirmant l’autorité du chef de l’État, soulève des questions sur les impacts pour la Transition, la gouvernance et les perspectives d’un Mali en quête de stabilité.

La décision de démettre le Premier ministre et le gouvernement s’inscrit dans les dispositions de la Constitution du 22 juillet 2024, qui a renforcé le rôle du Président de la Transition. Selon l’Article 57 de cette Constitution : « Le Président de la République nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions. Il nomme les autres membres du Gouvernement, après consultation du Premier ministre et met fin à leurs fonctions.» Ce texte, voté à une large majorité, confère au chef de l’État des pouvoirs étendus pour gérer des situations de crise et garantir l’unité nationale. En mettant en œuvre ce pouvoir, Assimi Goïta s’est positionné comme l’arbitre ultime des dynamiques politiques du pays, un rôle que le contexte malien, marqué par des tensions internes, des défis sécuritaires et une pression populaire croissante, a rendu essentiel.

Une décision aux motivations multiples

Le limogeage du Premier ministre, bien que justifié constitutionnellement, ne peut être dissocié de son contexte politique immédiat. Le Premier ministre sortant, Choguel Kokalla Maïga, a été au centre de controverses répétées ces derniers mois. Son discours devant les militants du M5-RFP, le 16 novembre dernier, jugé incendiaire par de nombreux observateurs, a exacerbé des tensions déjà palpables entre les différentes institutions et les acteurs politiques du pays.

Ses propos, où il dénonçait des « dysfonctionnements institutionnels » et appelait à une « vigilance face aux rivalités », ont été perçus comme une tentative de division plutôt qu’un appel à l’unité. Cela a entraîné une vague de protestations dans plusieurs régions, avec des appels clairs à sa démission. Pour Assimi Goïta, la décision de le démettre semble répondre à une double nécessité : calmer la rue et recentrer la Transition sur ses objectifs fondamentaux.

La Transition redessinée : quelles implications ?

Le départ du Premier ministre et de son gouvernement ouvre une nouvelle page dans la Transition malienne. Mais cela soulève également des questions fondamentales : qui prendra les rênes du gouvernement ? Quelle sera la nouvelle orientation politique ? Et surtout, comment cette décision impactera-t-elle la dynamique entre les forces civiles et militaires ?

Le limogeage complet du gouvernement pourrait marquer une réorganisation profonde du pouvoir exécutif. Le prochain Premier ministre devra relever des défis colossaux : réconcilier une classe politique fragmentée, apaiser les tensions sociales, poursuivre la refondation des institutions, et maintenir le cap vers des élections démocratiques.

Les défis immédiats de la Transition

En démettant son Premier ministre, Assimi Goïta réaffirme son rôle de chef incontesté de la Transition. Mais ce geste ne doit pas être vu uniquement comme un acte d’autorité : il reflète aussi une prise de responsabilité. Le Président semble avoir entendu les appels du peuple, excédé par des querelles politiques et des discours perçus comme contre-productifs. Ce geste, bien que salutaire, est aussi risqué : il place sur ses épaules la lourde tâche de démontrer que ce changement n’est pas seulement symbolique, mais porteur d’une réelle transformation.

La dissolution du gouvernement intervient à un moment critique pour le Mali. Le pays fait face à des défis multiples, notamment sur les plans sécuritaire, économique et institutionnel. Sur le terrain, les forces armées continuent de lutter contre des groupes terroristes qui exploitent les divisions internes pour avancer leurs agendas destructeurs. Sur le plan économique, le Mali fait face à une crise financière et alimentaire qui exige une gestion proactive et coordonnée.

La Transition, quant à elle, est censée être une période de refondation nationale. Les objectifs définis dans les Assises nationales de la Refondation (ANR) restent au cœur des attentes populaires : souveraineté nationale, justice sociale, et gouvernance transparente. Mais pour que ces objectifs soient atteints, une coordination sans faille entre les institutions et une unité politique sont indispensables.

Une réponse à la pression populaire

La pression populaire, matérialisée par des mobilisations dans plusieurs régions, le 19 novembre dernier, a joué un rôle central dans cette décision. Les manifestants, souvent regroupés sous la bannière de la société civile ou des mouvements de jeunes, ont exprimé leur mécontentement face à ce qu’ils percevaient comme un immobilisme du gouvernement. En répondant à ces appels, Assimi Goïta tente de rétablir un lien de confiance avec le peuple malien, tout en montrant que la Transition reste à l’écoute de ses citoyens, comme toujours.

Le départ du Premier ministre redessine également les équilibres politiques au sein de la Transition. Le M5-RFP, mouvement phare de la contestation ayant conduit à la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta, en août 2020, se retrouve dans une position délicate. En tant que figure majeure de ce mouvement, Choguel Maïga a été un pilier de la Transition. Mais son départ pourrait affaiblir l’influence du M5-RFP dans les cercles du pouvoir, à moins que ses membres ne parviennent à se repositionner stratégiquement.

Les attentes populaires : des résultats, pas des discours

Pour le peuple malien, cette décision offre une opportunité de renouveau. Mais elle s’accompagne aussi d’attentes élevées. Les Maliens, confrontés à des conditions de vie difficiles, exigent des résultats concrets. La sécurité, la justice et la transparence sont des priorités qui ne peuvent plus attendre.

Le prochain gouvernement devra démontrer sa capacité à répondre à ces attentes, en traduisant les promesses de la Transition en actions tangibles. Cela exigera non seulement des compétences techniques, mais aussi une volonté politique de dépasser les querelles de pouvoir et de se concentrer sur les besoins des citoyens.

Un pari pour l’avenir

En mettant fin aux fonctions du Premier ministre et de son gouvernement, le Président de la Transition a fait un pari. Il reste à voir si ce geste marquera le début d’une nouvelle dynamique ou s’il révèlera des failles plus profondes dans le processus de Transition. Une chose est certaine : le Mali se trouve à un moment charnière de son histoire. La voie choisie par Assimi Goïta pourrait définir non seulement l’issue de la Transition, mais aussi l’avenir politique du pays.

Le peuple malien, acteur clé de cette Transition, continue d’espérer un Mali Kura, un Mali refondé sur des bases solides de justice, de souveraineté et de prospérité. Mais pour que cet espoir devienne réalité, il faudra que chaque décision prise, y compris celle-ci, soit accompagnée d’une vision claire et d’une action déterminée.

Alassane Diarra 


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